(ndmm, dans les textes, veut dire "note de moi-même")
Jacques-Alain Miller a cru bon de donner ce titre pointant "mère" et "inassouvie"
à cette onzième leçon du séminaire.
à cette onzième leçon du séminaire.
Il est vrai que Jacques Lacan utilise le terme "inassouvie" pour caractériser un trait dans la mère.
Mais dans la mesure où ce dont la mère(femme) est manquante c'est du phallus,
qu'en tant que manquante elle sera toujours désirante,
et que être désirant concerne tous les êtres humains : homme, femme, père, mère,
pousser à l'épinglage des mères sous cette marque pourtant spécifiquement humaine
qu'est l'inassouvissement, je trouve cela idiot et mal venu.
L'inassouvissement dont il s'agit est celui qui caractérise l'être humain parlant et désirant,
et comment ce trait général entre en ligne de compte chez la femme devenue mère.
L'inassouvissement dont il s'agit est celui qui caractérise l'être humain parlant et désirant,
et comment ce trait général entre en ligne de compte chez la femme devenue mère.
J'ai déjà effleuré ce sujet dans la présentation du séminaire, puisque j'ai choisi de travailler
sur cette édition du Seuil, transcrite par JAM, et que j'objecte à son choix d'inscrire sa transcription
sous la marque de la mère qui serait dévoreuse. Cela demande à être développé,
et comme j'ignore quand j'aurai le courage de faire un vrai travail sur ce thème, en attendant,
je me contente de faire quelques remarques quand l'occasion se présente, et surtout je relève,
dans cette étude approfondie de la parole de Lacan, à quel point ceux et celles, mais surtout ceux,
psychanalystes compris -ne parlons pas des ignorants- qui répandent l'image des mères
qui seraient toujours à deux doigts de vouloir bouffer leur progéniture sont à coté de la plaque.
et celle que j'ai choisie pour illustrer mon étude des textes : qui nourrit, et qui se nourrit.
Bon. Trêve de caricaturisme, revenons à la parole de Lacan telle que je la comprends :
Dans cette leçon Lacan dit qu'il va reprendre les termes dans lesquels
il tente une refonte de la notion de frustration sans cela l'écart continuera d'augmenter entre
des tendances actuelles de la psychanalyse et la doctrine freudienne,
à ses yeux la seule formulation conceptuelle correcte de l'expérience qu'elle a fondée :
Ce que je vais essayer d'articuler, ce qui se dégage de certains termes que nous avons articulés
sera peut-être un peu plus algébrique, mais cela est préparé par tout ce que nous avons fait jusqu'ici.
J'ai essayé de situer la frustration dans ce petit tableau
entre la castration, d'où est partie la doctrine freudienne, et la privation, diversement référée.
La "tendance actuelle" en psychanalyse met "frustration" au cœur de tout ce qui a des conséquences
analysables dans des symptômes. Mais l'expérience analytique ne l'a pas mise non plus sans raison
au 1er plan des termes qu'elle utilise, et il est nécessaire de la comprendre pour l'utiliser valablement.
Cette prévalence ne modifie pas forcément notre pensée sur les phénomènes névrotiques,
néanmoins elle amène à des impasses, comme je m'efforce de le démontrer, avec succès j'espère.
A mesure que vous pratiquerez davantage la littérature analytique, avec l'œil ouvert surtout,
vous verrez ces impasses toujours plus avérées.
Posons d'abord que la frustration ne concerne pas
le refus d'un objet de satisfaction au sens de simple satisfaction d'un besoin. On utilise le mot
sans chercher plus loin que : nous connaissons des expériences frustrantes, elles laissent des traces.
Encore faudrait-il expliquer pourquoi le désir qui aurait été ainsi frustré répondrait à cette question
accentuée par Freud dés le début, et dont tout le développement de l'œuvre est justement fait
pour interroger cette énigme du désir refoulé dans l'inconscient, et indestructible.
Cette propriété n'est pas explicable par le seul besoin, comme dans l'économie animale.
La frustration d'un besoin entraîne diverses modifications + ou - supportables par l'organisme, mais
l'expérience montre qu'elle ne maintient pas le désir : soit l'individu succombe, soit le désir
se modifie ou décline etc. Mais il n'y a pas forcément cohérence entre la frustration et
la permanence du désir, et son insistance.
D'ailleurs Freud ne parle pas de "frustration",
il utilise le terme Versagung où il y a la notion de dénonciation au sens de dénonciation de traité,
de retrait d'un engagement. Versagung peut vouloir dire promesse et/ou retrait de promesse.
(mots avec préfixe Ver important en allemand, et aussi dans la théorie analytique)
Quant à la triade frustration-agression-régression qui serait immédiatement compréhensible,
pourquoi pas frustration-dépression-contrition, ou toute autre invention ? Il est plus important
de se poser la question des rapports entre frustration et régression, et de faire une élaboration
de la notion de régression ce qui n'a pas été fait de façon satisfaisante.
La frustration n'est pas le refus d'un objet de satisfaction.
si nous revenons au temps de la relation primitive de l'enfant avec sa mère, la frustration originaire
telle que nous l'entendons est pensable comme le refus du don en tant que symbole d'amour.
C'est dans Freud : le caractère fondamental de la relation d'amour,
avec tout ce qu'elle comporte d'élaboré, non pas au second, mais au troisième degré,
implique qu'en face de soi on n'a pas seulement un objet, mais un être. Bien évidemment que
l'enfant n'a pas fait philo, n'est pas un philosophe de l'amour capable de distinguer amour et désir.
Cela veut dire qu'il baigne déjà dans l'ordre symbolique : sa conduite prouve que
certaines choses qui se passent ne sont concevables que si l'ordre symbolique existe déjà.
Dire que notre science est une science du sujet, et pas de l'individu, cela veut dire que
nous considérons son être-sujet, la part de lui qui n'est pas identifiable à l'individu.
Le sujet/individu peut être détaché de l'ordre qui le concerne comme sujet/sujet,
mais cet ordre existe et lui pré-existe en tant que la loi des relations intersubjectives gouverne
les adultes dont il dépend, et l'implique dans cet ordre même s'il n'en est pas conscient.
Un certain Mallet pense que à partir des phobies primitives et de la peur du noir de l'enfant,
va surgir l'image du père : tentative désespérée qui nécessite des ficelles grosses comme le bras.
Car terreurs infantiles ou pas, l'ordre de la paternité existe déjà comme tel.
Ce qui vit l'enfant prendra son sens articulé dans la relation intersubjective père-enfant,
sachant que cette relation est déjà profondément organisée symboliquement,
en tant qu'elle forme le contexte subjectif dans lequel l'enfant développe son expérience.
L'expérience de l'enfant est à chaque instant prise et rétroactivement remaniée
par la relation intersubjective dans laquelle il s'engage par une série d'amorces,
qui ne sont amorces que pour autant que justement, elles vont s'engager.
Revenons au don :
d'une part il implique tout le cycle de l'échange où le sujet s'introduit primitivement.
L'immense circulation de dons recouvrant tout l'ensemble intersubjectif rend possible le don.
Il surgit de cet au-delà de la relation objectale, de cet ordre de l'échange où est entré l'enfant,
dont la constitution est proprement symbolique.
d'autre n'est don que ce qui se constitue d'un acte qui surgit sur fond de révocation, d'annulation,
signe d'amour préalablement annulé car absent, reparaissant ensuite comme pure présence
du fait que c'est à l'appel qu'il se donne, ou non.
L'appel est plus encore que le 1er temps, essentiel, de la parole : nous verrons que la structure
de la parole implique que dans l'Autre le sujet reçoive son propre message sous une forme inversée.
En effet l'appel ne peut pas être soutenu isolément : pensez à l'image freudienne du petit enfant
avec son "Fort!".."Da!" : déjà au niveau de l'appel il faut qu'il y ait en face son contraire.
