Séminaire IV : LA RELATION D'OBJET ET LES STRUCTURES FREUDIENNES
partie I : THEORIE DU MANQUE D'OBJET
leçon 1. Introduction
2. Les trois formes du manque d'objet
3. Le signifiant et le Saint-Esprit
4. La dialectique de la frustration
5. De l'analyse comme bundling, et ses conséquences.
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Agent Manque Objet
castration imaginaire
(dette symbolique)
frustration réel
(dam imaginaire)
privation symbolique
(trou réel)
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Ce tableau permet d'articuler le problème de l'objet tel qu'il se pose dans l'analyse.
L'analyse est partie d'une notion qui a fait scandale : les relations affectives
de l'homme. non pas tant d'avoir mis en valeur le rôle de la sexualité (personne ne songe
plus à s'en offenser), mais surtout d'avoir introduit ce qui fait ses paradoxes, à savoir
que l'objet sexuel présente un difficulté essentielle qui est d'ordre interne.
Certains ont pourtant effectué un glissement vers une notion harmonique de l'objet, très loin
de ce que Freud a rigoureusement articulé, notion qui concerne l'objet (choix d'objet etc..)
et non la relation d'objet. Dans "Pulsion et destin des pulsions" : l'objet de la pulsion est
celui à travers lequel l'instinct peut atteindre son but. Il est variable, rien ne lui est
originairement accroché, mais quelque chose lui est subordonné, suite à son appro-
priation, la possibilité de son apaisement "(citation approximative).
Donc pas d'harmonie entre l'objet et la tendance, l'objet qui lui est lié l'est à cause
de conditions spécifiques à lui => articuler ceci en suivant Freud qui dit que l'objet n'étant
que re-trouvé à partir d'une Findung primitive, la re-trouvaille (Wiederfindung) n'est
jamais satisfaisante, l'objet est toujours inadéquat. Cela amène à critiquer la théorie
actuelle qui privilégie la notion de frustration qui était marginale pour Freud. pour cela
il y a à différencier castration, frustration et privation.
La castration est liée à un ordre symbolique déjà institué en une longue cohérence
de laquelle le sujet ne peut être isolé. Nos réflexions antérieures, et Freud, le disent,
elle est liée à la position du complexe d'Oedipe, articulation essentielle de l'évolution de la
sexualité. Le complexe d'Oedipe comporte fondamentalement, en lui-même, la
notion de LA LOI. C'est pourquoi la castration institue une dette symbolique. L'objet
mis en jeu dans la dette symbolique instituée par la castration est un objet imaginaire,
c'est le phallus.
Nous occuper de la notion de frustration déroge peu à la notion mise par Freud au centre
de la conflictualité analytique, la notion de désir. A quoi se rapporte cette frustration ?
La notion de frustration, mise au 1er plan de la théorie analytique, se rapporte au
premier âge de la vie, et est liée à l'investigation des traumas, fixations, impressions,
provenant d'expériences pré-oedipiennes. Elle n'est pas extérieure à l'Oedipe, elle
en donne la base, le terrain préparant chez le sujet ses inflexions, plus ou moins poussées,
vers atypie ou hétéronymie. Le mode de relation à l'objet en jeu dans la frustration
introduit la question du réel dans le développement du sujet, avec son cortège de
métaphores quantitatives : satisfaction, gratifications, somme de bienfaits adaptés,
adéquats, saturation, carence .. Toutes conditions réelles censées être repérées dans
les antécédents du sujet en analyse, comme le dit la littérature analytique actuelle. Alors
que c'est absent ou conceptualisé autrement dans les premières observations analytiques.
La frustration est considérée comme un ensemble d'impressions réelles, vécues au moment
où la relation à l'objet réel est centrée sur l'imago dite primordiale du sein maternel, par
rapport à quoi vont se former penchants et fixations premières. De là ont été articulés les
stades instinctuels, stades oral, anal, subdivisions phalliques, sadiques etc.. et leurs relations
marquées par un élément d'ambivalence qui fait que le sujet est deux, qu'il participe de la
position de l'autre. C'est une anatomie imaginaire du développement du sujet.
Nous limiter à cela : un sujet dans une position de désir pour le sein objet réel, pose
la question de savoir ce qu'est ce rapport le plus primitif du sujet à l'objet réel ?
Freud ayant parlé du stade vécu d'auto-érotisme, les uns y ont vu le rapport primitif de
l'enfant à l'objet maternel primordial, d'autres ont objecté que les observations directes
contredisent que l'enfant ne connaisse que lui-même. ((Quoi de plus extérieur au sujet que
cet objet en lui-même la première nourriture, et dont il a le besoin le plus pressant ? je mets
cette phrase entre parenthèses, je ne sais pas à quoi elle s'applique exactement))
Confusion ==> malentendus ==> discussion qui piétine ==> formulations dont je donne un
exemple avec la théorie d'Alice Balint : concilier la notion d'auro-érotisme telle que Freud
en a parlé et l'objet réel avec lequel l'enfant est confronté primitivement ==> une forme
d'amour (primary love) avec égoïsme et don parfaitement conciliables, réciprocité entre
exigences de la mère et exigences de l'enfant, parfaite complémentarité des deux pôles
du besoin. C'est contraire à toute expérience clinique. un soi-disant primitif amour
parfait et exactement complémentaire, alors que nous avons sans cesse affaire dans le
sujet à l'évocation de tout ce qui a pu advenir de discordances fondamentales. D'ailleurs
A.B. quand elle dit que là où les rapports sont naturels (chez les sauvages), l'enfant est
toujours au contact de la mère. C'est ailleurs, au pays des rêves, que la mère à toujours
l'enfant sur le dos .. Mais un amour si strictement complémentaire est une évasion si peu
correcte que les auteurs sont obligés de dire que c'est une position idéale (idéactive).
Pour introduire à notre critique de la notion de frustration, je vais utiliser la théorie de
Mélanie Klein. Dans un bulletin de l'Association des psychan. belges, on trouve les
auteurs cités dans ma 1ere leçon, qui se centrent sans vergogne sur une vue optimiste de
la relation d'objet. Pasche/Renard reprochent à M. Klein de mettre tout à l'intérieur
du sujet d'une façon préformée (tout l'Oedipe, dont les éléments n'auraient plus qu'à
sortir), comme le chêne dans le gland en biologie, et rien ne viendrait de l'extérieur.
