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samedi 1 décembre 2012

La relation d'objet : leçon 11 : Le phallus et la mère inassouvie.

(ndmm, dans les textes, veut dire "note de moi-même")
Jacques-Alain Miller a cru bon de donner ce titre pointant "mère" et "inassouvie"
à cette onzième leçon du séminaire.

Il est vrai que Jacques Lacan utilise le terme "inassouvie" pour caractériser un trait dans la mère.
Mais dans la mesure où ce dont la mère(femme) est manquante c'est du phallus,
qu'en tant que manquante elle sera toujours désirante,
et que être désirant concerne tous les êtres humains : homme, femme, père, mère,
pousser à l'épinglage des mères sous cette marque pourtant spécifiquement humaine
qu'est l'inassouvissement, je trouve cela idiot et mal venu.

L'inassouvissement dont il s'agit est celui qui caractérise l'être humain parlant et désirant,
et comment ce trait général entre en ligne de compte chez la femme devenue mère.
J'ai déjà effleuré ce sujet dans la présentation du séminaire, puisque j'ai choisi de travailler
sur cette édition du Seuil, transcrite par JAM, et que j'objecte à son choix d'inscrire sa transcription
sous la marque de la mère qui serait dévoreuse. Cela demande à être développé,
et comme j'ignore quand j'aurai le courage de faire un vrai travail sur ce thème, en attendant,
je me contente de faire quelques remarques quand l'occasion se présente, et surtout je relève,
dans cette étude approfondie de la parole de Lacan, à quel point ceux et celles, mais surtout ceux,
psychanalystes compris -ne parlons pas des ignorants- qui répandent l'image des mères
qui seraient toujours à deux doigts de vouloir bouffer leur progéniture sont à coté de la plaque.

D'ailleurs on peut s'amuser à comparer la photo choisie par JAM pour illustrer l'édition du Seuil


et celle que j'ai choisie pour illustrer mon étude des textes : qui nourrit, et qui se nourrit.



Bon. Trêve de caricaturisme, revenons à la parole de Lacan telle que je la comprends :

Dans cette leçon Lacan dit qu'il va reprendre les termes dans lesquels
il tente une refonte de la notion de frustration sans cela l'écart continuera d'augmenter entre
des tendances actuelles de la psychanalyse et la doctrine freudienne,
à ses yeux la seule formulation conceptuelle correcte de l'expérience qu'elle a fondée :
Ce que je vais essayer d'articuler, ce qui se dégage de certains termes que nous avons articulés
 sera peut-être un peu plus algébrique, mais cela est préparé par tout ce que nous avons fait jusqu'ici.

J'ai essayé de situer la frustration dans ce petit tableau
entre la castration, d'où est partie la doctrine freudienne, et la privation, diversement référée.

       __________________________________________________________
                            Agent                    Manque                         Objet
                            
                                                         castration                     imaginaire
                                                     (dette symbolique)                 
                        
                                                          frustration                        réel
                                                       (dam imaginaire)

                                                            privation                    symbolique
                                                            (trou réel)


                      ____________________________________________________________


La "tendance actuelle" en psychanalyse met "frustration" au cœur de tout ce qui a des conséquences
analysables dans des symptômes. Mais l'expérience analytique ne l'a pas mise non plus sans raison
au 1er plan des termes qu'elle utilise, et il est nécessaire de la comprendre pour l'utiliser valablement.
Cette prévalence ne modifie pas forcément notre pensée sur les phénomènes névrotiques,
néanmoins elle amène à des impasses, comme je m'efforce de le démontrer, avec succès j'espère.
A mesure que vous pratiquerez davantage la littérature analytique, avec l'œil ouvert surtout,
vous verrez ces impasses toujours plus avérées.

Posons d'abord que la frustration ne concerne pas 
le refus d'un objet de satisfaction au sens de simple satisfaction d'un besoin. On utilise le mot
sans chercher plus loin que : nous connaissons des expériences frustrantes, elles laissent des traces.
Encore faudrait-il expliquer pourquoi le désir qui aurait été ainsi frustré répondrait à cette question
accentuée par Freud dés le début, et dont tout le développement de l'œuvre est justement fait
pour interroger cette énigme du désir refoulé dans l'inconscient, et indestructible.
Cette propriété n'est pas explicable par le seul besoin, comme dans l'économie animale.
La frustration d'un besoin entraîne diverses modifications + ou - supportables par l'organisme, mais
l'expérience montre qu'elle ne maintient pas le désir : soit l'individu succombe, soit le désir
se modifie ou décline etc. Mais il n'y a pas forcément cohérence entre la frustration et
la permanence du désir, et son insistance.
D'ailleurs Freud ne parle pas de "frustration",
il utilise le terme Versagung où il y a la notion de dénonciation au sens de dénonciation de traité,
de retrait d'un engagement. Versagung peut vouloir dire promesse et/ou retrait de promesse.
(mots avec préfixe Ver important en allemand, et aussi dans la théorie analytique)

Quant à la triade frustration-agression-régression qui serait immédiatement compréhensible,
pourquoi pas frustration-dépression-contrition, ou toute autre invention ? Il est plus important
de se poser la question des rapports entre frustration et régression, et de faire une élaboration
de la notion de régression ce qui n'a pas été fait de façon satisfaisante.

La frustration n'est pas le refus d'un objet de satisfaction.
si nous revenons au temps de la relation primitive de l'enfant avec sa mère, la frustration originaire
telle que nous l'entendons est pensable comme le refus du don en tant que symbole d'amour.
C'est dans Freud : le caractère fondamental de la relation d'amour,
avec tout ce qu'elle comporte d'élaboré, non pas au second, mais au troisième degré,
implique qu'en face de soi on n'a pas seulement un objet, mais un être. Bien évidemment que
l'enfant n'a pas fait philo, n'est pas un philosophe de l'amour capable de distinguer amour et désir.
Cela veut dire qu'il baigne déjà dans l'ordre symbolique : sa conduite prouve que
certaines choses qui se passent ne sont concevables que si l'ordre symbolique existe déjà.
Dire que notre science est une science du sujet, et pas de l'individu, cela veut dire que
nous considérons son être-sujet, la part de lui qui n'est pas identifiable à l'individu.
Le sujet/individu peut être détaché de l'ordre qui le concerne comme sujet/sujet,
mais cet ordre existe et lui pré-existe en tant que la loi des relations intersubjectives gouverne
les adultes dont il dépend, et l'implique dans cet ordre même s'il n'en est pas conscient.
Un certain Mallet pense que à partir des phobies primitives et de la peur du noir de l'enfant,
 va surgir l'image du père : tentative désespérée qui nécessite des ficelles grosses comme le bras.
Car terreurs infantiles ou pas, l'ordre de la  paternité existe déjà comme tel.
Ce qui vit l'enfant prendra son sens articulé dans la relation intersubjective père-enfant,
sachant que cette relation est déjà profondément organisée symboliquement,
en tant qu'elle forme le contexte subjectif dans lequel l'enfant développe son expérience.
L'expérience de l'enfant est à chaque instant prise et rétroactivement remaniée
par la relation intersubjective dans laquelle il s'engage par une série d'amorces,
qui ne sont amorces que pour autant que justement, elles vont s'engager.

Revenons au don
d'une part il implique tout le cycle de l'échange où le sujet s'introduit primitivement.
L'immense circulation de dons recouvrant tout l'ensemble intersubjectif rend possible le don.
Il surgit de cet au-delà de la relation objectale, de cet ordre de l'échange où est entré l'enfant,
dont la constitution est proprement symbolique.
d'autre n'est don que ce qui se constitue d'un acte qui surgit sur fond de révocation, d'annulation,
signe d'amour préalablement annulé car absent, reparaissant ensuite comme pure présence
du fait que c'est à l'appel qu'il se donne, ou non.