Appeler le repère : l'appel est fondamental, fondateur de l'ordre symbolique
parce que ce qui est appelé peut être repoussé. C'est en cela qu'il est introduction à la parole,
totalement engagée dans l'ordre symbolique.
Le don se manifeste à l'appel lancé quand l'objet n'est pas là.
Quand l'objet est là il devient signe du don : "rien" du coté de la satisfaction,
possiblement renvoyable en tant qu'il esr un rien.
Jeu symbolique à caractère profondément décevant,
mais articulation essentielle à partir de quoi la satisfaction se situe et prend son sens.
Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de satisfaction au niveau du rythme vital,
mais que la satisfaction mise en cause dans la frustration a le caractère profondément décevant
de l'ordre symbolique qui vient comme substitut et compensation.
Dans la saisie orale de l'objet réel, de l'objet de satisfaction (orale) qu'est le sein,
l'enfant écrase, cette déception, endort sa frustration, et le refus éprouvé.
C'est à cette douloureuse dialectique de l'objet (à la fois là et pas là que l'enfant s'exerce,
génialement saisie par Freud dans sa forme pure, dans le jeu symbolique du "Fort!".."Da!"
Le fond de la relation du sujet à la présence et à l'absence, c'est :
la présence existe sur fond d'absence, l'absence existe sur fond de présence.
Satisfait par l'objet réel, l'enfant repousse
la déception, la frustration, l'inassouvissement fondamental
que cause la relation -fondamentalement symbolique- à la présence et à l'absence.
Rien d'étonnant à ce que ce soit dans le sommeil que persiste le désir sur le plan symbolique.
Le désir, y compris celui de l'enfant, n'est jamais lié à la seule satisfaction naturelle.
Pensez au rêve infantile de la petite Anna Freud qui dit en rêve framboise, flan ..
Si tous ces objets sont pour elle des objets transcendants c'est qu'ils sont entrés
dans l'ordre symbolique, l'ordre des objets qui peuvent être absents. Anna ce soir-là
n'est pas inassouvie, au contraire (indigestion). Avec la transposition dans l'ordre symbolique
Ces objets qui lui furent interdits sont maintenus dans le rêve comme désir,
le désir portant sur ce qui est impossible.
Notez, quant au rôle essentiel de la parole, que si Anna n'avait pas parlé dans son sommeil,
c'est à dire articulé son désir en paroles, nous n'en aurions jamais rien su.
Reprenons notre dialectique de la frustration :
Quand la satisfaction du besoin se substitue à la satisfaction symbolique il y a une transformation.
L'objet réel "devient signe" dans le cadre de l'exigence d'amour, dans la requête symbolique.
Mais ce n'est pas l'objet réel qui, par tour de passe passe, devient symbole,
ce qui prend valeur symbolique c'est l'activité, le mode d'appréhension
qui met l'enfant en possession de l'objet.
C'est ainsi que l'oralité devient ce qu'elle est :
modèle instinctuel de la faim, elle est porteuse d'une libido conservatrice du corps propre.
Là Freud s'interroge : stricte libido de la conservation ou libido sexuelle ?
D'un coté elle vise la conservation de l'individu (c'est même ce qui implique la destrudo),
mais d'un autre coté,
elle entre dans cette dialectique de substitution de la satisfaction à l'exigence d'amour,
et devient une activité érotisée. Elle est donc libido au sens propre, et libido sexuelle.
Des gens pas très fins, par ex. Ch. Blondel dans Etudes philosophiques consacré au centenaire
de Freud, font ce genre d'objections au sujet de l'érotisation du sein : je veux bien tout entendre
mais que font-ils du cas où l'enfant n'est pas nourri au sein de sa mère mais au biberon ?
Dès qu'il entre dans la dialectique de la frustration, l'objet réel (qui n'est pas indifférent non plus)
n'a pas besoin d'être spécifique. Même si ce n'est pas le sein de la mère, il ne perd pas la valeur
de sa place dans la dialectique sexuelle entraînant l'érotisation de la zone orale.
Le rôle essentiel, là, c'est que
l'activité a pris 1 fonction érotisée sur le plan du désir qui s'ordonne dans l'ordre symbolique.
Il ne s'agit pas de la notion kleinienne qu"elle contient tout" (tous les objets fantasmatiques),
dans l"immense" "contenant" de son corps. M. Klein n'a pas expliqué qu'il s'agit de projection,
et de projection rétro-active, des objets imaginaires au sein du corps maternel.
Car si la mère constitue ce champ virtuel dont les objets tireront leur valeur symbolique,
champ virtuel de la néantisation par le symbolique, alors on peut dire que les objets y sont.
D'ailleurs on ne s'étonne pas que l'enfant de deux ans y trouve les objets projetés rétroactivement.
Et que dans un certain sens, puisqu'ils étaient prêts à y venir un jour, ils y "étaient" déjà.
C'est dans ce sens que l'enfant se trouve en présence de la toute-puissance maternelle.
Selon M Klein après la "position paranoïde" s'ébauche une "position dépressive".
Cette "position dépressive" n'est pas sans rapport avec ma "relation de toute-puissance" :
le contraire de la mégalomanie : une espèce d'anéantissement, de micromanie.
Mais attention :
ce n'est pas parce que la mère qui apparaît comme toute-puissante est réelle :
pour que vienne le passage dépressif
l'enfant doit être capable de réfléchir sur lui même et sur le contraste de son impuissance.
Freud, l'expérience clinique, Lacan avec le stade du miroir situent ce point autour du sixième mois.
Vous m'objecterez ce que j'ai enseigné :
quand dans cette réflexion spéculaire le sujet saisit la totalité de son corps propre,
qu'il s'achève, en quelque sorte, dans cet autre total, qu'il se présente à lui-même,
ce qu'il éprouve est plutôt un sentiment de triomphe. Cette reconstruction est confirmée
par l'expérience, et le caractère jubilatoire de cette rencontre n'est pas douteux.
Mais il convient ici de ne pas confondre deux choses :
- d'une part, l'expérience de la maîtrise qui donnera à la relation de l'enfant à son propre moi
un élément essentiel : le splitting (division, détachement d'avec soi-même) qui demeurera toujours.
C'est parce que cette maîtrise lui est donnée sous la forme d'une d'une totalité étroitement liée à lui,
à lui-même aliénée mais dépendante de lui, il y a de sa part de la jubilation.
- d'autre part la réalité du maître qu'il rencontre du fait que la structure réfléchie (spéculaire) du stade
du miroir est entrée en jeu, la totalité de la forme lui étant par là donnée. Quand il constate que
le corps maternel, cette autre totalité, ne lui obéit pas, il considère cette toute-puissance,
maternelle en l'occurrence, dans un sentiment d'impuissance et en position dépressive.
Par ces deux éléments, le moment de triomphe est aussi truchement de défaite.
Là peut s'insérer le phénomène de l'anorexie mentale.
En allant vite, disons que le seul pouvoir du sujet contre la toute-puissance c'est de
dire non au niveau de l'action, et qu'ici peut s'introduire le négativisme. Néanmoins
l'expérience montre que la résistance à la toute-puissance dans la relation de dépendance
ne s'élabore pas au niveau de l'action et sous forme de négativisme,
mais s'élabore au niveau de l'objet, qui est apparu sous le signe du rien.
C'est là que le sujet renverse sa relation de dépendance et se fait maître de la toute-puissance :
Du fait que cette toute-puissance est avide du désir de le faire vivre, lui qui dépend d'elle,
par ce désir c'est elle qui dépend, elle qui est à sa merci, à la merci de son caprice,
elle dépend de sa toute-puissance à lui.
Il est important de soutenir que l'ordre symbolique est "le lit" nécessaire à l'instauration
de la 1ère relation imaginaire sur quoi se fait le jeu de la projection et de son contraire.
Pour l'illustrer en termes psychologiques -dégradation par rapport au 1er exposé-,
l'intentionnalité de l'amour constitue, très précocement, avant-tout, et au-delà de l'objet,
une structuration fondamentalement symbolique concevable si on pose que l'ordre symbolique
est déjà institué et présent. L'expérience le montre. Et comme Mme Isaac le fait remarquer,
dès un âge très précoce un enfant distingue une punition d'un sévice de hasard.