Il y aurait au départ des pulsions agressives (c'est vrai que MK théorise beaucoup
l'agressivité) puis les chocs en retour venant de l'extérieur, du champ maternel, et par
leur intermédiaire la construction de la totalité de la mère, schème préformé à partir
de quoi s'instaure la soi-disant position dépressive. Je simplifie, et souligne à quoi cet
article aboutit : les auteurs paraissent fascinés par la question de savoir comment ce qui
vient de l'extérieur s'inscrit dans le développement, et croient lire dans l'apport kleinien.
Que l'enfant naîtrait avec des instincts hérités face à un monde qu'il ne perçoit pas mais
dont il se souvient, et qu'il aura ni à faire partir de lui-même ou d'autre chose, ni à
découvrir par une suite de trouvailles, mais à reconnaître. Le caractère platonicien est
là patent, le monde instauré suite à une préparation imaginaire à quoi le sujet serait déjà
adéquat. Cela va à l'encontre de tout ce qu'a écrit Freud, et ce n'est même pas ce
qu'a voulu soutenir M. Klein. Elle montre au contraire que la situation 1 ère est
chaotique, véritablement anarchique : le bruit et la fureur des pulsions, et de dont il s'agit est
comment quelque chose comme un ordre peut s'établir à partir de là.
Sa conception a quelque chose de mystique car les fantasmes n'ont qu'un effet rétroactif,
car c'est dans la construction du sujet qu'ils se projettent sur le passé. Mais c'est à partir de
points très précoces, et si elle peut lire rétroactivement dans son passé rien moins que la
structure oedipienne, c'est qu'il y a là une raison. Si on fait abstraction des mirages (l'Oedipe
déjà là sous les formes morcelées du pénis se déplaçant au milieu des frêres et soeurs à
l'intérieur du champ défini par le corps maternel), cette articulation précoce décelable dans
un certain rapport avec l'enfant est une question féconde. Cette articulation théorique
se base sur une idée qui satisfait notre idée des harmonies naturelles,
mais elle n'est pas conforme à l'expérience.
Il faut partir de la frustration, qui est le vrai centre où situer les relations primitives de
l'enfant, mais à condition de savoir de quoi on parle, d'en avoir une notion juste.
Car dans la frustration il y a deux versants, inséparables jusqu'au bout.
D'une part un objet réel, qui commence d'exercer son influence dans les relations du
sujet bien avant d'être perçu comme objet. Avec cet objet réel la relation est directe.
En fonction d'une périodicité où apparaissent des trous et des carences le sujet établit
un certain mode de relation. Sans rapport avec une éventuelle distinction moi/non-moi.
Dans la position auto-érotique de Freud par exemple, il n'y a pas de constitution de l'autre
ni d'abord concevable de la relation.
D'autre part il y a un agent. L'objet n'entre en fonction que par rapport au manque, et
dans ce rapport fondamental du manque à l'objet, il faut inclure la notion d'agent, la mère en
l'occurrence. Freud a saisi de façon fulgurante cette position principielle de l'enfant
vis à vis des jeux de répétition. La mère est autre chose que l'objet primitif, et cela
apparaît bien à l'occasion de ces premiers jeux de prise d'un objet indifférent en lui-même
et sans valeur biologique : n'importe quoi que le petit enfant de quelques mois fait passer
par-dessus le bord de son lit pour le rattraper ensuite, d'une manière ou d'une autre. C'est
un couplage présence//absence (articulé très précocement) qui connote la première
constitution d'un agent de la frustration, qui est donc à l'origine la mère. Nous
pouvons donc écrire S(M) le symbole de la frustration. A l'étape "position dépressive" de
M.Klein l'élément nouveau que la mère introduit dans le "chaos des objets morcelés" vient
davantage de sa présence/absence que d'elle même. La présence/absence n'est pas
posée, elle est articulée par le sujet lui-même, grâce au registre de l'appel : l'objet
maternel appelé quand il est absent, rejeté quand il est présent, par une vocalise
qui fait scandement, scansion, et qui est une amorce de l'ordre symbolique.
Cet élément, qui se dégage de la relation d'objet réelle, est aussi l'élément qui permettra
au sujet d'établir un rapport à un certain objet réel et les traces qui en restent, lui offrant
la possibilité de raccorder la relation réelle à une relation symbolique.
Ce qui est introduit dans l'expérience de l'enfant par le couple d'opposition prés/abs. tend à
s'endormir au moment de la frustration. L'enfant se situe donc entre la notion d'un agent
qui participe déjà de l'ordre de la symbolicité, et le couple d'opposés présence/absence
avec sa connotation plus-moins, 1er élément de l'ordre symbolique. Il ne suffit pas
à le constituer mais l'opposition +/- en contient l'origine, la condition fondamentale.
Revenons à ce virage, où la relation primordiale à l'objet réel devient plus complexe,
où la relation mère-enfant s'ouvre à des éléments qui introduiront à une dialectique **
C'est à dire : que se passe-t-il si l'agent symbolique, terme essentiel de la relation de l'enfant
à l'objet réel, la mère en tant que personne, ne répond plus à l'appel du sujet ?
Elle déchoit. **
Elle était inscrite dans la structuration symbolique comme objet présent-absent en fonction
de l'appel, comme agent distinct de l'objet réel de satisfaction. Mais si elle ne répond à l'appel
qu'à son gré à elle, elle sort de la structuration et devient réelle, devient une puissance.
C'est, pour toute la suite, l'amorce de la réalité.
En même temps se produit un renversement de la position de l'objet : tant qu'il s'agit d'une
relation réelle, du sein par exemple, on peut le faire aussi enveloppant qu'on veut.
Mais si l'agent, la mère, devient puissance réelle de qui dépend l'accès aux objets,
les objets qui = purs et simples objets de satisfaction deviennent objets de don.