L'appel est plus encore que le 1er temps, essentiel, de la parole : nous verrons que la structure
de la parole implique que dans l'Autre le sujet reçoive son propre message sous une forme inversée.
En effet l'appel ne peut pas être soutenu isolément : pensez à l'image freudienne du petit enfant
avec son "Fort!".."Da!" :  déjà au niveau de l'appel il faut qu'il y ait en face son contraire.
Appeler le repère : l'appel est fondamental, fondateur de l'ordre symbolique
parce que ce qui est appelé peut être repoussé. C'est en cela qu'il est introduction à la parole,
totalement engagée dans l'ordre symbolique.
Le don se manifeste à l'appel lancé quand l'objet n'est pas là.
Quand l'objet est là il devient signe du don : "rien" du coté de la satisfaction,
possiblement renvoyable en tant qu'il esr un rien.
Jeu symbolique à caractère profondément décevant,
mais articulation essentielle à partir de quoi la satisfaction se situe et prend son sens.
Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de satisfaction au niveau du rythme vital,
mais que la satisfaction mise en cause dans la frustration a le caractère profondément décevant
de l'ordre symbolique qui vient comme substitut et compensation.
Dans la saisie orale de l'objet réel, de l'objet de satisfaction (orale) qu'est le sein,
l'enfant écrase, cette déception, endort sa frustration, et le refus éprouvé.
C'est à cette douloureuse dialectique de l'objet (à la fois et pas là que l'enfant s'exerce,
génialement saisie par Freud dans sa forme pure, dans le jeu symbolique du "Fort!".."Da!"  
Le fond de la relation du sujet à la présence et à l'absence, c'est :
la présence existe sur fond d'absence, l'absence existe sur fond de présence.

Satisfait par l'objet réel, l'enfant repousse
la déception, la frustration, l'inassouvissement fondamental 
que cause la relation -fondamentalement symbolique- à la présence et à l'absence.
Rien d'étonnant à ce que ce soit dans le sommeil que persiste le désir sur le plan symbolique.
Le désir, y compris celui de l'enfant, n'est jamais lié à la seule satisfaction naturelle.
Pensez au rêve infantile de la petite Anna Freud qui dit en rêve framboise, flan ..
Si tous ces objets sont pour elle des objets transcendants c'est qu'ils sont entrés
dans l'ordre symbolique, l'ordre des objets qui peuvent être absents. Anna ce soir-là
n'est pas inassouvie, au contraire (indigestion). Avec la transposition dans l'ordre symbolique
Ces objets qui lui furent interdits sont maintenus dans le rêve comme désir,
le désir portant sur ce qui est impossible.
Notez, quant au rôle essentiel de la parole, que si Anna n'avait pas parlé dans son sommeil,
c'est à dire articulé son désir en paroles, nous n'en aurions jamais rien su.

Reprenons notre dialectique de la frustration :

Quand la satisfaction du besoin se substitue à la satisfaction symbolique il y a une transformation.
L'objet réel "devient signe" dans le cadre de l'exigence d'amour, dans la requête symbolique.
Mais ce n'est pas l'objet réel qui, par tour de passe passe, devient symbole,
ce qui prend valeur symbolique c'est l'activité, le mode d'appréhension 
qui met l'enfant en possession de l'objet.
C'est ainsi que l'oralité devient ce qu'elle est :
modèle instinctuel de la faim, elle est porteuse d'une libido conservatrice du corps propre.
Là Freud s'interroge : stricte libido de la conservation ou libido sexuelle ?
D'un coté elle vise la conservation de l'individu (c'est même ce qui implique la destrudo),
 mais d'un autre coté,
elle entre dans cette dialectique de substitution de la satisfaction à l'exigence d'amour,
et devient une activité érotisée.  Elle est donc libido au sens propre, et libido sexuelle.

Des gens pas très fins, par ex. Ch. Blondel dans Etudes philosophiques consacré au centenaire
de Freud, font ce genre d'objections au sujet de l'érotisation du sein : je veux bien tout entendre 
mais que font-ils du cas où l'enfant n'est pas nourri au sein de sa mère mais au biberon ?
Dès qu'il entre dans la dialectique de la frustration, l'objet réel (qui n'est pas indifférent non plus)
n'a pas besoin d'être spécifique. Même si ce n'est pas le sein de la mère, il ne perd pas la valeur
de sa place dans la dialectique sexuelle entraînant l'érotisation de la zone orale.
Le rôle essentiel, là, c'est que
l'activité a pris 1 fonction érotisée sur le plan du désir qui s'ordonne dans l'ordre symbolique.
(le désir ne porte pas sur les objets du besoin, le désir porte sur les objets que l'ordre symbolique, qui organise son monde, lui présente)
Comme il s'agit de ce qui donne lieu à une satisfaction substitutive de la saturation symbolique,
il est possible, même, que "pas du tout d'objet réel" joue le même rôle !
Cela seul peut expliquer la véritable fonction d'un symptôme comme l'anorexie mentale, qui est
non pas un ne pas manger, mais un ne rien manger, qui veut dire manger rien
"Rien" c'est qqchose qui existe au plan symbolique : pas un nich essen, mais un nichts essen. 
L'enfant mange "rien", c'est autre chose qu'une négation de l'activité, c'est une absence,
savourée comme telle, dont l'enfant use vis-à-vis de ce qu'il a en face de lui, la mère dont il dépend.
Grâce à ce rien, il la fait dépendre de lui.
Si on ne saisit pas cela, on ne peut rien comprendre à la phénoménologie de l'anorexie mentale,
ni à d'autres symptômes, et on peut faire les plus grandes fautes.

J'ai situé le moment de renversement 
qui nous introduit dans la dialectique symbolique de l'activité orale. A sa suite, d'autres activités seront saisies de même dans la dialectique libidinale. Mais autre chose se produit aussi :
dans ce moment où s'introduit dans le réel le renversement symbolique de l'activité substitutive,
la mère, jusqu'alors le sujet de l'exigence symbolique, simple lieu où pouvait se manifester
la présence ou l'absence (et cela pose la question de l'irréalité de la relation primitive à la mère),
devient un être réel. Un être réel peut refuser indéfiniment, peut littéralement tout.
Et c'est à son niveau (et pas de je ne sais quelle hypothèse d'une sorte de mégalomanie
qui projetterait sur l'enfant ce qui n'est que dans l'esprit de l'analyste) qu'apparaît pour la 1ère fois
la dimension de la toute-puissance, la Wirklichkeit (en allemand notion d'efficacité et réalité)
=> l'efficace essentiel se présente d'abord comme
la toute-puissance de l'être réel dont dépend absolument, sans recours, don ou non-don.
Je veux dire que primordialement, la mère est "toute-puissante"(tous les guillemets sont de moi)
Il ne s'agit pas de la notion kleinienne qu"elle contient tout" (tous les objets fantasmatiques),
dans l"immense" "contenant" de son corps. M. Klein n'a pas expliqué qu'il s'agit de projection,
et de projection rétro-active, des objets imaginaires au sein du corps maternel.
Car si la mère constitue ce champ virtuel dont les objets tireront leur valeur symbolique,
champ virtuel de la néantisation par le symbolique, alors on peut dire que les objets y sont.
D'ailleurs on ne s'étonne pas que l'enfant de deux ans y trouve les objets projetés rétroactivement.
Et que dans un certain sens, puisqu'ils étaient prêts à y venir un jour, ils y "étaient" déjà.

C'est dans ce sens que l'enfant se trouve en présence de la toute-puissance maternelle.