Avant même la parole, il ne réagit pas de la même façon à un heurt et à une gifle.
A ceux qui objectent que l'animal aussi, je dis que cela prouve que l'animal peut arriver à une
ébauche d'au-delà qui le met dans des rapports d'identification particuliers à son maître. Mais que,
à la différence de l'homme il n'est pas inséré par tout son être dans un ordre de langage,
cela ne donne rien de plus si ce n'est qu'il est un bon petit chien. C'est vrai qu'il arrive à
quelque chose d'aussi élaboré que distinguer quand on lui fait une tape dans le dos d'une correction.
Puisqu'on en est à éclairer les contours, il y a cet International journal of psycho-analysis :
certains se disent qu'il y a tout de même quelque chose d'intéressant dans le langage,
M Loeweinstein, avec une prudente distance non dépourvue d'habileté, cite quelques personnages
latéraux de Hamlet puis évoque M. de Saussure enseignant qu'il y a signifiant et signifié.
Bref, on montre qu'on est un peu au courant, mais cela reste absolument inarticulé à notre expérience,
si ce n'est pour souligner qu'il faut songer à ce qu'on dit. Au niveau d'élaboration où cela se traîne,
je pardonne à l'auteur de ne pas citer mon enseignement -nous en sommes beaucoup plus loin.
Ou un certain Ch. Rycroft qui, au titre des Londonniens, essaye de faire .. ce que nous faisons,
la théorie analytique des instances intra-psychiques et de leur articulation. Et de nous rappeler
que la théorie de la communication existe, et que quand un enfant crie c'est une situation totale
qui comprend le cri, la mère, l'enfant. C'est en plein la théorie de la communication :
l'enfant crie, la mère reçoit le cri comme signal du besoin.
Il ne s'agit absolument pas de cela dans ce que je suis en train de vous enseigner, qui est
ce que Freud souligne dans cette manifestation : un cri appelant réponse, dans un milieu
où le langage est déjà institué, dans quoi baigne l'enfant, qui en saisit et articule les 1ères bribes
au titre de couple d'alternance. Nous retrouvons le Fort-Da, car le cri en question ds la frustration
s'insère dans une synchronie de cris déjà virtuellement organisés en un système symbolique.
Le sujet humain ne connaît pas du cri que ce qui signale un objet, et il est vicieux, fallacieux,
erroné, de poser la question du signe alors qu'il s'agit du système symbolique.
Dès l'origine le cri est fait pour qu'on en prenne acte, voir même qu'on ait à en rendre compte
à un autre : il n'y a qu'à voir le besoin essentiel qu'a l'enfant de recevoir ces cris modulés,
et articulés, appelés paroles, et l'intérêt qu'il prend au système de langage pour lui-même.
Si le don-type est justement le don de la parole, c'est que là le don est égal en son principe.
Dès l'origine l'enfant se nourrit autant de paroles que de pain (C'est l'Evangile qui dit que
"..l'homme ne périt pas seulement par ce qui entre dans sa bouche, mais aussi par ce qui en sort..")
Le terme de régression s'applique à ce qui se passe quand l'objet réel, et du même coup
l'activité déployée pour le saisir vient se substituer à l'exigence symbolique.
L'enfant écrasant sa déception dans l'assouvissement -au contact du sein ou d'un autre objet-
entre dans le mécanisme qui fait de la frustration une porte ouverte à la régression.
Nous n'allons pas simplement remarquer que l'entrée dans l'imaginaire par la relation spéculaire
ayant fait ouverture au signifiant, tout va tout seul : relations au corps propre, appartenances du corps
se contentant d'entrer en jeu, et d'être transformées par cet avènement dans le signifiant. Ou être
surpris que les excréments soient pendant un temps l'objet électif du don,
puisque c'est dans ce matériel qui s'offre à lui, venant de son propre corps,
que l'enfant trouve l'élément réel qui va nourrir le symbolique,
(ndmm : il n'y a qu'à voir tous les termes et expressions autour de la rétention, du lâchage etc)
permettant de ce fait que la rétention puisse devenir refus. Bref, nous n'allons pas
nous étonner de la richesse et du raffinement des phénomènes au niveau du symbolisme anal
découverts par l'expérience analytique.
Par contre nous allons faire un jump qui va nous permettre de voir comment,
dans la dialectique de la frustration, s'introduit le phallus. Là encore attention à la genèse
naturelle déduisant de la constitution des organes génitaux le rôle prévalent du phallus dans le
symbolisme génital => mêmes contorsions que Jones essayant de commenter la phase phallique
affirmée par Freud et le fait que le phallus -qu'elle n'a pas-a tant d'importance pour la femme.
Car la question n'est pas là, la question est qu'il s'agit d'un fait : c'est dans tous les phénomènes
qui s'offrent à nous, et dans toute la dialectique imaginaire, que nous découvrons la prévalence,
du phallus et qu'elle préside à toutes les aventures, tous les avatars du développement génital.
Beaucoup s'exténuent à faire valoir que l'enfant féminin a ses sensations propres, que
son expérience est distincte de celle du garçon. Cela va de soi. Mais ce n'est pas la question :
La fille a plus de mal que le garçon a faire entrer la réalité de ce qui se passe, coté utérus ou vagin,
dans la dialectique du désir parce que imaginairement elle doit passer par quelque chose, vis à vis
de quoi elle a un rapport différent de l'homme, et dont elle manque : le phallus.
C'est le versant non physiologique de la question, pour le comprendre partons de l'existence d'un
phallus imaginaire.
Toutes une série de faits dont il est le pivot pousse à poser ce postulat, et à étudier de labyrinthe
où le sujet peut se perdre, où même il peut être dévoré.
Le fil pour en sortir est de considérer que la mère manque de phallus : de ce fait elle le désire,
et elle peut être satisfaite si quelque chose le lui donne. Partons de cela, qui est quand même
littéralement stupéfiant : le manque comme désir majeur ! Mais la 1ère vertu de la connaissance
est d'être capable d'affronter ce qui ne va pas de soi. De plus nous, qui admettons que le manque
est la caractéristique de l'ordre symbolique, nous sommes un peu préparés à l'admettre.
En d'autres termes,
c'est parce que le phallus imaginaire a un rôle signifiant majeur
que la situation se présente ainsi. Le signifiant, ce n'est pas chaque sujet qui l'invente,
au gré de son sexe, ou ses dispositions, ou sa folâtrerie à la naissance.
Le signifiant existe.
Ainsi que le rôle du phallus comme signifiant sous-jacent, que l'analyse a découvert.
Lacan à ce moment évoque les Structures élémentaires de la parenté où Levy-Strauss pose qu'il y a échange
des femmes à travers les lignées et entre les générations : un homme prend une femme à une autre lignée, il doit
une femme à la génération suivante ou à une autre lignée .. Dans les mariages préférentiels entre cousins croisés
les choses circulent très régulièrement dans un cercle qui ne se referme ni ne se brise. Mais avec les cousins
parallèles au bout d'un certain temps l'échange tend à converger, et il y a des brisures. Lacan lui demande
si on pourrait renverser les choses, et dire que ce sont les lignées féminines qui produisent et s'échangent
des hommes ? Car ce manque chez la femme, dont nous parlons, le phallus, qui n'est pas un manque réel
(car elles peuvent en avoir, et même les produire car elles font des garçons, des phallophores).
Et imaginer un matriarcat dont la loi serait j'ai donné un garçon je veux recevoir l'homme ?
Réponse de Levy-Strauss : du point de vue formel on peut décrire un système fondé sur les femmes mais cela
rendrait un tas de choses inexplicables. En particulier le fait que dans tous les cas, y compris dans les sociétés
matriarcales, le pouvoir est androcentrique, représenté par des hommes et des lignées masculines.
