samedi 1 décembre 2012

La relation d'objet : leçon 11 : Le phallus et la mère inassouvie.

(ndmm, dans les textes, veut dire "note de moi-même")
Jacques-Alain Miller a cru bon de donner ce titre pointant "mère" et "inassouvie"
à cette onzième leçon du séminaire.

Il est vrai que Jacques Lacan utilise le terme "inassouvie" pour caractériser un trait dans la mère.
Mais dans la mesure où ce dont la mère(femme) est manquante c'est du phallus,
qu'en tant que manquante elle sera toujours désirante,
et que être désirant concerne tous les êtres humains : homme, femme, père, mère,
pousser à l'épinglage des mères sous cette marque pourtant spécifiquement humaine
qu'est l'inassouvissement, je trouve cela idiot et mal venu.

L'inassouvissement dont il s'agit est celui qui caractérise l'être humain parlant et désirant,
et comment ce trait général entre en ligne de compte chez la femme devenue mère.
J'ai déjà effleuré ce sujet dans la présentation du séminaire, puisque j'ai choisi de travailler
sur cette édition du Seuil, transcrite par JAM, et que j'objecte à son choix d'inscrire sa transcription
sous la marque de la mère qui serait dévoreuse. Cela demande à être développé,
et comme j'ignore quand j'aurai le courage de faire un vrai travail sur ce thème, en attendant,
je me contente de faire quelques remarques quand l'occasion se présente, et surtout je relève,
dans cette étude approfondie de la parole de Lacan, à quel point ceux et celles, mais surtout ceux,
psychanalystes compris -ne parlons pas des ignorants- qui répandent l'image des mères
qui seraient toujours à deux doigts de vouloir bouffer leur progéniture sont à coté de la plaque.

D'ailleurs on peut s'amuser à comparer la photo choisie par JAM pour illustrer l'édition du Seuil


et celle que j'ai choisie pour illustrer mon étude des textes : qui nourrit, et qui se nourrit.



Bon. Trêve de caricaturisme, revenons à la parole de Lacan telle que je la comprends :

Dans cette leçon Lacan dit qu'il va reprendre les termes dans lesquels
il tente une refonte de la notion de frustration sans cela l'écart continuera d'augmenter entre
des tendances actuelles de la psychanalyse et la doctrine freudienne,
à ses yeux la seule formulation conceptuelle correcte de l'expérience qu'elle a fondée :
Ce que je vais essayer d'articuler, ce qui se dégage de certains termes que nous avons articulés
 sera peut-être un peu plus algébrique, mais cela est préparé par tout ce que nous avons fait jusqu'ici.

J'ai essayé de situer la frustration dans ce petit tableau
entre la castration, d'où est partie la doctrine freudienne, et la privation, diversement référée.

       __________________________________________________________
                            Agent                    Manque                         Objet
                            
                                                         castration                     imaginaire
                                                     (dette symbolique)                 
                        
                                                          frustration                        réel
                                                       (dam imaginaire)

                                                            privation                    symbolique
                                                            (trou réel)


                      ____________________________________________________________


La "tendance actuelle" en psychanalyse met "frustration" au cœur de tout ce qui a des conséquences
analysables dans des symptômes. Mais l'expérience analytique ne l'a pas mise non plus sans raison
au 1er plan des termes qu'elle utilise, et il est nécessaire de la comprendre pour l'utiliser valablement.
Cette prévalence ne modifie pas forcément notre pensée sur les phénomènes névrotiques,
néanmoins elle amène à des impasses, comme je m'efforce de le démontrer, avec succès j'espère.
A mesure que vous pratiquerez davantage la littérature analytique, avec l'œil ouvert surtout,
vous verrez ces impasses toujours plus avérées.

Posons d'abord que la frustration ne concerne pas 
le refus d'un objet de satisfaction au sens de simple satisfaction d'un besoin. On utilise le mot
sans chercher plus loin que : nous connaissons des expériences frustrantes, elles laissent des traces.
Encore faudrait-il expliquer pourquoi le désir qui aurait été ainsi frustré répondrait à cette question
accentuée par Freud dés le début, et dont tout le développement de l'œuvre est justement fait
pour interroger cette énigme du désir refoulé dans l'inconscient, et indestructible.
Cette propriété n'est pas explicable par le seul besoin, comme dans l'économie animale.
La frustration d'un besoin entraîne diverses modifications + ou - supportables par l'organisme, mais
l'expérience montre qu'elle ne maintient pas le désir : soit l'individu succombe, soit le désir
se modifie ou décline etc. Mais il n'y a pas forcément cohérence entre la frustration et
la permanence du désir, et son insistance.
D'ailleurs Freud ne parle pas de "frustration",
il utilise le terme Versagung où il y a la notion de dénonciation au sens de dénonciation de traité,
de retrait d'un engagement. Versagung peut vouloir dire promesse et/ou retrait de promesse.
(mots avec préfixe Ver important en allemand, et aussi dans la théorie analytique)

Quant à la triade frustration-agression-régression qui serait immédiatement compréhensible,
pourquoi pas frustration-dépression-contrition, ou toute autre invention ? Il est plus important
de se poser la question des rapports entre frustration et régression, et de faire une élaboration
de la notion de régression ce qui n'a pas été fait de façon satisfaisante.