Selon M Klein après la "position paranoïde" s'ébauche une "position dépressive".
Cette "position dépressive" n'est pas sans rapport avec ma "relation de toute-puissance" :
le contraire de la mégalomanie : une espèce d'anéantissement, de micromanie.
Mais attention :
ce n'est pas parce que la mère qui apparaît comme toute-puissante est réelle :
pour que vienne le passage dépressif
l'enfant doit être capable de réfléchir sur lui même et sur le contraste de son impuissance.
Freud, l'expérience clinique, Lacan avec le stade du miroir situent ce point autour du sixième mois.

Vous m'objecterez ce que j'ai enseigné :
quand dans cette réflexion spéculaire le sujet saisit la totalité de son corps propre,
qu'il s'achève, en quelque sorte, dans cet autre total, qu'il se présente à lui-même,
ce qu'il éprouve est plutôt un sentiment de triomphe. Cette reconstruction est confirmée
par l'expérience, et le caractère jubilatoire de cette rencontre n'est pas douteux.
Mais il convient ici de ne pas confondre deux choses :
- d'une part, l'expérience de la maîtrise qui donnera à la relation de l'enfant à son propre moi
un élément essentiel : le splitting (division, détachement d'avec soi-même) qui demeurera toujours.
C'est parce que cette maîtrise lui est donnée sous la forme d'une d'une totalité étroitement liée à lui,
 à lui-même aliénée mais dépendante de lui, il y a de sa part de la jubilation.
- d'autre part la réalité du maître qu'il rencontre du fait que la structure réfléchie (spéculaire) du stade
du miroir est entrée en jeu, la totalité de la forme lui étant par là donnée. Quand il constate que
le corps maternel, cette autre totaliténe lui obéit pas, il considère cette toute-puissance,
maternelle en l'occurrence, dans un sentiment d'impuissance et en position dépressive.
  Par ces deux éléments, le moment de triomphe est aussi truchement de défaite.

Là peut s'insérer le phénomène de l'anorexie mentale.
En allant vite, disons que le seul pouvoir du sujet contre la toute-puissance c'est de
dire non au niveau de l'action, et qu'ici peut s'introduire le négativisme.  Néanmoins
l'expérience montre que la résistance à la toute-puissance dans la relation de dépendance
ne s'élabore pas au niveau de l'action et sous forme de négativisme,
mais s'élabore au niveau de l'objet, qui est apparu sous le signe du rien.
C'est là que le sujet renverse sa relation de dépendance et se fait maître de la toute-puissance :
Du fait que cette toute-puissance est avide du désir de le faire vivre, lui qui dépend d'elle,
par ce désir c'est elle qui dépend, elle qui est à sa merci, à la merci de son caprice,
elle dépend de sa toute-puissance à lui.

Il est important de soutenir que l'ordre symbolique est "le lit" nécessaire à l'instauration
de la 1ère relation imaginaire sur quoi se fait le jeu de la projection et de son contraire.
Pour l'illustrer en termes psychologiques -dégradation par rapport au 1er exposé-,
l'intentionnalité de l'amour constitue, très précocement, avant-tout, et au-delà de l'objet,
une structuration fondamentalement symbolique concevable si on pose que l'ordre symbolique
est déjà institué et présent. L'expérience le montre. Et comme Mme Isaac le fait remarquer,
dès un âge très précoce un enfant distingue une punition d'un sévice de hasard.
Avant même la parole, il ne réagit pas de la même façon à un heurt et à une gifle.
A ceux qui objectent que l'animal aussi, je dis que cela prouve que l'animal peut arriver à une
ébauche d'au-delà qui le met dans des rapports d'identification particuliers à son maître. Mais que,
à la différence de l'homme  il n'est pas inséré par tout son être dans un ordre de langage, 
cela ne donne rien de plus si ce n'est qu'il est un bon petit chien. C'est vrai qu'il arrive à
quelque chose d'aussi élaboré que distinguer quand on lui fait une tape dans le dos d'une correction.

Puisqu'on en est à éclairer les contours, il y a cet International journal of psycho-analysis :
certains se disent qu'il y a tout de même quelque chose d'intéressant dans le langage,
M Loeweinstein, avec une prudente distance non dépourvue d'habileté, cite quelques personnages
latéraux de Hamlet puis évoque M. de Saussure enseignant qu'il y a signifiant et signifié.
Bref, on montre qu'on est un peu au courant,  mais cela reste absolument inarticulé à notre expérience,
si ce n'est pour souligner qu'il faut songer à ce qu'on dit. Au niveau d'élaboration où cela se traîne,
je pardonne à l'auteur de ne pas citer mon enseignement -nous en sommes beaucoup plus loin.
Ou un certain Ch. Rycroft qui, au titre des Londonniens, essaye de faire .. ce que nous faisons,
la théorie analytique des instances intra-psychiques et de leur articulation. Et de nous rappeler
que la théorie de la communication existe, et que quand un enfant crie c'est une situation totale
 qui comprend le cri, la mère, l'enfant. C'est en plein la théorie de la communication :
l'enfant crie, la mère reçoit le cri comme signal du besoin.

Il ne s'agit absolument pas de cela dans ce que je suis en train de vous enseigner, qui est
ce que Freud souligne dans cette manifestation : un cri appelant réponse, dans un milieu
où le langage est déjà institué, dans quoi baigne l'enfant, qui en saisit et articule les 1ères bribes
au titre de couple d'alternance. Nous retrouvons le Fort-Da, car le cri en question ds la frustration
s'insère dans une synchronie de cris déjà virtuellement organisés en un système symbolique.
Le sujet humain ne connaît pas du cri que ce qui signale un objet, et il est vicieux, fallacieux,
erroné, de poser la question du signe alors qu'il s'agit du système symbolique.
Dès l'origine le cri est fait pour qu'on en prenne acte, voir même qu'on ait à en rendre compte
à un autre : il n'y a qu'à voir le besoin essentiel qu'a l'enfant de recevoir ces cris modulés,
et articulés, appelés paroles, et l'intérêt qu'il prend au système de langage pour lui-même.
Si le don-type est justement le don de la parole, c'est que là le don est égal en son principe.

Dès l'origine l'enfant se nourrit autant de paroles que de pain (C'est l'Evangile qui dit que
"..l'homme ne périt pas seulement par ce qui entre dans sa bouche, mais aussi par ce qui en sort..")
Le terme de régression s'applique à ce qui se passe quand l'objet réel, et du même coup
l'activité déployée pour le saisir vient se substituer à l'exigence symbolique.
L'enfant écrasant sa déception dans l'assouvissement -au contact du sein ou d'un autre objet-
entre dans le mécanisme qui fait de la frustration une porte ouverte à la régression.

Nous n'allons pas simplement remarquer que l'entrée dans l'imaginaire par la relation spéculaire
ayant fait ouverture au signifiant, tout va tout seul : relations au corps propre, appartenances du corps
se contentant d'entrer en jeu, et d'être transformées par cet avènement dans le signifiant. Ou être
surpris que les excréments soient pendant un temps l'objet électif du don,
puisque c'est dans ce matériel qui s'offre à lui, venant de son propre corps, 
que l'enfant trouve l'élément réel qui va nourrir le symbolique
(ndmm : il n'y a qu'à voir tous les termes et expressions autour de la rétention, du lâchage etc)
permettant de ce fait que la rétention puisse devenir refus. Bref, nous n'allons pas
nous étonner de la richesse et du raffinement des phénomènes au niveau du symbolisme anal
découverts par l'expérience analytique.