Des anomalies très bizarres dans les échanges (modifications, exceptions, paradoxes) qui apparaissent
dans les lois de l'échange au niveau des structures de la parenté, ne s'expliquent que par la référence à
quelque chose qui est hors-jeu de la parenté, qui tient au contexte politique, à l'ordre du pouvoir,
et très précisément à l'ordre du signifiant, où sceptre et phallus se confondent.
Pour des raisons inscrites dans l'ordre symbolique qui transcende le développement individuel,
avoir, ou non, le phallus imaginaire, et symbolisé, s'explique au niveau de l'œdipe,
et donne son importance au complexe de castration.
De là viennent les fameux fantasmes de la mère phallique sortis sur l'horizon analytique.
Nous verrons comment
la dialectique du phallus s'articule, s'achève, puis se résout, au niveau de l'œdipe.
Mais avant je vais vous montrer que je peux moi aussi parler des étages préœdipiens.
Sauf que mon fil conducteur est le rôle fondamental de la relation symbolique.
Elle seule explique le rôle du phallus dans sa fonction imaginaire (et dans la prétendue exigence
de la mère phallique) car elle permet de poser la notion essentielle de manque d'objet.
Dans un article admirable sur le complexe de castration chez les femmes, K Abraham évoque
une petite fille de 2 ans qui, après le déjeuner, va dans l'armoire à cigares :
le premier cigare pour papa, le second pour maman et .. elle coince le troisième entre ses jambes.
Maman ramasse la panoplie et remet tout dans la boite, mais la petite fille retourne et recommence.
Abraham indique seulement que son geste manifeste que cet objet symbolique lui manque.
Mais il faut y voir aussi d'autres choses : c'est aussi à ce titre qu'elle le donne d'abord à papa,
à qui il ne manque pas, marquant par là ce en quoi elle peut le désirer à ce moment-là.
Et aussi, ce que l'expérience le prouve, qu'elle veut satisfaire à qui il manque :
il s'agit surtout de le donner à sa mère, ou un équivalent, comme si elle était un petit garçon.
Ainsi on peut dire : rien n'est concevable de la phénoménologie des perversions si on ne part
pas de l'idée qu'il s'agit du phallus. (c'est plus simple que les identifications/réidentifications,
labyrinthe où on se perd) et de comment l'enfant réalise que sa mère "toute-puissante"
manque fondamentalement de quelque chose.
Dés lors à cette étape sa question c'est : comment lui donner cet objet dont elle manque ?
Et ... dont il manque toujours lui-même, sachant que le phallus du petit garçon
n'est pas beaucoup plus vaillant que celui de la petite fille, ce que les bons auteurs ont bien vu.
Ce caractère "déficient" du phallus du petit garçon, voire la honte ou l'insuffisance profonde
où il peut se sentir, a été pointé, non pour établir des différences, mais les éclairer l'un par l'autre.
Nous savons tous l'importance de cette découverte du petit garçon sur lui-même, et pouvons ainsi
comprendre la valeur de ses tentatives de séduction vis à vis de la mère, dont on parle toujours.
Elles sont profondément marquées du conflit narcissique, des premières blessures narcissiques,
elles-même préludes des effets ultérieurs de la castration symbolique.
Et plutôt que parler de simple pulsion ou agression sexuelle, il s'agit du fait que le garçon
veut se faire croire un mâle ou un porteur de phallus, alors qu'il ne l'est encore qu'à moitié.
Ainsi, dans toute la période pré-œdipienne où s'originent les perversions, il s'agit d'un "jeu",
un "jeu de furet" (de bonneteau, de pair/impair ..) où le phallus est fondamental :
d'une part en tant que signifiant, et d'autre part dans cet imaginaire de la mère qu'il s'agit,
pour l'enfant, de rejoindre, car le moi de l'enfant repose sur la "toute-puissance" de la mère.
Ce phallus, il s'agit de voir où il est et où il n'est pas.
Et de fait : jamais vraiment là où il est, jamais tout à fait absent là où il n'est pas.
C'est là-dessus qu'il faut se fonder pour la classification des perversions futures.
Quelles que soient l'importance des apports sur les identifications (à la mère, à l'objet, etc..)
l'essentiel c'est le rapport au phallus.
Prenons le cas du transvestisme qui n'est pas simplement une homosexualité plus ou moins transposée,
ou une affaire de fétichisme avec sa particularité, mais c'est une affaire où le sujet met en cause son phallus.
Fénichel le montre : sous les habits féminins c'est une femme car le sujet s'identifie à une femme, mais une femme
qui a un phallus, caché. Le rôle du phallus est de toujours participer à ce qui le voile (importance des habits,
du voile, car par eux l'objet se "matérialise".
L'objet réel est là mais on peut penser qu'il peut ne pas y être, ou qu'il est là précisément où il n'est pas.
ou prenons le cas de l'homosexualité masculine, il s'agit encore du phallus, mais dans ce cas de celui du sujet,
qui va le chercher chez un autre. (ndmm, voir sém.Valas). Toutes les "perversions" jouent par certain côté
avec cet objet signifiant en tant que signifiant, qu'on ne peut pas prendre pour sa valeur faciale.
Quand on met la main dessus, qu'on le trouve, qu'on s'y fixe définitivement, comme dans le fétichisme,
cette perversion des perversions (car elle montre où il est, et ce qu'il est) l'objet est "rien" :
vieil habit usé, défroque, petit soulier usé .. quand il apparaît, qu'il se dévoile réellement, c'est le fétiche.
L'étape cruciale se situe juste avant l'œdipe,
entre la relation 1 ère -d'où je suis parti aujourd'hui- de la frustration primitive, et l'œdipe.
C'est l'étape où l'enfant s'engage dans la dialectique intersubjective du leurre. Pour satisfaire
ce qui ne peut pas être satisfait, le désir de sa mère étant fondamentalement inassouvissable,
l'enfant va se faire lui-même objet trompeur pour tromper ce désir inassouvissable.
C'est en montrant à sa mère .. ce qu'il n'est pas que se construit tout un cheminement
autour duquel son moi prend sa stabilité.
Toutes ces étapes caractéristiques, comme Freud l'a montré dans son article sur le splitting,
sont marquées de l'ambiguïté foncière du sujet et de l'objet. C'est en se faisant objet,
objet pour tromper que l'enfant s'engage avec l'autre dans la relation intersubjective constituée.
Car (au contraire du leurre immédiat du monde animal où celui paré des couleurs se "produit"*)
le sujet enfant, lui, suppose qu'il y a un désir -au second degré- dans l'autre, qui est à satisfaire,
et ce désir ne pouvant être satisfait, on ne peut que le tromper.
[*l'exhibitionnisme humain n'est pas celui du rouge-gorge. L'exhibitionniste humain (adulte) à un moment donné
ouvre/referme un pantalon : sans pantalon, il manque une dimension à l'exhibitionnisme.]
Dans cette leçon Lacan dit qu'il va reprendre les termes dans lesquels
il tente une refonte de la notion de frustration sans cela l'écart continuera d'augmenter entre
des tendances actuelles de la psychanalyse et la doctrine freudienne,
à ses yeux la seule formulation conceptuelle correcte de l'expérience qu'elle a fondée :
Ce que je vais essayer d'articuler, ce qui se dégage de certains termes que nous avons articulés
sera peut-être un peu plus algébrique, mais cela est préparé par tout ce que nous avons fait jusqu'ici.
J'ai essayé de situer la frustration dans ce petit tableau
entre la castration, d'où est partie la doctrine freudienne, et la privation, diversement référée.
__________________________________________________________
Agent Manque Objet
castration imaginaire
(dette symbolique)
frustration réel
(dam imaginaire)
privation symbolique
(trou réel)
____________________________________________________________
La "tendance actuelle" en psychanalyse met "frustration" au cœur de tout ce qui a des conséquences
analysables dans des symptômes. Mais l'expérience analytique ne l'a pas mise non plus sans raison
au 1er plan des termes qu'elle utilise, et il est nécessaire de la comprendre pour l'utiliser valablement.