Ils deviennent alors, comme la mère et ni plus ni moins, susceptibles d'entrer dans la
connotation présence-absence dépendant la puissance maternelle devenue objet réel.
Et les objets possédables, saisissables, ceux que l'enfant peut retenir objectivement,
ne sont pas seulement objets de satisfaction, ils sont aussi la marque de la valeur
de cette puissance qui peut ne pas répondre, de la puissance attribuée à la mère.
La position s'est renversée : la mère est devenue réelle, l'objet est devenu symbolique.
Valant comme témoignage émanant du don venant de la puissance, il englobe deux ordres
de propriété satisfaisante, 2 fois possible objet de satisfaction :
satisfaction d'un besoin + symbole d'une puissance favorable.
C'est important, au regard de la notion devenue encombrante depuis que la psychanalyse
s'est "génétisée" , de toute-puissance et d"omnipotence de la pensée". L'enfant ne peut avoir
la notion de toute-puissance, et même s'il en a l'essentiel, de quelle toute-puissance s'agit-il ?
La toute puissance dont il s'agit est celle de la mère, à ce moment décrit plus haut.
Moment décisif où la mère passe à la réalité à partir d'une symbolisation archaïque.
Il est impensable que l'enfant ait la notion de sa tout-puissance à lui. Rien n'indique dans son
développement cette soi-disant toute puissance et des échecs qu'elle rencontrerait.
Ce qui compte ce sont les carences et déceptions autour de la toute-puissance maternelle.
Là des distinctions essentielles sont à faire.
Voilà l'enfant en présence de quelque chose qu'il a réalisé comme puissance : du plan
présence-absence à l'appel, il passe au registre de ce qui peut se refuser et qui détient tout
ce dont il a besoin. Et même s'il n'en a pas besoin, dés lors que cela dépend de quelqu'un,
cela devient aussi symbolique.
Posons cette question à partir de cette donnée : Freud dit que dans le monde des objets
il y en a un qui a fonction paradoxalement décisive, le phallus objet imaginaire, à ne pas
confondre avec le pénis réel dont il est la forme érigée. Si décisive que sa nostalgie, sa
présence, son instance, sont, dans l'imaginaire, plus importantes pour la moitié de l'humanité
auquel manque son corrélat réel, que pour ceux qui l'ont et dont pourtant toute la ie sexuelle
est subordonnée au fait qu'ils en assument imaginairement l'usage comme licite, permis.
Les Balint ns disent que mère en enfant forment une seule totalité de besoins. Je les dessine
au tableau comme deux cercles extérieurs. Freud ns dit que la femme a au nombre de ses
objets essentiels le phallus, et que cela entre ds le cadre de sa relation à l'enfant.
Pour la raison que si la femme trouve dans l'enfant une satisfaction, c'est parce que
quelque chose en lui calme et sature quelque chose en elle, son besoin de phallus.
L'enfant et la mère sont donc dans un certain rapport dialectique : l'enfant attend qq chose
de la mère, il en reçoit aussi qq chose, et peut (comme disent les Balint) se croire aimé
uniquement pour lui-même.
Or l'image du phallus pour la mère n'est pas complètement à ramener à l'image de l'enfant,
il y a une diplopie, une division de l'objet désiré soi-disant primordial : loin d'être harmonique
le rapport de la mère à l'enfant se double d'un coté par le besoin d'une certaine saturation
imaginaire, de l'autre par les relations réelles efficientes, à un niveau primordial, et visant
à être idéales. Il y a toujours, pour la mère, qq chose qui n'est pas réductible : l'enfant réel
est aussi le symbole de son besoin imaginaire. Les trois termes y sont.
Toutes sortes de situations déjà structurées existent entre l'enfant et la mère, toutes sortes
vont s'introduire encore. Une fois qu'elle est introduite dans le réel à l'état de puissance, s'ouvre
pour l'enfant la possibilité d'objet intermédiaire, d'objet de don. ==> question : quand et
comment sera-t-il introduit à la structure Imaginaire/Réel/Symbolique telle qu'elle se
produit pour sa mère ? C'est à dire assumer, + ou - symboliquement, la situation
imaginaire et réelle de ce qu'est le rapport au phallus pour sa mère ? A quel moment
peut-il, dans une certaine mesure, se sentir lui-même dépossédé de ce qu'il exige de
sa mère, en [s'imaginant] que ce n'est pas lui qui est aimé, mais une certaine image ?
Plus encore : cette image phallique, l'enfant va la réaliser sur lui-même. (c'est là
qu'intervient la relation narcissique). => questions : dans quelle mesure l'appréhension
de la différence des sexes vient s'articuler avec ce qui lui est offert dans la présence de
la mère ? Comment s'inscrit la reconnaissance de ce tiers terme imaginaire qu'est le
phallus pour la mère ? et la notion qu'elle manque de ce phallus, qu'elle est elle-même
désirante pas seulement désirante d'autre chose que de lui-même, mais désirante
tout court, c'est à dire atteinte dans sa puissance ? Ce qui sera pour le sujet plus
décisif que tout, comme on le voit dans l'observation d'une élève d'Anna Freud, d'un cas
de phobie chez une petite fille.
L'observatrice est une bonne observatrice parce qu'elle ne comprend rien, la théorie
de Mme A. Freud étant fausse. Mais dans cet état d'étonnement, elle note tout,
et le résultat est très fécond.
Berthe Morizot "Sur un balcon"
La petite fille, 2 ans 5 mois, s'est aperçue que les garçons ont un fait-pipi (comme
le dit petit Hans) : elle se met alors à fonctionner en position de rivalité, fait tout pour faire
comme les garçons. Elle est dans l'institution, séparée de sa mère qui a perdu son mari
au début de la guerre. Elle vient la voir, sa présence-absence est régulière, et elle se
livre, quand elle vient, à des petits jeux d'approche (pointe des pieds etc..) Bref, on voit sa
fonction de mère symbolique, tout va très bien : l'enfant a les objets réels qu'elle veut
quand sa mère n'est pas là, et la mère, quand elle est là, joue son rôle de mère symbolique.