Par contre nous allons faire un jump qui va nous permettre de voir comment, 
dans la dialectique de la frustration, s'introduit le phallusLà encore attention à la genèse
naturelle déduisant de la constitution des organes génitaux le rôle prévalent du phallus dans le
symbolisme génital => mêmes contorsions que Jones essayant de commenter la phase phallique
affirmée par Freud et le fait que le phallus -qu'elle n'a pas-a tant d'importance pour la femme.
Car la question n'est pas là, la question est qu'il s'agit d'un fait : c'est dans tous les phénomènes
qui s'offrent à nous, et dans toute la dialectique imaginaire, que nous découvrons la prévalence,
du phallus et qu'elle préside à toutes les aventures, tous les avatars du développement génital.
Beaucoup s'exténuent à faire valoir que l'enfant féminin a ses sensations propres, que
son expérience est distincte de celle du garçon. Cela va de soi. Mais ce n'est pas la question :
La fille a plus de mal que le garçon a faire entrer la réalité de ce qui se passe, coté utérus ou vagin,
dans la dialectique du désir parce que imaginairement elle doit passer par quelque chose, vis à vis
de quoi elle a un rapport différent de l'homme, et dont elle manque : le phallus.
C'est le versant non physiologique de la question, pour le comprendre partons de l'existence d'un
phallus imaginaire.
Toutes une série de faits dont il est le pivot pousse à poser ce postulat, et à étudier de labyrinthe
où le sujet peut se perdre, où même il peut être dévoré.
Le fil pour en sortir est de considérer que la mère manque de phallus : de ce fait elle le désire,
et elle peut être satisfaite si quelque chose le lui donne. Partons de cela, qui est quand même
littéralement stupéfiant : le manque comme désir majeur ! Mais la 1ère vertu de la connaissance
est d'être capable d'affronter ce qui ne va pas de soi. De plus nous, qui admettons que le manque
est la caractéristique de l'ordre symbolique, nous sommes un peu préparés à l'admettre.
En d'autres termes,
c'est parce que le phallus imaginaire a un rôle signifiant majeur 
que la situation se présente ainsi. Le signifiant, ce n'est pas chaque sujet qui l'invente,
au gré de son sexe, ou ses dispositions, ou sa folâtrerie à la naissance.
Le signifiant existe. 
Ainsi que le rôle du phallus comme signifiant sous-jacent, que l'analyse a découvert.

Lacan à ce moment évoque les Structures élémentaires de la parenté où Levy-Strauss pose qu'il y a échange
des femmes à travers les lignées et entre les générations : un homme prend une femme à une autre lignée, il doit
une femme à la génération suivante ou à une autre lignée ..  Dans les mariages préférentiels entre cousins croisés
les choses circulent très régulièrement dans un cercle qui ne se referme ni ne se brise. Mais avec les cousins
parallèles au bout d'un certain temps l'échange tend à converger, et il y a des brisures. Lacan lui demande
si on pourrait renverser les choses, et dire que ce sont les lignées féminines qui produisent et s'échangent 
des hommes ? Car ce manque chez la femme, dont nous parlons, le phallus, qui n'est pas un manque réel
 (car elles peuvent en avoir, et même les produire car elles font des garçons, des phallophores).
Et imaginer un matriarcat dont la loi serait  j'ai donné un garçon je veux recevoir l'homme ?
Réponse de Levy-Strauss : du point de vue formel on peut décrire un système fondé sur les femmes mais cela
 rendrait un tas de choses inexplicables. En particulier le fait que dans tous les cas, y compris dans les sociétés
matriarcales, le pouvoir est androcentrique, représenté par des hommes et des lignées masculines.
Des anomalies très bizarres dans les échanges (modifications, exceptions, paradoxes) qui apparaissent 
dans les lois de l'échange au niveau des structures de la parenté, ne s'expliquent que par la référence à 
quelque chose qui est hors-jeu de la parenté, qui tient au contexte politique, à l'ordre du pouvoir,
et très précisément à l'ordre du signifiant, où sceptre et phallus se confondent.

Pour des raisons inscrites dans l'ordre symbolique qui transcende le développement individuel,
avoir, ou non, le phallus imaginaire, et symbolisé, s'explique au niveau de l'œdipe,
et donne son importance au complexe de castration.
 De là viennent les fameux fantasmes de la mère phallique sortis sur l'horizon analytique.
Nous verrons comment
la dialectique du phallus s'articule, s'achève, puis se résout, au niveau de l'œdipe.

Mais avant je vais vous montrer que je peux moi aussi parler des étages préœdipiens.
Sauf que mon fil conducteur est le rôle fondamental de la relation symbolique.
Elle seule explique le rôle du phallus dans sa fonction imaginaire (et dans la prétendue exigence
de la mère phallique) car elle permet de poser la notion essentielle de manque d'objet.

Dans un article admirable sur le complexe de castration chez les femmes, K Abraham évoque
une petite fille de 2 ans qui, après le déjeuner, va dans l'armoire à cigares :
le premier cigare pour papa, le second pour maman et .. elle coince le troisième entre ses jambes.
Maman ramasse la panoplie et remet tout dans la boite, mais la petite fille retourne et recommence.
Abraham indique seulement que son geste manifeste que cet objet symbolique lui manque.
Mais il faut y voir aussi d'autres choses : c'est aussi à ce titre qu'elle le donne d'abord à papa,
à qui il ne manque pas, marquant par là ce en quoi elle peut le désirer à ce moment-là.
Et aussi, ce que l'expérience le prouve, qu'elle veut satisfaire à qui il manque : 
il s'agit surtout de le donner à sa mère, ou un équivalent, comme si elle était un petit garçon.

Ainsi on peut dire : rien n'est concevable de la phénoménologie des perversions si on ne part
pas de l'idée qu'il s'agit du phallus. (c'est plus simple que les identifications/réidentifications,
labyrinthe où on se perd) et de comment l'enfant réalise que sa mère "toute-puissante"
manque fondamentalement de quelque chose. 
Dés lors à cette étape sa question c'est : comment lui donner cet objet dont elle manque ?
Et ... dont il manque toujours lui-même, sachant que le phallus du petit garçon
n'est pas beaucoup plus vaillant que celui de la petite fille, ce que les bons auteurs ont bien vu.
Ce caractère "déficient" du phallus du petit garçon, voire la honte ou l'insuffisance profonde
où il peut se sentir, a été pointé, non pour établir des différences, mais les éclairer l'un par l'autre.
Nous savons tous l'importance de cette découverte du petit garçon sur lui-même, et pouvons ainsi
comprendre la valeur de ses tentatives de séduction vis à vis de la mère, dont on parle toujours.
Elles sont profondément marquées du conflit narcissique, des premières blessures narcissiques,
elles-même préludes des effets ultérieurs de la castration symbolique.
Et plutôt que parler de simple pulsion ou agression sexuelle, il s'agit du fait que le garçon
veut se faire croire un mâle ou un porteur de phallus, alors qu'il ne l'est encore qu'à moitié.