Cette prévalence ne modifie pas forcément notre pensée sur les phénomènes névrotiques,
néanmoins elle amène à des impasses, comme je m'efforce de le démontrer, avec succès j'espère.
A mesure que vous pratiquerez davantage la littérature analytique, avec l'œil ouvert surtout,
vous verrez ces impasses toujours plus avérées.
Posons d'abord que la frustration ne concerne pas
le refus d'un objet de satisfaction au sens de simple satisfaction d'un besoin. On utilise le mot
sans chercher plus loin que : nous connaissons des expériences frustrantes, elles laissent des traces.
Encore faudrait-il expliquer pourquoi le désir qui aurait été ainsi frustré répondrait à cette question
accentuée par Freud dés le début, et dont tout le développement de l'œuvre est justement fait
pour interroger cette énigme du désir refoulé dans l'inconscient, et indestructible.
Cette propriété n'est pas explicable par le seul besoin, comme dans l'économie animale.
La frustration d'un besoin entraîne diverses modifications + ou - supportables par l'organisme, mais
l'expérience montre qu'elle ne maintient pas le désir : soit l'individu succombe, soit le désir
se modifie ou décline etc. Mais il n'y a pas forcément cohérence entre la frustration et
la permanence du désir, et son insistance.
D'ailleurs Freud ne parle pas de "frustration",
il utilise le terme Versagung où il y a la notion de dénonciation au sens de dénonciation de traité,
de retrait d'un engagement. Versagung peut vouloir dire promesse et/ou retrait de promesse.
(mots avec préfixe Ver important en allemand, et aussi dans la théorie analytique)
Quant à la triade frustration-agression-régression qui serait immédiatement compréhensible,
pourquoi pas frustration-dépression-contrition, ou toute autre invention ? Il est plus important
de se poser la question des rapports entre frustration et régression, et de faire une élaboration
de la notion de régression ce qui n'a pas été fait de façon satisfaisante.
La frustration n'est pas le refus d'un objet de satisfaction.
si nous revenons au temps de la relation primitive de l'enfant avec sa mère, la frustration originaire
telle que nous l'entendons est pensable comme le refus du don en tant que symbole d'amour.
C'est dans Freud : le caractère fondamental de la relation d'amour,
avec tout ce qu'elle comporte d'élaboré, non pas au second, mais au troisième degré,
implique qu'en face de soi on n'a pas seulement un objet, mais un être. Bien évidemment que
l'enfant n'a pas fait philo, n'est pas un philosophe de l'amour capable de distinguer amour et désir.
Cela veut dire qu'il baigne déjà dans l'ordre symbolique : sa conduite prouve que
certaines choses qui se passent ne sont concevables que si l'ordre symbolique existe déjà.
Dire que notre science est une science du sujet, et pas de l'individu, cela veut dire que
nous considérons son être-sujet, la part de lui qui n'est pas identifiable à l'individu.
Le sujet/individu peut être détaché de l'ordre qui le concerne comme sujet/sujet,
mais cet ordre existe et lui pré-existe en tant que la loi des relations intersubjectives gouverne
les adultes dont il dépend, et l'implique dans cet ordre même s'il n'en est pas conscient.
Un certain Mallet pense que à partir des phobies primitives et de la peur du noir de l'enfant,
va surgir l'image du père : tentative désespérée qui nécessite des ficelles grosses comme le bras.
Car terreurs infantiles ou pas, l'ordre de la paternité existe déjà comme tel.
Ce qui vit l'enfant prendra son sens articulé dans la relation intersubjective père-enfant,
sachant que cette relation est déjà profondément organisée symboliquement,
en tant qu'elle forme le contexte subjectif dans lequel l'enfant développe son expérience.
L'expérience de l'enfant est à chaque instant prise et rétroactivement remaniée
par la relation intersubjective dans laquelle il s'engage par une série d'amorces,
qui ne sont amorces que pour autant que justement, elles vont s'engager.
Revenons au don :
d'une part il implique tout le cycle de l'échange où le sujet s'introduit primitivement.
L'immense circulation de dons recouvrant tout l'ensemble intersubjectif rend possible le don.
Il surgit de cet au-delà de la relation objectale, de cet ordre de l'échange où est entré l'enfant,
dont la constitution est proprement symbolique.
d'autre n'est don que ce qui se constitue d'un acte qui surgit sur fond de révocation, d'annulation,
signe d'amour préalablement annulé car absent, reparaissant ensuite comme pure présence
du fait que c'est à l'appel qu'il se donne, ou non.
L'appel est plus encore que le 1er temps, essentiel, de la parole : nous verrons que la structure
de la parole implique que dans l'Autre le sujet reçoive son propre message sous une forme inversée.
En effet l'appel ne peut pas être soutenu isolément : pensez à l'image freudienne du petit enfant
avec son "Fort!".."Da!" : déjà au niveau de l'appel il faut qu'il y ait en face son contraire.
Appeler le repère : l'appel est fondamental, fondateur de l'ordre symbolique
parce que ce qui est appelé peut être repoussé. C'est en cela qu'il est introduction à la parole,
totalement engagée dans l'ordre symbolique.
Le don se manifeste à l'appel lancé quand l'objet n'est pas là.
Quand l'objet est là il devient signe du don : "rien" du coté de la satisfaction,
possiblement renvoyable en tant qu'il esr un rien.
Jeu symbolique à caractère profondément décevant,
mais articulation essentielle à partir de quoi la satisfaction se situe et prend son sens.
Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de satisfaction au niveau du rythme vital,
mais que la satisfaction mise en cause dans la frustration a le caractère profondément décevant
de l'ordre symbolique qui vient comme substitut et compensation.
Dans la saisie orale de l'objet réel, de l'objet de satisfaction (orale) qu'est le sein,
l'enfant écrase, cette déception, endort sa frustration, et le refus éprouvé.
C'est à cette douloureuse dialectique de l'objet (à la fois là et pas là que l'enfant s'exerce,
génialement saisie par Freud dans sa forme pure, dans le jeu symbolique du "Fort!".."Da!"
Le fond de la relation du sujet à la présence et à l'absence, c'est :
la présence existe sur fond d'absence, l'absence existe sur fond de présence.
Satisfait par l'objet réel, l'enfant repousse
la déception, la frustration, l'inassouvissement fondamental
que cause la relation -fondamentalement symbolique- à la présence et à l'absence.
Rien d'étonnant à ce que ce soit dans le sommeil que persiste le désir sur le plan symbolique.
Le désir, y compris celui de l'enfant, n'est jamais lié à la seule satisfaction naturelle.
Pensez au rêve infantile de la petite Anna Freud qui dit en rêve framboise, flan ..
Si tous ces objets sont pour elle des objets transcendants c'est qu'ils sont entrés
dans l'ordre symbolique, l'ordre des objets qui peuvent être absents. Anna ce soir-là
n'est pas inassouvie, au contraire (indigestion). Avec la transposition dans l'ordre symbolique
Ces objets qui lui furent interdits sont maintenus dans le rêve comme désir,
le désir portant sur ce qui est impossible.
Notez, quant au rôle essentiel de la parole, que si Anna n'avait pas parlé dans son sommeil,
c'est à dire articulé son désir en paroles, nous n'en aurions jamais rien su.
Quand la satisfaction du besoin se substitue à la satisfaction symbolique il y a une transformation.
L'objet réel "devient signe" dans le cadre de l'exigence d'amour, dans la requête symbolique.
Mais ce n'est pas l'objet réel qui, par tour de passe passe, devient symbole,
ce qui prend valeur symbolique c'est l'activité, le mode d'appréhension
qui met l'enfant en possession de l'objet.
C'est ainsi que l'oralité devient ce qu'elle est :
modèle instinctuel de la faim, elle est porteuse d'une libido conservatrice du corps propre.
Là Freud s'interroge : stricte libido de la conservation ou libido sexuelle ?