Cette petite fille qui a découvert que les garçons ont un fait-pipi veut les imiter. Un drame
se produit quand elle veut aussi leur manipuler mais est sans conséquence.
Elle se réveille une nuit saisie d'une frayeur folle : un chien veut la mordre, il faut
la changer de lit. Cette phobie suit-elle la découverte du pénis ? En tout cas ce chien est
un chien qui mord, et qui mord le sexe, comme le montre sa 1ère phrase bien articulée,
et ceci en plein acting de sa phobie : 1 chien qui mord la jambe du méchant garçon.
Il y a donc un rapport net entre la symbolisation et l'objet de la phobie qui est là comme
agent qui retire, retire ce qui a été déjà plus ou moins admis comme absent (un fait-pipi).
Se contenter de dire que la phobie est un passage au niveau de la loi, de l'intervention
d'un élément pourvu de puissance pour justifier ce qui est absent (parce que mordu, ou
enlevé), ne suffit pas. Et que (Jones) le surmoi serait pour l'enfant de l'ordre de l'alibi
imaginaire alors que les angoisses sont du coté du primordial encore moins.Comme
si la culture était quelque chose de caduc à l'abri de quoi se reposeraient les angoisses !
Ce n'est pas complètement faux. Mais extrapoler, comme le fait Pasche en disant que
ce mécanisme expliquerait l'instinct de mort, par exemple, ou que les images du rêve ne
seraient qu'un habillage, une "personnalisation" de l'angoisse, c'est une méconnaissance
de l'ordre symbolique, qui ne se réduit pas à une espèce d'habillement,
ou de prétexte qui ne ferait que recouvrir quelque chose de plus fondamental.
L'intérêt de l'observation est qu'elle indique avec précision les absences de la mère
les mois précèdant l'éclosion de la phobie, et le temps entre la découverte par l'enfant
de son aphallicisme et cette éclosion, et ce qui s'est passé dans l'intervalle. La mère
est tombée malade, il a fallu l'opérer et elle n'est pas venue. Ayant "manqué", elle chute
comme mère symbolique. Rien ne se passe le jour où elle revient et rejoue avec sa fille.
A noter qu'elle est revenue faible, appuyée sur une canne, n'a plus la même gaieté et la
même présence que lors des relations hebdomadaires d'approche-éloignement, qui font
accrochage suffisant pour l'enfant. C'est le lendemain que survient la phobie.
L'aphallicisme seul n'a pas suffi, il a fallu cette 2 ème rupture dans le rythme alternant
de la venue-revenue de la mère : elle est apparue comme quelqu'un, qui pouvait manquer,
manque qui s'est inscrit dans le comportement de l'enfant devenue triste et qu'il fallait
encourager. Puis quand l'enfant revoie sa mère c'est sous une forme débile, malade,
appuyée sur une canne. C'est le lendemain qu'éclate le rêve du chien, et la phobie.
C'est un des deux points paradoxaux de l'observation.
Comment les thérapeutes ont-ils attaqué cette phobie ? Qu'ont-ils cru comprendre ?
A considérer les antécédents de la phobie on voit qu'elle devient "nécessaire" à partir du
moment où la mère manque du phallus : qu'est-ce exactement qui la détermine ?
Qu'est-ce qui s'équilibre en elle ? Pourquoi est-elle finalement suffisante ? Nous verrons.
Autre point frappant : le "Blitz" (guerre) cesse, la mère reprend son enfant, se remarie.
La petite fille a un nouveau père, un nouveau frère acquis d'un coup plus âgé de 5 ans,
qui se livre avec elle à des jeux à la fois adoratoires et violents : lui demande de se montrer
nue et se livre sur elle à une activité manifestement liée au fait qu'elle est apénienne.
La psychothérapeute s'étonne que la phobie ne rechute pas (la thérapeutique d'AF.
étant fondée sur 1 théorie environnementale du moi, où les discordances s'installent suivant
que le moi est plus ou moins bien informé de la réalité), que la présence de l'homme-frère
non seulement phallique mais aussi porteur de pénis ne soit pas occasion de rechute.
Or c'est le contraire : aucun trouble, la petite fille ne s'est jamais si bien portée.
Ce serait parce que elle est préférée par sa mère à ce garçon.
On voit Néanmoins que le père est assez présent pour introduire un nouvel élément,
un élément essentiellement lié à la fonction de la phobie, un élément symbolique :
élément symbolique situé au-delà des relations avec la mère, au-delà de ce qui est
sa puissance/impuissance, c'est à dire qu'il se substitue à ce qui paraît avoir été saturé
par la phobie, la crainte de l'animal en tant que castrateur, qui est l'élément d'articulation
essentiel, nécessaire, pour que l'enfant puisse traverser la crise grave où elle était entrée
devant l'impuissance maternelle. Son besoin est maintenant saturé par la présence
maternelle, par celle du père, et par sa relation au garçon.
Ce qui n'empêche pas que cette relation où elle est girl du frère est grosse de possibilités
pathologiques. Semblant devenue quelque chose qui vaut plus que le frère, elle peut devenir
cette girl-phallus dont on parle actuellement, donc il s'agit de savoir dans quelle mesure
elle sera ou pas impliquée par la suite dans cette fonction imaginaire. Pour l'instant nul besoin
à combler par l'articulation du fantasme phallique, car le père est là et il suffit : il suffit à
maintenir entre les trois termes mère-enfant-phallus un écart suffisant
En cherchant comment cet écart est maintenu (voie, identification, artifice ..) nous
introduira au plus caractéristique de la relation pré-oedipienne,
la naissance de l'objet comme fétiche.
Leçon 5. De l'analyse comme bundling, et ses conséquences.
La conception analytique de la relation d'objet a une histoire. Je la reprends dans un sens
en partie différent, en partie le même. Mais je l'insère dans un ensemble différent, ce qui lui
donne une signification à tous égards différente. Sa signification dans une certaine orienta-
tion analytique, sa formulation, aboutit à une conception articulée, lors qu'elle s'est amollie
s'est amollie chez celui qui l'a introduite, Bouvet.