Ainsi, dans toute la période pré-œdipienne où s'originent les perversions, il s'agit d'un "jeu",
un "jeu de furet" (de bonneteau, de pair/impair ..) où le phallus est fondamental :
d'une part en tant que signifiant,  et d'autre part dans cet imaginaire de la mère qu'il s'agit,
pour l'enfant, de rejoindre, car le moi de l'enfant repose sur la "toute-puissance" de la mère.
Ce phallus, il s'agit de voir où il est et où il n'est pas.
Et de fait : jamais vraiment là où il est, jamais tout à fait absent là où il n'est pas.
C'est là-dessus qu'il faut se fonder pour la classification des perversions futures.
Quelles que soient l'importance des apports sur les identifications (à la mère, à l'objet, etc..)
l'essentiel c'est le rapport au phallus.
Prenons le cas du transvestisme qui n'est pas simplement une homosexualité plus ou moins transposée,
ou une affaire de fétichisme avec sa particularité, mais c'est une affaire où le sujet met en cause son phallus.
 Fénichel le montre : sous les habits féminins c'est une femme car le sujet s'identifie à une femme, mais une femme
qui a un phallus, cachéLe rôle du phallus est de toujours participer à ce qui le voile (importance des habits,
du voile, car par eux l'objet se "matérialise". 
L'objet réel est là mais on peut penser qu'il peut ne pas y être, ou qu'il est là précisément où il n'est pas.
ou prenons le cas de l'homosexualité masculine, il s'agit encore du phallus, mais dans ce cas de celui du sujet,
 qui va le chercher chez un autre. (ndmm, voir sém.Valas). Toutes les "perversions" jouent par certain côté
avec cet objet signifiant en tant que signifiantqu'on ne peut pas prendre pour sa valeur faciale.
Quand on met la main dessus, qu'on le trouve, qu'on s'y fixe définitivement, comme dans le fétichisme,
cette perversion des perversions (car elle montre où il est, et ce qu'il est) l'objet est "rien" :
vieil habit usé, défroque, petit soulier usé .. quand il apparaît, qu'il se dévoile réellement, c'est le fétiche.

L'étape cruciale se situe juste avant l'œdipe,
entre la relation 1 ère -d'où je suis parti aujourd'hui- de la frustration primitive, et l'œdipe.
C'est l'étape où l'enfant s'engage dans la dialectique intersubjective du leurre. Pour satisfaire
ce qui ne peut pas être satisfait, le désir de sa mère étant fondamentalement inassouvissable,
l'enfant va se faire lui-même objet trompeur pour tromper ce désir inassouvissable.
C'est en montrant à sa mère .. ce qu'il n'est pas que se construit tout un cheminement
autour duquel son moi prend sa stabilité.

Toutes ces étapes caractéristiques, comme Freud l'a montré dans son article sur le splitting,
sont marquées de l'ambiguïté foncière du sujet et de l'objet. C'est en se faisant objet,
objet pour tromper que l'enfant s'engage avec l'autre dans la relation intersubjective constituée. 
Car (au contraire du leurre immédiat du monde animal où celui paré des couleurs se "produit"*)
 le sujet enfant, lui, suppose qu'il y a un désir -au second degré- dans l'autre, qui est à satisfaire,
et ce désir ne pouvant être satisfait, on ne peut que le tromper.
[*l'exhibitionnisme humain n'est pas celui du rouge-gorge. L'exhibitionniste humain (adulte) à un moment donné
ouvre/referme un pantalon : sans pantalon, il manque une dimension à l'exhibitionnisme.]

























mercredi 12 octobre 2011

Séminaire IV, leçon 10 : L'identification au phallus.

 Séminaire IV sur LA RELATION D OBJET ET LES STRUCTURES FREUDIENNES


     1 ère partie :   THEORIE DU MANQUE D OBJET
        1. introduction
        2. les trois formes du manque d'objet
        3. le signifiant et le saint-esprit
        4. la dialectique de la frustration
        5. de l'analyse comme bundling et ses conséquences.
     2 ème partie : LES VOIES PERVERSES DU DESIR
        6. Le primat du phallus et La jeune homosexuelle
        7. "On bat un enfant" et La jeune homosexuelle.
        8. Dora et la jeune homosexuelle.             
     3 ème partie :  L'OBJET FETICHE
         9. La fonction du voile.
                                   10. L'identification au phallus.    

                                                                               
                                                                                   Hermès attachant sa sandale.
                                                                 http://www.louvre.fr/routes/la-sculpture-grecque



J'ai fait la dernière fois un pas vers l'élucidation du fétichisme, cet exemple fondamental de la
dynamique du désir, qui nous intéresse au plus haut point car 1) nous avons affaire à lui dans notre
pratique, non comme désir construit, mais un désir avec tous ses paradoxes, de même que nous avons
affaire à un objet dans tous ses paradoxes. Et 2) la pensée freudienne est partie de ces paradoxes,
et en particulier du désir pervers. Il ne faut pas oublier cela dans nos tentatives de réduction,
face aux théories les plus naïvement intuitives de la psychanalyse d'aujourd'hui.

Ce petit pas a surpris ceux qui se satisfaisaient de la théorie de l'amour comme étant fondé sur le fait
que le sujet s'adresse au manque qui est dans l'objet. Cela leur semblait suffisamment éclairant,
malgré leur trouble d'apercevoir que de l'au-delà et du manque s'ajoutent au rapport sujet-objet.
Ajouter que quelque chose, encore, est situé avant l'objet : le voile, ce rideau où se fait
la projection imaginaire, est une complication supplémentaire.
Sachez qu'il sert à faire apparaître ce qui devient une figuration du manque : le fétiche, 
comme support du désir qui prend là son nom, dans ce cas le désir en tant que pervers
et le fait que le fétiche vient figurer sur le voile ce qui manque au-delà de l'objet.
Cette schématisation va instaurer des plans successifs => mieux vous y retrouver avec l'ambivalence
et confusion perpétuelles, où le oui équivaut au non, le dirigé dans un sens = dirigé en sens contraire,
bref, tout ce que, malheureusement, les analystes qualifient habituellement d'ambivalence.

A la fin de ce que j'ai dit la dernière fois sur le fétichisme, j'ai montré l'apparition d'une position
"complémentaire" qui apparaît dans les phases de la structure fétichiste, voire dans les tentatives
du fétichiste pour rejoindre cet objet dont il est séparé par quelque chose dont lui-même ne comprend
ni la fonction ni le mécanisme. Cette position qu'on peut dire symétrique, correspondante,
pôle opposé par rapport au fétichismec'est la fonction du transvestisme. Dans le transvestisme
le sujet s'identifie à ce qui est derrière le voile, à l'objet auquel il manque quelque chose.
Les auteurs l'ont bien vu à l'analyse, qui disent, dans leur langage, que le transvestiste s'identifie à
"la mère phallique" ** , en tant que, d'autre part, elle voile le manque du phallus.
Et le transvestisme nous fait aller plus loin.
On n'a pas attendu Freud pour aborder la psychologie du vêtement et voir, dans son usage, quelque
chose d'une fonction transvestiste. L'appréhension immédiate et courante de la fonction du vêtement
est de cacher les pudenda. La question est plus complexe aux yeux de l'analyste, et les auteurs
qui parlent de mère phallique feraient bien de s'apercevoir de ce qu'il disent.
Les vêtements ne sont pas faits seulement pour cacher ce qu'on en a, au sens de en avoir ou pas
mais précisément aussi ce qu'on n'en a pas. Les deux fonctions sont essentielles.Ce dont il s'agit
essentiellement et toujours, ce n'est pas de cacher l'objet, mais aussi de cacher le manque d'objet.
Inversement, dans l'usage massif qui est fait de la relation scoptophilique,
on considère que se montrer est tout simple, et serait corrélatif du voir, du voyeurisme.
Mais là aussi une dimension est volontiers oubliée :
Il n'est pas vrai 
que le sujet simplement "se montre" dans un pôle toujours corrélatif à l'activité "voir",
comme s'il s'agissait simplement de l'implication dans un couple de capture visuelle. Il y a 
dans la scoptophilie une implication supplémentaire, exprimée dans la forme réfléchie du
verbe (qui dans d'autres langues s'appelle la voix moyenne) :  se donner à voir. 
Avec les 2 dimensions combinées, confondues sous le titre "voyeurisme-exhibitionnisme", 
ou noyées dans ce qu'on appelle massivement "la relation scoptophilique", on ne voit pas que
ce que le sujet donne à voir -en se montrant- est autre chose que ce qu'il montre