D'un coté elle vise la conservation de l'individu (c'est même ce qui implique la destrudo),
mais d'un autre coté,
elle entre dans cette dialectique de substitution de la satisfaction à l'exigence d'amour,
et devient une activité érotisée. Elle est donc libido au sens propre, et libido sexuelle.
Des gens pas très fins, par ex. Ch. Blondel dans Etudes philosophiques consacré au centenaire
de Freud, font ce genre d'objections au sujet de l'érotisation du sein : je veux bien tout entendre
mais que font-ils du cas où l'enfant n'est pas nourri au sein de sa mère mais au biberon ?
Dès qu'il entre dans la dialectique de la frustration, l'objet réel (qui n'est pas indifférent non plus)
n'a pas besoin d'être spécifique. Même si ce n'est pas le sein de la mère, il ne perd pas la valeur
de sa place dans la dialectique sexuelle entraînant l'érotisation de la zone orale.
Le rôle essentiel, là, c'est que
l'activité a pris 1 fonction érotisée sur le plan du désir qui s'ordonne dans l'ordre symbolique.
(le désir ne porte pas sur les objets du besoin, le désir porte sur les objets que l'ordre symbolique, qui organise son monde, lui présente)
Comme il s'agit de ce qui donne lieu à une satisfaction substitutive de la saturation symbolique,
il est possible, même, que "pas du tout d'objet réel" joue le même rôle !
Cela seul peut expliquer la véritable fonction d'un symptôme comme l'anorexie mentale, qui est
non pas un ne pas manger, mais un ne rien manger, qui veut dire manger rien.
"Rien" c'est qqchose qui existe au plan symbolique : pas un nich essen, mais un nichts essen.
L'enfant mange "rien", c'est autre chose qu'une négation de l'activité, c'est une absence,
savourée comme telle, dont l'enfant use vis-à-vis de ce qu'il a en face de lui, la mère dont il dépend.
Grâce à ce rien, il la fait dépendre de lui.
Si on ne saisit pas cela, on ne peut rien comprendre à la phénoménologie de l'anorexie mentale,
ni à d'autres symptômes, et on peut faire les plus grandes fautes.
J'ai situé le moment de renversement
qui nous introduit dans la dialectique symbolique de l'activité orale. A sa suite, d'autres activités seront saisies de même dans la dialectique libidinale. Mais autre chose se produit aussi :
dans ce moment où s'introduit dans le réel le renversement symbolique de l'activité substitutive,
la mère, jusqu'alors le sujet de l'exigence symbolique, simple lieu où pouvait se manifester
la présence ou l'absence (et cela pose la question de l'irréalité de la relation primitive à la mère),
devient un être réel. Un être réel peut refuser indéfiniment, peut littéralement tout.
Et c'est à son niveau (et pas de je ne sais quelle hypothèse d'une sorte de mégalomanie
qui projetterait sur l'enfant ce qui n'est que dans l'esprit de l'analyste) qu'apparaît pour la 1ère fois
la dimension de la toute-puissance, la Wirklichkeit (en allemand notion d'efficacité et réalité)
=> l'efficace essentiel se présente d'abord comme
la toute-puissance de l'être réel dont dépend absolument, sans recours, don ou non-don.
Je veux dire que primordialement, la mère est "toute-puissante"(tous les guillemets sont de moi)Comme il s'agit de ce qui donne lieu à une satisfaction substitutive de la saturation symbolique,
il est possible, même, que "pas du tout d'objet réel" joue le même rôle !
Cela seul peut expliquer la véritable fonction d'un symptôme comme l'anorexie mentale, qui est
non pas un ne pas manger, mais un ne rien manger, qui veut dire manger rien.
"Rien" c'est qqchose qui existe au plan symbolique : pas un nich essen, mais un nichts essen.
L'enfant mange "rien", c'est autre chose qu'une négation de l'activité, c'est une absence,
savourée comme telle, dont l'enfant use vis-à-vis de ce qu'il a en face de lui, la mère dont il dépend.
Grâce à ce rien, il la fait dépendre de lui.
Si on ne saisit pas cela, on ne peut rien comprendre à la phénoménologie de l'anorexie mentale,
ni à d'autres symptômes, et on peut faire les plus grandes fautes.
J'ai situé le moment de renversement
qui nous introduit dans la dialectique symbolique de l'activité orale. A sa suite, d'autres activités seront saisies de même dans la dialectique libidinale. Mais autre chose se produit aussi :
dans ce moment où s'introduit dans le réel le renversement symbolique de l'activité substitutive,
la mère, jusqu'alors le sujet de l'exigence symbolique, simple lieu où pouvait se manifester
la présence ou l'absence (et cela pose la question de l'irréalité de la relation primitive à la mère),
devient un être réel. Un être réel peut refuser indéfiniment, peut littéralement tout.
Et c'est à son niveau (et pas de je ne sais quelle hypothèse d'une sorte de mégalomanie
qui projetterait sur l'enfant ce qui n'est que dans l'esprit de l'analyste) qu'apparaît pour la 1ère fois
la dimension de la toute-puissance, la Wirklichkeit (en allemand notion d'efficacité et réalité)
=> l'efficace essentiel se présente d'abord comme
la toute-puissance de l'être réel dont dépend absolument, sans recours, don ou non-don.
Il ne s'agit pas de la notion kleinienne qu"elle contient tout" (tous les objets fantasmatiques),
dans l"immense" "contenant" de son corps. M. Klein n'a pas expliqué qu'il s'agit de projection,
et de projection rétro-active, des objets imaginaires au sein du corps maternel.
Car si la mère constitue ce champ virtuel dont les objets tireront leur valeur symbolique,
champ virtuel de la néantisation par le symbolique, alors on peut dire que les objets y sont.
D'ailleurs on ne s'étonne pas que l'enfant de deux ans y trouve les objets projetés rétroactivement.
Et que dans un certain sens, puisqu'ils étaient prêts à y venir un jour, ils y "étaient" déjà.
C'est dans ce sens que l'enfant se trouve en présence de la toute-puissance maternelle.
Selon M Klein après la "position paranoïde" s'ébauche une "position dépressive".
Cette "position dépressive" n'est pas sans rapport avec ma "relation de toute-puissance" :
le contraire de la mégalomanie : une espèce d'anéantissement, de micromanie.
Mais attention :
ce n'est pas parce que la mère qui apparaît comme toute-puissante est réelle :
pour que vienne le passage dépressif
l'enfant doit être capable de réfléchir sur lui même et sur le contraste de son impuissance.
Freud, l'expérience clinique, Lacan avec le stade du miroir situent ce point autour du sixième mois.
Vous m'objecterez ce que j'ai enseigné :
quand dans cette réflexion spéculaire le sujet saisit la totalité de son corps propre,
qu'il s'achève, en quelque sorte, dans cet autre total, qu'il se présente à lui-même,
ce qu'il éprouve est plutôt un sentiment de triomphe. Cette reconstruction est confirmée
par l'expérience, et le caractère jubilatoire de cette rencontre n'est pas douteux.
Mais il convient ici de ne pas confondre deux choses :
- d'une part, l'expérience de la maîtrise qui donnera à la relation de l'enfant à son propre moi
un élément essentiel : le splitting (division, détachement d'avec soi-même) qui demeurera toujours.
C'est parce que cette maîtrise lui est donnée sous la forme d'une d'une totalité étroitement liée à lui,
à lui-même aliénée mais dépendante de lui, il y a de sa part de la jubilation.
- d'autre part la réalité du maître qu'il rencontre du fait que la structure réfléchie (spéculaire) du stade
du miroir est entrée en jeu, la totalité de la forme lui étant par là donnée. Quand il constate que
le corps maternel, cette autre totalité, ne lui obéit pas, il considère cette toute-puissance,
maternelle en l'occurrence, dans un sentiment d'impuissance et en position dépressive.
Par ces deux éléments, le moment de triomphe est aussi truchement de défaite.
Là peut s'insérer le phénomène de l'anorexie mentale.