L'article de P.Marty et M.Fain (L'importance du rôle de la motricité 1955) montre cette
conception : la relation entre l'analysé et l'analysant (?) s'y établit entre un sujet et un objet
extérieur, l'analyste, personne réelle. Un couple quoi, supposé être seul élément animateur
processus analytique. Entre patient (divan ou non) et analyste objet-extérieur-réel s'établit
1 "relation pulsionnelle primitive" détectable dans l'activité motrice. Ce qui se passe "du coté
de la pulsion" gît dans les petites traces soigneusement observées de la réaction motrice du
sujet : 1 pulsion en quelque sorte localisée et sentie comme vivante par l'analyste.
Le sujet doit contenir ses mouvements (la relation est établie par convention)
et l'analyste localise ce qui se manifeste, la pulsion en train d'émerger.
Situation qui ne peut que s'extérioriser sous une forme ou une autre d'agression érotique.
Si elle ne se manifeste pas, c'est par convenance. Ms il est souhaitable que l'érection en
surgisse. C'est parce que, dans la convention, du fait de la règle, la manifestation motrice
de la pulsion ne peut se produire, que se montrera ce qui interfère avec la situation
constituante, et que se superposera, à la relation avec l'objet extérieur,
une relation avec un objet intérieur.
je n'ai pas trop le courage de rapporter tout ce que dit Lacan, aussi j'abrège et je coupe.
........... Les auteurs de l'article vont très loin : l'un d'eux , dans ses débuts, avait donné
comme tournant crucial de l'analyse le moment où son patient avait pu le sentir, où il
avait perçu son odeur .. Conséquence mathématique d'une pareille conception.
Du moment que l'analyse est conçue comme une position réelle à l'intérieur de laquelle
doit se réaliser une distance active et présente vis à vis de l'analyste, et que c'est ce qu'il
attend, la subodoration est bien un mode direct de relation. C'est ce qui arrive quand
on croit que l'analyse est un rapport réel entre deux personnes. Conception déjà
exhorbitante en soi, qui en plus elle sera menée de travers parce que ignorer que
les situations imaginaire et symbolique s'entrecroisent, ne les annule pas pour autant.
L'analyse conçue comme situation réelle (imaginaire réduit au réel) va créer des pnénomènes
révélant les étapes où le sujet est resté + ou - fixé à la relation imaginaire. Ils font alors
l'exhaustion de ces positions imaginaires. L'analyse est réduite à l'exploration des relations
prégénitales. Ce qui est éludé dans cette conception n'est pas rien, et même tout est là :
on ne sait pas pourquoi l'on y parle (quid de la fonction du langage et de la parole dans cette
position ?) ce qui ne veut pas dire qu'on pourrait s'en passer. Aussi une valeur spéciale
est donnée à .. la verbalisation impulsive et aux cris vers l'analyste (du type pourquoi,
là, vous ne me répondez pas ?) la verbalisation n'ayant d'importance, pour eux, que pour
peu qu'elle soit impulsive, manifestement motrice donc. A quoi aboutit le "réglage de la
distance de l'objet interne" ? en quoi consiste toute la technique ?
Sur notre schéma nous avons vu :
En a-a', la relation imaginaire qui rapporte le sujet (en tant que plus ou moins discordant,
décomposé, ouvert au morcellement) à l'image unifiante, narcissique, de l'autre.
S-A est une relation en plus de la relation du sujet à l'autre qui est là, à un Autre comme
lieu-de-la-parole (il existe déjà, structuré ds la relation parlante, quelque chose
au-delà de l'autre qui n'est appréhendé qu'imaginairement), un Autre supposé qui est en fait
du sujet, Autre dans lequel votre parole se constitue, parce qu'il peut l'accueillir,
et même y répondre. Sur cette ligne s'établit tout ce qui est d'ordre transférentiel,
avec l'imaginaire qui y joue le rôle de filtre, voire d'obstacle. Bien entendu, dans chaque
névrose le sujet a, si l'on peut dire, son propre réglage, qui lui sert à la fois pour entendre,
et ne pas entendre, ce qu'il y a à entendre au lieu de la parole.
Si notre effort ne porte que sur la relation imaginaire en elle-même et pas au fait que
elle traverse l'avènement de la parole, et si nous ignorons le lien entre
relation imaginaire et rapport symbolique inconscient qui doit advenir, lien qui est
au fondement de toute la doctrine analytique, si nous oublions que quelque chose
doit permettre au sujet de s'achever, de se réaliser comme histoire et comme aveu,
si nous négligeons le rapport "relation imaginaire+symbolique" et l'impossibilité de
l'avènement symbolique que constitue la névrose, si nous ne les pensons pas sans cesse
chacun en fonction de l'autre, et ne nous intéressons que à ce que les tenants de
cette conception appellent la "distance à l'objet" dans l'unique dessein de l'anéantir
(ce qui est d'ailleurs impossible si on ne s'occupe que d'elle) sachez que nous avons
les résultats sur des sujets passés par ce type d'appréhension et d'épreuve dans un certain
nombre de cas, en particulier de névrose obsessionnelle : concentrer la situation analytique
sur la poursuite de la réduction de la fameuse distance qui caractériserait la relation d'objet
dans cette névrose, il s'ensuit des réactions perverses paradoxales, des phénomènes qui
n'existaient pas dans la littérature analytique avant la promotion de ce mode technique.
Par exemple la précipitation d'un attachement homosexuel pour cet objet en quelque sorte
paradoxal, qui reste là comme un artefact, une espèce de gellification d'une image autour
des objets à la portée du sujet. Et ça peut persister.
Le schéma de la triade imaginaire montre que ce n'est pas étonnant.
La triade imaginaire mère-enfant-phallus est le prélude à la relation symbolique
qui ne s'achèvera qu'avec la quarte fonction du père introduite par l'Oedipe.
Le triangle est préoedipien et ne nous intéresse qu'en tant qu'il est ensuite repris dans
le quatuor qui se constitue avec la mise en jeu de la fonction paternelle,
et d'une déception, fondamentale pour l'enfant, qui se produit lorsqu'il reconnaît qu'il
n'est pas l'objet unique de la mère, celle-ci ayant comme intérêt le phallus. Reconnaissance
qui l'amènera à s'apercevoir que de cet objet, elle est privée, qu'elle manque de cet objet.