O. Fénichel, très mauvais théoricien sous une apparente clarté, mais pas sans expérience analytique,
s'en est bien aperçu : sous l'échec désespérant de son effort de théorisation il y a des perles cliniques
et le pressentiment de faits que (grâce un espèce de flair pris de l'expérience) il groupe autour d'un
thème de l'articulation analytique à partir d'un rameau de relations imaginaires fondamentales
Autour de la scoptophilie et du transvestisme, par exemple, il groupe
 ce qui présente une parenté malgré des différences phénoménologiques. Dans une vaste et fade
littérature j'ai cherché jusqu'où les analystes ont pénétré pour articuler cela. Pour Fénichel (1949) 
l'équation girl=phallus  n'est pas sans rapport avec l'équation féces=enfant=pénis. 
C'est à dire que l'enfant peut égaler, dans l'inconscient du sujet, spécialement féminin, le phallus, 
que l'enfant est donné à la mère comme substitut, ou même équivalent, du phallus. son article vise
spécifiquement la fille : il part de traits connus dans le fétichisme, ou qui s'en approchent, ou de
certaines perversions qui marquent la fille, à interpréter comme l'équivalence du phallus du sujet. 
Des données analytiques indiquent que la fille, et l'enfant en général, peut se concevoir soi-même
en équivalent du phallus, le manifester par son comportement, et vivre la relation sexuelle
sur un mode qui comporte qu'elle-même apporte au partenaire masculin son phallus, cela se voit alors
dans la position amoureuse privilégiée : se pelotonner en un certain coin du corps de son partenaire.
Ce sont des faits frappants,
comme ces cas où le sujet masculin se donne à la femme comme étant ce qui lui manque, ou comme
lui apportant le phallus au titre de ce qui lui manque, imaginairement parlant. Fénichel rapproche
ainsi des faits qui en eux-mêmes ne sont pas du tout dans le même rapport à l'objet, objet qui
soit apporte, soit donne, soit désire, soit même se substitue. Mais le regroupement de ces faits va
au-delà de la simple exégèse théorique : que la petite fille par ex. puisse être un objet d'attachement
prévalent pour un certain type de sujets montre qu'une fonction, disons mythique, se dégage là,
concernant aussi bien des mirages pervers que de tout une série de constructions littéraires.

Certains parlent de type mignon en référence à Mignon la bohémienne de Goethe, à qui il prête 
une position bisexuée car elle vit avec un protecteur brutal, énorme, manifestement super-paternel,
qui lui sert de serviteur supérieur, et qui a lui-même besoin d'elle ("Harfner, elle en a le plus grand
 besoin, Mignon, sans laquelle lui ne peut rien faire). Sont ainsi couplés la puissance incarnée, 
puissance à l'état massif, brutal, et ce sans quoi cette puissance est sans efficacité.
Le secret de cette puissance même est ce quelque chose qui n'est rien qu'un manque.

On peut évoquer cette fameuse magie que la théorie analytique attribue, de façon toujours confuse,
à l'idée de toute puissance.
La structure de cette omnipotence n'est pas dans un sujet, cette structure est dans "lamère"
en tant qu'Autre primitif (NDMM : et pas en tant que personne), ce qui est tout-puissant
c'est l'Autre derrière quoi il y a le manque dernier, manque auquel est suspendue la puissance.

Vient un moment où le sujet aperçoit, dans l'objet dont il attend la toute-puissance, ce manque qui
le fait lui-même impuissant. Il reporte alors le dernier ressort de la toute-puissance encore au-delà,
là où quelque chose n'existe pas au maximum, là où, dans l'objet, est symbolisé le manque, 
là où il n'y a rien, que symbolisme du manque, fragilité et petitesse. 
Le sujet alors accentue encore le vrai ressort de la toute-puissance, et nous avons ce très intéressant
type Mignon, reproduit dans la littérature en un très grand nombre d'exemplaires.

Le diable amoureux de Cazotte  est un témoignage exemplaire de la profonde divination de
la dynamique imaginaire que j'essaye de vous développer, l'illustration majeure de ce que signifie
cet être magique au-delà de l'objet auquel s'attachent les fantasmes idéalisants. Le conte
commence dans une caverne ... le diable y apparaît ... sous la forme d'une tête de chameau pourvue
de grandes oreilles et qui dit à l'auteur, d'une voix caverneuse, "Que veux-tu ?" Che vuoi ? 
D'une part cette interrogation, fondamentale, illustre de façon saisissante la fonction du surmoi.
D'autre part et surtout, on voit comment c'est un même être qui est supposé se transformer
après le pacte. Un petit chien devient un ravissant jeune homme, puis une ravissante jeune fille,
qui ne ne cessent de s'entremêler dans une parfaite ambiguïté. Personnage aimé au nom significatif,
"Biondetta", qui devient la source de toutes les félicités,qui accomplit tous les désirs et procure la
satisfaction magique de tout ce qui est souhaité. Le tout baigne dans une atmosphère de fantasme et
d'irréalité, teintés de danger et de menace permanente. La situation se résout par la soudaine rupture
de cette course toujours plus folle, et la disparition catastrophique du mirage au moment où,
comme il convient, le sujet retourne au château de sa mère.
Fragoletta de Latouche est aussi un curieux personnage, nettement transvestiste : une jeune fille, qui
 est un garçon, joue un rôle analogue à celui du Mignon de G. L'affaire finit en duel, et le héros tue
Fragoletta qui s'est présentée à lui comme garçon, et qu'il n'a pas reconnue. On voit l'équivalence
d'un certain objet féminin de la Verliebtheit (état amoureux) avec l'autre en tant que rival.
(ce même autre dont il s'agit quand Hamlet tue le frère d'Ophélie). Ces romans mettent en scène
un personnage fétiché, ou fée. C'est le mot portugais factiso qui a donné le mot  fétiche, qui n'est
rien d'autre que le mot factice. Dans ces romans il est question d'un être féminin ambigu qui 
en quelque sorte incarne, au-delà de la mère, le quelque chose qui lui manque, le phallus.

Il l'incarne parce que ne le possèdant pas, il est -son être- tout entier dans la représentation, Vorstellung. Cette fonction éclaire la relation énamorante qui s'établit dans les voies perverses 
du désir, qui sont exemplaires des positions à distinguer, quand nous analysons ce désir.

Nous voilà conduits à ce qui est là sous-jacent, la notion d'identification.

Latente, émergente, puis redisparaissant, elle est présente dans l'oeuvre de Freud dès l'origine : son
 implication dans La science des rêves, son explication majeure dans le chapitre 7 de Psychologie 
des masses et analyse du moi, nous montrent, comme très souvent chez Freud, et c'est la valeur
de son oeuvre, sa plus grande perplexité : il avoue son embarras, voire son impuissance à sortir du
dilemme de l'ambiguité perpétuelle entre deux termesidentification et choix de l'objet, qui
apparaissent dans nombre de cas comme se substituant l'un à l'autre avec si déconcertant pouvoir de
métamorphose que la transition n'est pas saisie. Il faut pourtant maintenir la distinction, car comme
 le dit Freud, être du coté de l'objet ou être du coté du sujet c'est différent. Pour un objet
devenir objet de choix, ce n'est pas pareil que devenir support de l'identification du sujet.
C'est un fait formidablement instructif en soi. 
Et la facilité avec laquelle on s'en accommode, usant d'un ou l'autre terme comme équivalents sans
observation ni théorisation ! Ou alors cela donne (Gustav Graber, Imago 1937) cette chose étourdissante
 "Deux espèces de mécanismes d'identification" où tout se résout par la distinction identification passive/
/active, alors que les 2 pôles sont présents dans toute espèce d'identification, dont il s'aperçoit in fine.