En allant vite, disons que le seul pouvoir du sujet contre la toute-puissance c'est de
dire non au niveau de l'action, et qu'ici peut s'introduire le négativisme. Néanmoins
l'expérience montre que la résistance à la toute-puissance dans la relation de dépendance
ne s'élabore pas au niveau de l'action et sous forme de négativisme,
mais s'élabore au niveau de l'objet, qui est apparu sous le signe du rien.
C'est là que le sujet renverse sa relation de dépendance et se fait maître de la toute-puissance :
Du fait que cette toute-puissance est avide du désir de le faire vivre, lui qui dépend d'elle,
par ce désir c'est elle qui dépend, elle qui est à sa merci, à la merci de son caprice,
elle dépend de sa toute-puissance à lui.
Il est important de soutenir que l'ordre symbolique est "le lit" nécessaire à l'instauration
de la 1ère relation imaginaire sur quoi se fait le jeu de la projection et de son contraire.
Pour l'illustrer en termes psychologiques -dégradation par rapport au 1er exposé-,
l'intentionnalité de l'amour constitue, très précocement, avant-tout, et au-delà de l'objet,
une structuration fondamentalement symbolique concevable si on pose que l'ordre symbolique
est déjà institué et présent. L'expérience le montre. Et comme Mme Isaac le fait remarquer,
dès un âge très précoce un enfant distingue une punition d'un sévice de hasard.
Avant même la parole, il ne réagit pas de la même façon à un heurt et à une gifle.
A ceux qui objectent que l'animal aussi, je dis que cela prouve que l'animal peut arriver à une
ébauche d'au-delà qui le met dans des rapports d'identification particuliers à son maître. Mais que,
à la différence de l'homme il n'est pas inséré par tout son être dans un ordre de langage,
cela ne donne rien de plus si ce n'est qu'il est un bon petit chien. C'est vrai qu'il arrive à
quelque chose d'aussi élaboré que distinguer quand on lui fait une tape dans le dos d'une correction.
Puisqu'on en est à éclairer les contours, il y a cet International journal of psycho-analysis :
certains se disent qu'il y a tout de même quelque chose d'intéressant dans le langage,
M Loeweinstein, avec une prudente distance non dépourvue d'habileté, cite quelques personnages
latéraux de Hamlet puis évoque M. de Saussure enseignant qu'il y a signifiant et signifié.
Bref, on montre qu'on est un peu au courant, mais cela reste absolument inarticulé à notre expérience,
si ce n'est pour souligner qu'il faut songer à ce qu'on dit. Au niveau d'élaboration où cela se traîne,
je pardonne à l'auteur de ne pas citer mon enseignement -nous en sommes beaucoup plus loin.
Ou un certain Ch. Rycroft qui, au titre des Londonniens, essaye de faire .. ce que nous faisons,
la théorie analytique des instances intra-psychiques et de leur articulation. Et de nous rappeler
que la théorie de la communication existe, et que quand un enfant crie c'est une situation totale
qui comprend le cri, la mère, l'enfant. C'est en plein la théorie de la communication :
l'enfant crie, la mère reçoit le cri comme signal du besoin.
Il ne s'agit absolument pas de cela dans ce que je suis en train de vous enseigner, qui est
ce que Freud souligne dans cette manifestation : un cri appelant réponse, dans un milieu
où le langage est déjà institué, dans quoi baigne l'enfant, qui en saisit et articule les 1ères bribes
au titre de couple d'alternance. Nous retrouvons le Fort-Da, car le cri en question ds la frustration
s'insère dans une synchronie de cris déjà virtuellement organisés en un système symbolique.
Le sujet humain ne connaît pas du cri que ce qui signale un objet, et il est vicieux, fallacieux,
erroné, de poser la question du signe alors qu'il s'agit du système symbolique.
Dès l'origine le cri est fait pour qu'on en prenne acte, voir même qu'on ait à en rendre compte
à un autre : il n'y a qu'à voir le besoin essentiel qu'a l'enfant de recevoir ces cris modulés,
et articulés, appelés paroles, et l'intérêt qu'il prend au système de langage pour lui-même.
Si le don-type est justement le don de la parole, c'est que là le don est égal en son principe.
Dès l'origine l'enfant se nourrit autant de paroles que de pain (C'est l'Evangile qui dit que
"..l'homme ne périt pas seulement par ce qui entre dans sa bouche, mais aussi par ce qui en sort..")
Le terme de régression s'applique à ce qui se passe quand l'objet réel, et du même coup
l'activité déployée pour le saisir vient se substituer à l'exigence symbolique.
L'enfant écrasant sa déception dans l'assouvissement -au contact du sein ou d'un autre objet-
entre dans le mécanisme qui fait de la frustration une porte ouverte à la régression.
Nous n'allons pas simplement remarquer que l'entrée dans l'imaginaire par la relation spéculaire
ayant fait ouverture au signifiant, tout va tout seul : relations au corps propre, appartenances du corps
se contentant d'entrer en jeu, et d'être transformées par cet avènement dans le signifiant. Ou être
surpris que les excréments soient pendant un temps l'objet électif du don,
puisque c'est dans ce matériel qui s'offre à lui, venant de son propre corps,
que l'enfant trouve l'élément réel qui va nourrir le symbolique,
(ndmm : il n'y a qu'à voir tous les termes et expressions autour de la rétention, du lâchage etc)
permettant de ce fait que la rétention puisse devenir refus. Bref, nous n'allons pas
nous étonner de la richesse et du raffinement des phénomènes au niveau du symbolisme anal
découverts par l'expérience analytique.
Par contre nous allons faire un jump qui va nous permettre de voir comment,
dans la dialectique de la frustration, s'introduit le phallus. Là encore attention à la genèse
naturelle déduisant de la constitution des organes génitaux le rôle prévalent du phallus dans le
symbolisme génital => mêmes contorsions que Jones essayant de commenter la phase phallique
affirmée par Freud et le fait que le phallus -qu'elle n'a pas-a tant d'importance pour la femme.
Car la question n'est pas là, la question est qu'il s'agit d'un fait : c'est dans tous les phénomènes
qui s'offrent à nous, et dans toute la dialectique imaginaire, que nous découvrons la prévalence,
du phallus et qu'elle préside à toutes les aventures, tous les avatars du développement génital.
Beaucoup s'exténuent à faire valoir que l'enfant féminin a ses sensations propres, que
son expérience est distincte de celle du garçon. Cela va de soi. Mais ce n'est pas la question :
La fille a plus de mal que le garçon a faire entrer la réalité de ce qui se passe, coté utérus ou vagin,
dans la dialectique du désir parce que imaginairement elle doit passer par quelque chose, vis à vis
de quoi elle a un rapport différent de l'homme, et dont elle manque : le phallus.
C'est le versant non physiologique de la question, pour le comprendre partons de l'existence d'un
phallus imaginaire.
Toutes une série de faits dont il est le pivot pousse à poser ce postulat, et à étudier de labyrinthe
où le sujet peut se perdre, où même il peut être dévoré.
Le fil pour en sortir est de considérer que la mère manque de phallus : de ce fait elle le désire,
et elle peut être satisfaite si quelque chose le lui donne. Partons de cela, qui est quand même
littéralement stupéfiant : le manque comme désir majeur ! Mais la 1ère vertu de la connaissance
est d'être capable d'affronter ce qui ne va pas de soi. De plus nous, qui admettons que le manque
est la caractéristique de l'ordre symbolique, nous sommes un peu préparés à l'admettre.
En d'autres termes,
c'est parce que le phallus imaginaire a un rôle signifiant majeur
que la situation se présente ainsi. Le signifiant, ce n'est pas chaque sujet qui l'invente,
au gré de son sexe, ou ses dispositions, ou sa folâtrerie à la naissance.
Le signifiant existe.
Ainsi que le rôle du phallus comme signifiant sous-jacent, que l'analyse a découvert.