Le cas de phobie transitoire chez une très jeune enfant, abordé la dernière fois, montre ce qui
se passe à la limite de la relation oedipienne : il y a d'abord double déception imaginaire :
l'enfant repère le phallus qui lui manque, puis qu'à sa mère, qui est à ce moment à la
limite du symbolique et de l'imaginaire, il manque aussi. Il doit alors faire appel à un terme
qui soutienne cette relation insoutenable. C'est la fonction de la phobie : en faisant surgir le
chien, "être" fantasmatique qui mord, qui châtre, elle en fait le responsable d'une situation qui
devient pensable, vivable symboliquement. C'est une solution parmi celles appelées, quand se
rompt l'attelage des trois objets imaginaires, que l'oedipe soit normal ou anormal.
Situation oedipienne normale : 1 certaine rivalité avec le père, ponctuée d'identifications
dans l'alternance des relations, fait s'établir quelque chose qui cantonne le sujet dans certaines
limites, celles qui vont l'introduire à la relation symbolique, à la puissance phallique.
Pour le garçon : on a vu que l'enfant comme être réel est pris par la mère comme symbole
de son manque d'objet, son appétit imaginaire pour le phallus [disons que l'enfant est cet être
réel qui la console d'être manquante mais il ne s'agit pas de compenser un manque imaginaire
par un être réel, il s'agit de la satisfaction d'être égale en capacité]. L'issue normale est que
l'enfant reçoit ainsi le phallus dont il a besoin, après la menace de l'instance castratrice, en
l'occurrence paternelle. Tout est sur le plan symbolique d'une sorte de droit au phallus,
de pacte qui établit l'identification virile existant à la base de la relation oedipienne normale.
(remarque latérale : Freud distingue objet d'amour narcissique//objet d'amour anaclitique en
grec = "appui contre". Freud garde le sens de besoin d'appui, de dépendance (certains
en font un mécanisme de défense !?!) Il y a des contradictions dans la formulation par
Freud des 2 modes de relation. C'est dans la méconnaissance de la position des éléments
intersubjectifs, d'une part, d'autre part parce que l'intérêt de la position anaclitique réside
dans sa persistance chez l'adulte, où elle est conçue comme prolongation de l'infantile.
Freud la qualifie d""érotique" pour montrer que c'est la position la plus ouverte. On en
méconnaît l'essence si on ne vit pas que c'est parce que le sujet mâle, dans la
relation symbolique, se voit investi du phallus comme lui appartenant, comme étant
pour lui d'exercice légitime, qu'il devient porteur, lui, pour son objet du désir à lui,
objet du désir qui dans la position normale de l'oedipe est la femme.
[([Puisqu'il y a un premier objet, ceux qui viennent après sont des successeurs. Le fait que
le 1er soit à jamais perdu ds une circonstance marquante lui donne 1 brillance particulière.
Les objets qui succèdent ne peuvent que garder la marque de cet évènement, ce qui s'est
passé autour de la mère primitive ceci est à préciser, j'y reviendrai, G. Boyer]]
Du fait d'un tel achèvement de la position oedipienne le sujet se trouve dans une position,
dans une perspective disons optimale par rapport à cet objet (objet "trouvé" dans l'envi-
ronnement, mais comme tout objet porteur de l'espoir de la brillance connue/perdue il est
quelque part (re)trouvé, successeur de l'objet maternel primitif. Par rapport à cet objet
trouvé ds lequel il espère retrouver quelque chose il devient, lui, objet indispensable et se
sachant indispensable.du fait que cet objet manque. Toute 1 partie de la vie érotique des
sujets sur ce versant libidinal (les hommes) est conditionnée par le besoin, une fois expéri-
menté et assumé, de l'Autre, de la femme qui elle-même a besoin de trouver en lui l'objet
phallique. C'est un trait qu'elle partage avec la "mère primitive" qui n'est pas la personne
réelle. C'est ça, l'essence de la relation anaclitique par rapport à la relation narcissique.]]
Cette parenthèse
montre l'utilité de la mise en jeu des trois objets premiers mère-enfant-phallus, ainsi que
du quatrième qui les lie dans la relation symbolique : le père. C'est lui qui introduit la
relation symbolique, passeport pour transcender la relation de frustration et la relation du
manque d'objet.Ce passeport c'est la relation de castration qui est toute autre, car elle fait
entrer le manque d'objet dans une dialectique où l'on prend/donne/institue/investit = un jeu
qui donne au manque valeur de pacte, de loi, d'interdiction, celle de l'inceste en particulier.
Revenons à notre sujet : Sans relation symbolique (accident évolutif, historique ..),
la relation imaginaire règle seule la relation anaclitique ==> atteinte
aux relations mère-enfant et leur rapport au tiers objet, l'objet phallique, qui est à la fois ce
qui manque à la femme, et ce que l'enfant a découvert qui manque à sa mère => non lien,
désaccord, destruction des liens = la cohérence fait défaut. Une cohérence autre peut
s'établir, par d'autres modes que le mode symbolique, par des modes imaginaires non
typiques. Par exemple une identification à la mère => déplacement imaginaire, l'enfant
faisant à sa place le choix phallique, réalise pour elle l'assomption de son longing vers
l'objet phallique. La perversion fétichiste est une de ces solutions, ou d'autres voies,
plus ou moins directes, d'autres solutions pour l'accession au manque d'objet.
Déjà sur le plan imaginaire le manque d'objet constitue la voie de la réalisation du
rapport de l'homme à son existence en tant qu'elle peut être remise en cause.
A la différence de l'animal, de toutes les relations animales possibles au plan imaginaire.
Il y a certaines conditions à cet accès imaginaire au manque d'objet,
comme on le voit dans la perversion, qui a la propriété de réaliser à certains moments
un mode d'accès à cet au-delà de l'image de l'autre qui caractérise l'humain.
Des moments paroxystiques, moments syncopés à l'intérieur de l'histoire du sujet.