Il vaut mieux revenir à Freud et reprendre la façon dont lui articule la question. Le chapitre 7 de
Psychologie collective et analyse du moi débute par 1 phrase qui met tout de suite dans qq chose
de bien plus pur que ce qu'on lit d'habitude : L'usage linguistique reste, même dans ses caprices,
toujours fidèle à une Wirklichkeitréalité efficace quelconque. Dans le chapitre précédent 
Freud évoque l'identification au père, exemple de ce qui nous fait comprendre ce phénomène. 

C'est aussi un exemple des mauvaises traductions françaises. Exemples : en allemand  
En même temps que cette identification avec le père, peut-être même un peu plus tôt, le petit
  garçon commence à diriger vers sa mère ses désirs libidinaux"  en Français cela donne
un peu plus tard => se pose la question : l'identification au père est-elle préalable ? 
Autre exemple sur le rapport entre état amoureux et identification qui laisse Freud perplexe. Pour lui
l'identification est 1 fonction primitive fondamentale car elle comporte un choix de l'objet,
ce choix étant profondément lié au narcissisme, l'objet est une sorte d'autre moi dans le sujet
Freud se demande alors comment articuler la différence entre identification et Verliebtheit 
dans leur sens de fascination, inféodation,Hörigkeit, .. 
Cela donne en français  : ds le 1er cas le moi s'enrichit des qualités de l'objet, s'assimile à l'objet ..
dans le second cas il s'appauvrit, s'étant donné tout entier à l'objet, effacé devant lui .
alors qu'il s'agit (voir Ferenczi) d' introjection et des rapports entre introjection et identification.
Ensuite la phrase objet qu'il a posé à la place de son élément le plus constituant, est gommée,
alors que Freud y analysait l'opposition entre ce que le sujet introjecte, qui l'enrichit,
 et ce qui lui prend quelque chose de lui-même, et l'appauvrit). 
Il fait un parallèle avec ce qui se passe dans l'état amoureux, quand un sujet se dépossède peu à peu
de ce qui est de lui-même au bénéfice de l'objet aimé, qu'il se met humblement dans une complète
sujétion par rapport à l'objet de son investissement. Et c'est cet objet, pour lequel il s'appauvrit
qu'il met à la place de son élément constituant le plus important, (Bestandteil). 
Et Freud poursuit dans ce sens sans ménager ses mouvements (il s'avance, voit que c'est incomplet,
 revient en arrière) sur le fait que cette description fait apparaître des oppositions qui, au point de vue
économique, n'existent pas (nicht bestehen) "Au point de vue économique, il ne s'agit ni
 d'enrichissement, ni d'appauvrissement, car même l'état amoureux extrême peut-être conçu
comme une introduction de l'objet dans le moi. 
La distinction suivante porterait peut-être alors sur des points plus essentiels. En français Dans le cas d'identification l'objet se volatilise et disparaît pour reparaître dans le moi, qui subit une 
transformation partielle, d'après le modèle de l'objet disparu. Dans l'autre cas l'objet substitué 
est doté de toutes les qualités par le moi et à ses dépens. Pourquoi l'objet disparaîtrait-il pour 
reparaître dans le moi après transformation partielle d'après le modèle de l'objet disparu ? 
Texte allemand : Peut-être qu'une distinction autre serait l'essentiel. Dans le cas de
l'identification, l'objet a été perdu (référence à la notion fondamentale partout présente chez
Freud : la formation de l'objet, repose sur la notion fondamentale de perte de l'objet) ou abandonné.
(Il ne s'agit donc pas d'objet qui se volatilise ou disparaît, car justement il ne disparaît pas) 
Il est alors de nouveau ré-érigé dans le moi, et le moi se transforme partiellement d'après le
modèle de l'objet perdu. Dans l'autre cas (Verliebtheit) l'objet est conservé (erhalten geblieben)
  et surinvesti (überbesetzt), de la part et aux dépens du moi. Mais cette distinction soulève alors
une nouvelle réflexion : est-il bien sûr que identification suppose abandon de l'investissement
de l'objet ? Avant d'entrer dans cette discussion, arrêtons-nous à la considération que nous présentons, qu'il y a une autre alternative, dans laquelle peut se concevoir l'essence de cet état
 de choses, et qui est que l'objet soit placé à la place du Ich (moi) ou du Ich-ideal (idéal du moi).

La démarche de Freud laisse embarrassé, et ce qui en résulte : la place de l'objet dans ces différents
moments d'aller et de retour, selon qu'il est objet d'identification ou objet de la capture amoureuse, reste ambigüe. Mais ce que j'ai voulu montrer c'est que l'interrogation est posée, et que même
s'il ne s'agit pas d'un texte testamentaire de Freud, c'est un sommet d'élaboration théorique.

Essayons de reprendre le problème 
à partir des rapports de la frustration avec la constitution de l'objet.

D'abord pensez au lien communément établi entre identification et introjection (voir plus haut).
En faisant de la métaphore sous-jacente à l'introjection une métaphore orale, on ne distingue
pas l'introjection de l'incorporation. Cela vient des articulations kleinienne avec ses fameux objets
primordiaux constitués en bons et mauvais, et leur introjection dans un monde primitif, sans limite,
d'un englobement du sujet dans le corps maternel. L'introjection alors fonctionnerait symétriquement
à la projection, avec l'objet dans une espèce de mouvement perpétuel, passant du dehors vers le
dedans, puis repoussé au dehors quand il est devenu intolérable à l'intérieur. 
C'est un abus, et c'est loin d'être freudien.

Par exemple observer, dans la cure d'un fétichiste, des impulsions boulimiques manifestes, corrélatives
d'un tournant dans la symbolisation de l'objet. Qu'est-ce que cette corrélation, à ce moment précis,
avec la pulsion orale ? Impossible de conceptualiser quoi que ce soit d'ordonné (dans nos pensées, 
dans la pratique, dans la clinique) si nous nous contentons de la vague notion à disposition dans 
ces cas-là qui est que "le sujet régresse". Déjà, il est là pour ça. Et si au moment même où le sujet est 
en train de progresser dans l'analyse, c'est à dire d'essayer de prendre la perspective de son fétiche 
"il régresse", vous pouvez toujours le dire, personne ne viendra vous contredire.
Je dis au contraire que chaque fois que
la pulsion apparaît dans l'analyse ou ailleurs, elle doit être conçue dans sa fonction économique,
par rapport au déroulement d'une relation symbolique définie. Pensez à mon schéma primitif de 
la structure symbolique de l'amour : la mère objet d'appel, objet autant présent qu'absent.
D'une part il y a ses dons, signes d'amour.
D'autre part les objets du besoin présentés à l'enfant sous la forme de son sein et ce qu'il contient. 
Les signes d'amour en tant que signes s'annulent s'ils deviennent autre chose que des signes d'amour,
parce qu'il y a équilibre entre les deux, il y a compensation :  chaque fois
qu'il y a frustration d'amour la frustration peut être compensée par le nourrissage, 
qui est satisfaction du besoin. 
C'est parce que la mère manque à l'enfant qu'il l'appelle, qu'il s'accroche à son sein,
et que le sein devient plus significatif que tout.
Car tant qu'il tient le sein il la tient, elle. Tant qu'il l'a dans la bouche il ne peut pas en être séparé.
En plus cela le laisse nourri, reposé et satisfait. C'est ainsi que la satisfaction du besoin est pour
une part compensation de la frustration d'amour, et peut presque devenir une sorte d'alibi.

L'objet (le sein, ou la tétine etc..) prend une nouvelle valeur :  objet réel toujours, 
mais qui, parce qu'il est partie prenante de l'objet d'amour, prend signification symbolique.
Il devient cet objet réel qui fait partie de l'ordre symbolique.
La pulsion alors s'adresse à l'objet réel (sein) en tant que partie de l'objet symbolique.