Lacan à ce moment évoque les Structures élémentaires de la parenté où Levy-Strauss pose qu'il y a échange
des femmes à travers les lignées et entre les générations : un homme prend une femme à une autre lignée, il doit
une femme à la génération suivante ou à une autre lignée .. Dans les mariages préférentiels entre cousins croisés
les choses circulent très régulièrement dans un cercle qui ne se referme ni ne se brise. Mais avec les cousins
parallèles au bout d'un certain temps l'échange tend à converger, et il y a des brisures. Lacan lui demande
si on pourrait renverser les choses, et dire que ce sont les lignées féminines qui produisent et s'échangent
des hommes ? Car ce manque chez la femme, dont nous parlons, le phallus, qui n'est pas un manque réel
(car elles peuvent en avoir, et même les produire car elles font des garçons, des phallophores).
Et imaginer un matriarcat dont la loi serait j'ai donné un garçon je veux recevoir l'homme ?
Réponse de Levy-Strauss : du point de vue formel on peut décrire un système fondé sur les femmes mais cela
rendrait un tas de choses inexplicables. En particulier le fait que dans tous les cas, y compris dans les sociétés
matriarcales, le pouvoir est androcentrique, représenté par des hommes et des lignées masculines.
Des anomalies très bizarres dans les échanges (modifications, exceptions, paradoxes) qui apparaissent
dans les lois de l'échange au niveau des structures de la parenté, ne s'expliquent que par la référence à
quelque chose qui est hors-jeu de la parenté, qui tient au contexte politique, à l'ordre du pouvoir,
et très précisément à l'ordre du signifiant, où sceptre et phallus se confondent.
Pour des raisons inscrites dans l'ordre symbolique qui transcende le développement individuel,
avoir, ou non, le phallus imaginaire, et symbolisé, s'explique au niveau de l'œdipe,
et donne son importance au complexe de castration.
De là viennent les fameux fantasmes de la mère phallique sortis sur l'horizon analytique.
Nous verrons comment
la dialectique du phallus s'articule, s'achève, puis se résout, au niveau de l'œdipe.
Mais avant je vais vous montrer que je peux moi aussi parler des étages préœdipiens.
Sauf que mon fil conducteur est le rôle fondamental de la relation symbolique.
Elle seule explique le rôle du phallus dans sa fonction imaginaire (et dans la prétendue exigence
de la mère phallique) car elle permet de poser la notion essentielle de manque d'objet.
Dans un article admirable sur le complexe de castration chez les femmes, K Abraham évoque
une petite fille de 2 ans qui, après le déjeuner, va dans l'armoire à cigares :
le premier cigare pour papa, le second pour maman et .. elle coince le troisième entre ses jambes.
Maman ramasse la panoplie et remet tout dans la boite, mais la petite fille retourne et recommence.
Abraham indique seulement que son geste manifeste que cet objet symbolique lui manque.
Mais il faut y voir aussi d'autres choses : c'est aussi à ce titre qu'elle le donne d'abord à papa,
à qui il ne manque pas, marquant par là ce en quoi elle peut le désirer à ce moment-là.
Et aussi, ce que l'expérience le prouve, qu'elle veut satisfaire à qui il manque :
il s'agit surtout de le donner à sa mère, ou un équivalent, comme si elle était un petit garçon.
Ainsi on peut dire : rien n'est concevable de la phénoménologie des perversions si on ne part
pas de l'idée qu'il s'agit du phallus. (c'est plus simple que les identifications/réidentifications,
labyrinthe où on se perd) et de comment l'enfant réalise que sa mère "toute-puissante"
manque fondamentalement de quelque chose.
Dés lors à cette étape sa question c'est : comment lui donner cet objet dont elle manque ?
Et ... dont il manque toujours lui-même, sachant que le phallus du petit garçon
n'est pas beaucoup plus vaillant que celui de la petite fille, ce que les bons auteurs ont bien vu.
Ce caractère "déficient" du phallus du petit garçon, voire la honte ou l'insuffisance profonde
où il peut se sentir, a été pointé, non pour établir des différences, mais les éclairer l'un par l'autre.
Nous savons tous l'importance de cette découverte du petit garçon sur lui-même, et pouvons ainsi
comprendre la valeur de ses tentatives de séduction vis à vis de la mère, dont on parle toujours.
Elles sont profondément marquées du conflit narcissique, des premières blessures narcissiques,
elles-même préludes des effets ultérieurs de la castration symbolique.
Et plutôt que parler de simple pulsion ou agression sexuelle, il s'agit du fait que le garçon
veut se faire croire un mâle ou un porteur de phallus, alors qu'il ne l'est encore qu'à moitié.
Ainsi, dans toute la période pré-œdipienne où s'originent les perversions, il s'agit d'un "jeu",
un "jeu de furet" (de bonneteau, de pair/impair ..) où le phallus est fondamental :
d'une part en tant que signifiant, et d'autre part dans cet imaginaire de la mère qu'il s'agit,
pour l'enfant, de rejoindre, car le moi de l'enfant repose sur la "toute-puissance" de la mère.
Ce phallus, il s'agit de voir où il est et où il n'est pas.
Et de fait : jamais vraiment là où il est, jamais tout à fait absent là où il n'est pas.
C'est là-dessus qu'il faut se fonder pour la classification des perversions futures.
Quelles que soient l'importance des apports sur les identifications (à la mère, à l'objet, etc..)
l'essentiel c'est le rapport au phallus.
Prenons le cas du transvestisme qui n'est pas simplement une homosexualité plus ou moins transposée,
ou une affaire de fétichisme avec sa particularité, mais c'est une affaire où le sujet met en cause son phallus.
Fénichel le montre : sous les habits féminins c'est une femme car le sujet s'identifie à une femme, mais une femme
qui a un phallus, caché. Le rôle du phallus est de toujours participer à ce qui le voile (importance des habits,
du voile, car par eux l'objet se "matérialise".
L'objet réel est là mais on peut penser qu'il peut ne pas y être, ou qu'il est là précisément où il n'est pas.
ou prenons le cas de l'homosexualité masculine, il s'agit encore du phallus, mais dans ce cas de celui du sujet,
qui va le chercher chez un autre. (ndmm, voir sém.Valas). Toutes les "perversions" jouent par certain côté
avec cet objet signifiant en tant que signifiant, qu'on ne peut pas prendre pour sa valeur faciale.
Quand on met la main dessus, qu'on le trouve, qu'on s'y fixe définitivement, comme dans le fétichisme,
cette perversion des perversions (car elle montre où il est, et ce qu'il est) l'objet est "rien" :
vieil habit usé, défroque, petit soulier usé .. quand il apparaît, qu'il se dévoile réellement, c'est le fétiche.
L'étape cruciale se situe juste avant l'œdipe,
entre la relation 1 ère -d'où je suis parti aujourd'hui- de la frustration primitive, et l'œdipe.
C'est l'étape où l'enfant s'engage dans la dialectique intersubjective du leurre. Pour satisfaire
ce qui ne peut pas être satisfait, le désir de sa mère étant fondamentalement inassouvissable,
l'enfant va se faire lui-même objet trompeur pour tromper ce désir inassouvissable.
C'est en montrant à sa mère .. ce qu'il n'est pas que se construit tout un cheminement
autour duquel son moi prend sa stabilité.
Toutes ces étapes caractéristiques, comme Freud l'a montré dans son article sur le splitting,
sont marquées de l'ambiguïté foncière du sujet et de l'objet. C'est en se faisant objet,
objet pour tromper que l'enfant s'engage avec l'autre dans la relation intersubjective constituée.
Car (au contraire du leurre immédiat du monde animal où celui paré des couleurs se "produit"*)
le sujet enfant, lui, suppose qu'il y a un désir -au second degré- dans l'autre, qui est à satisfaire,
et ce désir ne pouvant être satisfait, on ne peut que le tromper.
[*l'exhibitionnisme humain n'est pas celui du rouge-gorge. L'exhibitionniste humain (adulte) à un moment donné
ouvre/referme un pantalon : sans pantalon, il manque une dimension à l'exhibitionnisme.]