Il y a une montée vers ces moments qu'on peut qualifier de passages à l'acte où quelque
chose d'une fusion, d'un accès à cet au-delà, est réalisé. xxxxxx
La théorie anaclitique freudienne appelle Eros cette dimension transindividuelle, union de
2 individus où chacun est arraché à lui-même et pour un instant plus ou moins fragile et
transitoire, partie prenante de cette unité. Cette unité est réalisée à certains moments
la perversion, sachant que le propre de la perversion est que cette unité ne se réalise
dans des moments non ordonnés symboliquement.
Le fétichiste dit qu'il trouve son objet, son objet exclusif, d'autant plus satisfaisant qu'il
est inanimé, il sera plus tranquille, sur de ne pas être déçu. Aimer une pantoufle c'est
vraiment avoir l'objet de ses désirs à sa portée. Objet dépourvu de toute propriété
subjective, intersubjective, transsubjective ... Pour réaliser la condition de manque,
la solution fétichiste est une des plus concevable, effectivement réalisable.
Les relations imaginaires étant des relations en miroir, parfaitement réciproques, il faut
s'attendre chez le fétichiste à le voir en position d'identification non pas à la mère mais
à l'objet. Nous voyons cela dans son analyse, du fait que cette position est ce qu'il y a de
moins satisfaisant. Que pour un court instant l'illumination fascinante de l'objet qui a été
l'objet maternel satisfasse le sujet, ne suffit pas à établir un équilibre érotique. De fait, s'il
s'identifie à l'objet pour un instant il y perd son objet primitif, la mère et se voit en
objet destructeur pour elle. Ce jeu perpétuel, cette profonde diplopie (plusieurs images
pour un seul objet) marque toute la manifestation fétichiste. C'est si évident que Phyllis
Greenacre, cherchant à approfondir la relation fétichiste, eut cette formule qui lui est sortie
sans qu'alors elle sache pourquoi : "on semble en présence d'un sujet qui vous montrerait,
dans une très grande rapidité, son image dans deux miroirs", et elle a le sentiment que
"c'est ça" : le sujet n'est jamais là où il est.
C'est qu'il est "sorti de sa place" : il est passé dans une relation spéculaire de la mère au
phallus, il est alternativement dans l'une et l'autre position. (Je ne comprend pas cette
phrase : il passe, ds une relation spéculaire, de la mère au phallus ? ) Il y a stabilisation
quand est saisi ce symbole unique, privilégié, et en même temps impermanent qu'est l'objet
précis du fétichiste : le quelque chose qui symbolise le phallus.
C'est donc sur un plan de relations analogue (c'est à dire de nature perverse)
que vont se manifester les résultats d'un maniement de la relation analytique
quand elle est centrée exclusivement sur une conception de la relation d'objet
qui ne considère qu'imaginaire et réel, et qui règle l'accomodation
de la relation imaginaire sur un prétendu réel de la présence de l'analyste.
Dans mon rapport de Rome j'évoque l'usage de ce mode de relation d'objet dans l'analyse,
le comparant à une sorte de bundling poussé à des limites suprêmes en fait
d'épreuves psychologiques. Le bundling est une pratique qui existe dans certains îlots où
persistent de vieilles coutumes : une conception, une technique des relations amoureuses
entre mâle et femelle dans certaines conditions d'hospitalité : la fille de la maison offre
de partager son lit à condition que le contact n'ai pas lieu : elle est souvent enveloppée
d'un drap, ce qui permet toutes les conditions d'approche sauf la dernière. C'est ainsi que
17 ou 18 ans après la mort de Freud la situation analytique est formalisée par certains.
L'article de Fain et Marty mentionne une séance où tous les mouvements de la patiente
qui manifestent quelque chose vers l'analyste sont notés, élan + ou - retenu, à + ou - de
distance, etc. Voilà à quoi se réduit la psychanalyse dans certaines conceptions.
Ce genre de paradoxe existe chez les Amish, et dans toute une tradition religieuse ou
même symbolique. Ou ce que nous savons de l'amour courtois et sa rigoureuse
élaboration technique de l'approche amoureuse, avec longs stages réfrénés envers
l'objet aimé, visant un au-delà de l'amour proprement érotique.
Ce qui est visé, et atteint, c'est un au-delà du court-circuit physiologique, par l'usage
délibéré le la relation imaginaire. Cela peut paraître pervers aux yeux du naïf, alors que, et
c'est à préciser, ça ne l'est pas plus que d'autres approches amoureuses dans certaines
sphères des moeurs ou des pattern.
Prenons le cas rapporté par Ruth Lebovici, d'un sujet phobique arrivé à une inactivité
presque complète : son symptôme le plus manifeste est la crainte d'être trop grand (il a une
attitude très penchée). Sa vie est réduite à la sphère familiale, mais il a une maîtresse,
plus âgée et "fournie" par sa mère L'analyste qui s'empare de lui à ce moment-là fait fine-
ment le diagnostic. L'objet phobogène n'a pas l'air d'être extérieur au début, mais un rêve
répétitif signe une anxiété extériorisée. L'objet découvert au second est un substitut d'image
paternelle carente : un homme en armure pourvu d'un instrument agressif, un tube de flytox
qui va détruire tous les petits insectes phobiques, et surtout la crainte d'être traqué, étouffé
dans le noir par cet homme en armure. L'auteur ayant titré l'observation Perversion
sexuelle transitoire au cours d'un traitement psychanalytique, nous allons poser la
question de la réaction perverse.