C'est à partir de là 
qu'on peut comprendre cette histoire d'absorption orale avec son mécanisme soi-disant régressif,
qui peut intervenir dans toute relation amoureuse : 
si un objet réel, qui satisfait un besoin réel, peut devenir un élément de l'objet symbolique.
tout objet pouvant satisfaire un besoin réel peut venir se mettre à sa place.
Et au premier rang cet objet parfaitement matérialisé et déjà symbolisé : la parole.
Si la régression orale à l'objet primitif de dévoration, la réaction d'incorporation, 
vient compenser la frustration d'amour, elle est le moule d'une autre sorte d'incorporation :
l'incorporation de certaines paroles, qui est à l'origine de la formation précoce du surmoi
Ce que, sous le nom de surmoi, le sujet incorpore, est quelque chose d'analogue à l'objet de besoin.
Non pas en tant que don, mais en tant que substitut au défaut du don, ce n'est pas du tout pareil.
[[NDMM : ma grand-mère m'a raconté que dans mon berceau, et réclamant ma mère -son lait,
son amour- mon père mettait sa main au-dessus du berceau, cela me calmait aussitôt. Les omissions
déformations de récit -quelqu'un raconte à quelqu'un qui raconte à quelqu'un- ne disent pas si c'était
la crainte, curiosité, ou le plaisir, qui me "calmait", ni pour combien de temps .. ni si en même temps
il disait chuuuuuut car ma mère se reposait -j'avais 9 mois quand mon frère est né-  Mais on pourrait
comprendre cela comme un acte (geste, plutôt qu'acte de parole) qui viendrait là non pas comme don,
mais comme substitut au défaut du donEt si on admet aussi que c'est ce que j'en aurais fait ...]]

A partir de là aussi le fait de posséder/ne pas posséder un pénis peut prendre double sens, 
entrer par 2 voies différentes dans l'économie imaginaire du sujet.
1. soit que le pénis à un certain moment situe son objet dans la lignée ou à la place de l'objet-sein (forme
d'incorporation orale du pénis qui a un rôle dans le déterminisme de certains symptômes et fonctions)
Dans ce cas le pénis est une fonction imaginaire car c'est imaginairement qu'il est incorporé.
2. soit qu'il entre dans l'économie imaginaire non pas en tant qu'objet compensatoire de la frustration
d'amour, mais en tant qu'il est au-delà de l'objet d'amour (la mère), qu'il manque à celle-ci. Dans ce
cas il s'agit du phallus qui manque à la mère, qui est au-delà d'elle et de sa puissance d'amour.

C'est à propos du phallus en tant qu'il manque, que depuis le début du séminaire je pose 1 question :
1.quand, comment, le sujet fait-il la découverte de ce manque ?  
2.à partir de cette découverte il se trouvera engagé à venir lui-même s'y substituer, c'est à dire choisir, 
pour retrouver l'objet d'amour qui se dérobe, de lui apporter lui-même son propre manque.

Cette distinction capitale permet d'esquisser ce qui est + ou - exigible pour que ce temps se produise.
D'une part la structuration symbolique,
d'autre part l'introjection, qui caractérise l'identification freudienne primitive. 
C'est dans un second temps que se produit la Verliebtheit, concevable uniquement 
dans le registre de la relation narcissique, relation spéculaire telle que je l'ai définie.
Elle se situe à partir du 6 ème mois : alors entre en jeu la relation à l'image de l'autre, qui devient
 ce autour de quoi s'organise, pour le sujet, son incomplétude vécue, le sentiment d'être en défaut
Car c'est par rapport à cette image qu'il voit comme totale, comblante, source de jubilation (c'est la
relation spécifique de l'homme à sa propre image) il réalise qu'il peut, à lui aussi, manquer qq chose.
L'imaginaire est entré en jeu. 
Dés lors, sur la base des deux premières relations symboliques entre l'objet et la mère de l'enfant, 
peut lui apparaître que : à la mère, ou à lui,  il peut imaginairement manquer quelque chose. 
Ainsi, dans la relation spéculaire, le sujet a l'appréhension et l'expérience qu'un manque est possible.
C'est donc au-delà de la réalisation narcissique, 
quand s'organise l'allée-venue du sujet à l'autre, allée-venue tensionnelle, profondément agressive, 
(autour de quoi vont se noyauter les couches successives de ce qui constituera le moi)
 que s'introduit, au-delà de ce que lui-même est comme objet d'amour pour la mère, cette idée que
l'objet d'amour -la mère- est pris, captivé, retenu dans quelque chose que lui-même, en tant qu'objet,
n'arrive pas à atteindre : une nostalgie en rapport au propre manque de l'objet d'amour.
Ceci repose sur l'effet de transmission qui ns fait admettre (c'est aussi imposé par l'expérience,
 et Freud y a adhéré jusqu'à la fin) que : aucune satisfaction par aucun objet réel quelconque
qui vient s'y substituer, ne parvient jamais à combler le manque aperçu dans la mère.

Chez la mère (NDMM : comme chez tout sujet) il reste, comme point d'attache de son entrée
dans l'imaginaire, le manque de phallus. (NDMM cela existe donc à coté de la relation à l'enfant.

C'est après le second temps de l'identification imaginaire spéculaire à l'image du corps 
(qui est à l'origine du "moi"), que tout sujet peut réaliser ce qui manque à la mère.
En effet, l'expérience spéculaire de l'autre comme totalité est une condition préalable. Cest
par rapport à cette image de l'autre comme totalité que le sujet réalise qu'il peut à lui aussi
manquer quelque chose. C'est ainsi qu'il aborde le manque qui existe au-delà de l'objet d'amour.
 Il est amené à désirer (NDMM : + ou - intensément, + ou - longtemps) que ce manque soit comblé,
en se substituant à ce manque, en se proposant lui-même comme l'objet qui comble.

Je vous ai amenés à une forme que vous devez la garder à l'esprit pour la prochaine leçon.
On voit se dessiner les fonctions qui vont se différencier dans le sujet achevé :
surmoi,  idéal du moi,  moi.
Pour cela tâchons de savoir (voir l'art.de Freud) ce que c'est que cet objet qui dans la Verliebtheit 
vient à la place du moi ou de l'idéal du moi.
Evoquant le narcissisme, j'ai insisté sur le fait que la formation du moi est une formation idéale
puisque c'est à partir de l'idéal du moi que le moi se détache. Ouvrez Freud, ses obscurités
fécondes, et vous trouverez ces schémas, où il place les mois des différents sujets.

            Idéal du moi              moi                       objet           objet extérieur

                                                                                GRAPHISCHE DARSTELLUNG de Freud.
                                                    http://www.textlog.de/freud-psychoanalyse-verliebtheit-hypnose.html


Pourquoi les sujets communient-t-ils dans un même idéal ?

Freud explique qu'il y a identification de l'idéal du moi avec des objets supposés être le même. 
On voit que sur le schéma il relie ces trois objets avec un objet extérieur derrière eux tous.
Voyez-vous la ressemblance avec ce que j'explique ? Le Ich-ideal (en français idéal du moi)
 il ne s'agit pas simplement d'un objet, il s'agit de quelque chose au-delà de l'objet,
et qui vient se refléter, non pas purement et simplement dans le moi 
(qui en ressent  sans doute quelque chose  et peut s'en appauvrir) mais dans quelque chose 
qui est dans ses soubassements mêmesdans ses 1ères formes, ses 1ères exigences,  
pour tout dire, sur le premier voile, où il se projette, sous forme d'un idéal du moi.

La prochaine leçon reprendra en ce point, 
sur le rapport de l'idéal du moi, du fétiche
et de l'objet en tant qu'objet-qui-manque, c'est à dire : le phallus.

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