C'est peu dire qu'elle n'est pas tranquille, s'étant aperçue que la réaction (qu'elle appelle
perverse) est apparue dans une circonstance où elle a sa part : l'objet phobogène détecté,
l'homme en armure, elle l'a interprété comme étant la mère phallique (????) En tout cas
elle rapporte ses questions avec fidélité et son N'ai-je pas fait là une interprétation qui
n'était pas la bonne ? prouve qu'elle a conscience que la question est là. Effectivement
tout de suite après s'engage une réaction perverse consistant, pendant trois ans, à avoir le
fantasme pervers de s'imaginer vu urinant par une femme qui le sollicite pour des relations
amoureuses. Puis une réversion où le sujet observe en se masturbant une femme en train
d'uriner. Puis troisième étape effective où, ayant trouvé dans un cinéma un local pourvu
d'un oeilleton il pouvait observer des femmes dans les WC en se masturbant. L'auteur se
questionne sur la cristallisation fantasmatique d'un élément parmi d'autres du sujet :
non pas la "mère phallique" mais la mère dans son rapport avec le phallus. Questions aussi
sur sa propre menée du traitement, beaucoup plus interdictrice que ne l'a jamais été la mère,
L'entité "mère phallique" est produite en raison de ce qu'elle appelle ses propres positions
contre-transférentielles. On n'en doute pas.
Le sujet, sur fond de relation imaginaire, et "aidé" par ce faux-pas analytique, il apporte un
rêve : en présence de quelqu'un de son histoire envers qui il a des impulsions amoureuses
il en est empêché par une femme qu'il avait vu uriner alors qu'il avait passé treize ans.
L'analyste : Sans doute vous aimez mieux vous intéresser à une femme en la regardant
uriner que faire l'effort d'aller à l'assaut d'une autre qui peut vous plaire mais qui est
mariée. L'interprétation est un peu forcée (un PEU ?) sur le personnage masculin, indiqué
par des associations, mais elle pense introduire la vérité, c'est à dire le complexe d'Oedipe.
Faire intervenir le mari prétendu de la mère pour ce faire tient de la provocation, et d'autant
plus que c'est le mari de l'analyste qui lui a envoyé ce patient. C'est d'ailleurs à ce moment
que se produit le virage, le retournement progressif de son fantasme d'observation,
de être observé à observer soi-même.
Et comme si ce n'était pas assez, à la demande du sujet de ralentir le rythme des séances
elle répond vous manifestez là vos positions passives parce que vous savez très bien
que, de toutes façons, vous ne l'obtiendrez pas. (Chaque fois que personnellement je
constate ce genre de relation analytique "VOUSceci, VOUScela et pan ! pan ! pan ! je
m'arrache les cheveux) A ce moment le fantasme se cristallise complètement, prouvant
qu'il y a autre chose. Le sujet, qui comprend qq chose à ses relations d'impossibilité
d'atteindre l'objet féminin finit par développer ses fantasmes à l'intérieur même du
traitement (crainte uriner sur le divan etc..) et à avoir ces réactions qui manifestent un
rapprochement de la distance de l'objet, comme épier les jambes de l'analyste, qui
le note avec une certaine satisfaction (!!!!). On est donc près d'une situation réelle
comme si nous assistions à la constitution d'une mère non pas phallique, mais a-phallique,
ce qui est au principe du fétichisme : le sujet s'arrêtant à un certain niveau de son obser-
vation et investigation de la femme en tant qu'elle a ou n'a pas l'organe mis en question.
Ce qui conduit le sujet à se dire Mon dieu il n'y aurait de solution que si je couchais
avec mon analyste et il le dit ! Elle lui fait alors cette remarque vous vous amusez pour
l'instant à vous faire peur avec quelque chose dont vous savez très bien que ça
n'arrivera jamais. Et ensuite elle se demande : ai-je bien fait de dire ça ?
Je suis fatiguée de cet exemple, cette manière d""analyser"" me rebute. Mais on arrive au
bout de la démonstration de Lacan, qui poursuit : n'importe qui peut s'interroger sur le degré
de maîtrise d'une telle intervention. Mais ce rappel un peu brutal des conventions est bien
dans la ligne de la position analytique comme réelle. C'est justement après cette intervention
que le sujet passe à l'acte, trouve dans le réel l'endroit parfait,comme il dit l'organisation de
la petite pissoire des Champs-Elysées : réellement à bonne distance -réelle- de l'objet
dont un mur le sépare, et qu'il pourra bel et bien observer non pas comme mère phallique,
mais comme mère a-phallique. Il suspend toute autre activité érotique et déclare y trouver
une telle satisfaction après avoir vécu comme un automate, que maintenant tout est changé.
Voilà où les choses en sont arrivées.
J'ai résumé le traitement pour vous faire toucher du doigt que cette notion de distance à
l'objet-analyste en tant qu'objet réel, notion dite de référence, peut avoir des effets, et pas
les plus désirables. Chaque détail est instructif. La dernière séance est éludée, mais tout
y est, la timide tentative d'accès à la castration, une certaine liberté qui peut en découler,
et on juge après cela que c'est suffisant, le sujet retourne à sa maîtresse, et comme il ne
parle plus de sa grande taille on considère que la phobie est guérie.
Sauf qu'il ne pense plus qu'à une seule chose : la taille de ses souliers.
De sorte que la transformation de la phobie est accomplie. Considérer cela comme un travail
analytique ? Du point de vue expérimental ce n'est effectivement pas dépourvu d'intérêt.
La prétendue bonne distance à l'objet réel est donnée pour acquise,
qui atteint son sommet quand le sujet perçoit en présence de son analyste une odeur d'urine.
pour l'analyste c'est le moment où la distance à l'objet réel (tout au long de l'observation on
indique que c'est le point où pèche toute relation névrotique) est enfin à sa portée exacte.
Que ce point coïncide avec l'apogée de la perversion, qui est plutôt un artefact qu'une perv.
Ces phénomènes, qui peuvent par ailleurs être durables, sont susceptibles de ruptures ou
de dissolutions quelquefois brusques. Ainsi dans ce cas le sujet se fait surprendre par une
ouvreuse, ce qui fait tomber du jour au lendemain la fréquentation de cet
endroit particulièrement propice que le réel était venu fournir à point nommé.
Le réel offre toujours à point nommé tout ce dont on a besoin quand on a été enfin "réglé"
par les bonnes voies à la "bonne distance" !
La leçon suivante,
Le primat du phallus et la jeune homosexuelle,
est dans le message du 9 octobre,
accessible aussi par ce lien :
Le primat du phallus et la jeune homosexuelle,
est dans le message du 9 octobre,
accessible aussi par ce lien :