La frustration n'est pas le refus d'un objet de satisfaction.
si nous revenons au temps de la relation primitive de l'enfant avec sa mère, la frustration originaire
telle que nous l'entendons est pensable comme le refus du don en tant que symbole d'amour.
C'est dans Freud : le caractère fondamental de la relation d'amour,
avec tout ce qu'elle comporte d'élaboré, non pas au second, mais au troisième degré,
implique qu'en face de soi on n'a pas seulement un objet, mais un être. Bien évidemment que
l'enfant n'a pas fait philo, n'est pas un philosophe de l'amour capable de distinguer amour et désir.
Cela veut dire qu'il baigne déjà dans l'ordre symbolique : sa conduite prouve que
certaines choses qui se passent ne sont concevables que si l'ordre symbolique existe déjà.
Dire que notre science est une science du sujet, et pas de l'individu, cela veut dire que
nous considérons son être-sujet, la part de lui qui n'est pas identifiable à l'individu.
Le sujet/individu peut être détaché de l'ordre qui le concerne comme sujet/sujet,
mais cet ordre existe et lui pré-existe en tant que la loi des relations intersubjectives gouverne
les adultes dont il dépend, et l'implique dans cet ordre même s'il n'en est pas conscient.
Un certain Mallet pense que à partir des phobies primitives et de la peur du noir de l'enfant,
 va surgir l'image du père : tentative désespérée qui nécessite des ficelles grosses comme le bras.
Car terreurs infantiles ou pas, l'ordre de la  paternité existe déjà comme tel.
Ce qui vit l'enfant prendra son sens articulé dans la relation intersubjective père-enfant,
sachant que cette relation est déjà profondément organisée symboliquement,
en tant qu'elle forme le contexte subjectif dans lequel l'enfant développe son expérience.
L'expérience de l'enfant est à chaque instant prise et rétroactivement remaniée
par la relation intersubjective dans laquelle il s'engage par une série d'amorces,
qui ne sont amorces que pour autant que justement, elles vont s'engager.

Revenons au don
d'une part il implique tout le cycle de l'échange où le sujet s'introduit primitivement.
L'immense circulation de dons recouvrant tout l'ensemble intersubjectif rend possible le don.
Il surgit de cet au-delà de la relation objectale, de cet ordre de l'échange où est entré l'enfant,
dont la constitution est proprement symbolique.
d'autre n'est don que ce qui se constitue d'un acte qui surgit sur fond de révocation, d'annulation,
signe d'amour préalablement annulé car absent, reparaissant ensuite comme pure présence
du fait que c'est à l'appel qu'il se donne, ou non.

L'appel est plus encore que le 1er temps, essentiel, de la parole : nous verrons que la structure
de la parole implique que dans l'Autre le sujet reçoive son propre message sous une forme inversée.
En effet l'appel ne peut pas être soutenu isolément : pensez à l'image freudienne du petit enfant
avec son "Fort!".."Da!" :  déjà au niveau de l'appel il faut qu'il y ait en face son contraire.
Appeler le repère : l'appel est fondamental, fondateur de l'ordre symbolique
parce que ce qui est appelé peut être repoussé. C'est en cela qu'il est introduction à la parole,
totalement engagée dans l'ordre symbolique.
Le don se manifeste à l'appel lancé quand l'objet n'est pas là.
Quand l'objet est là il devient signe du don : "rien" du coté de la satisfaction,
possiblement renvoyable en tant qu'il esr un rien.
Jeu symbolique à caractère profondément décevant,
mais articulation essentielle à partir de quoi la satisfaction se situe et prend son sens.
Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de satisfaction au niveau du rythme vital,
mais que la satisfaction mise en cause dans la frustration a le caractère profondément décevant
de l'ordre symbolique qui vient comme substitut et compensation.
Dans la saisie orale de l'objet réel, de l'objet de satisfaction (orale) qu'est le sein,
l'enfant écrase, cette déception, endort sa frustration, et le refus éprouvé.
C'est à cette douloureuse dialectique de l'objet (à la fois et pas là que l'enfant s'exerce,
génialement saisie par Freud dans sa forme pure, dans le jeu symbolique du "Fort!".."Da!"  
Le fond de la relation du sujet à la présence et à l'absence, c'est :
la présence existe sur fond d'absence, l'absence existe sur fond de présence.

Satisfait par l'objet réel, l'enfant repousse
la déception, la frustration, l'inassouvissement fondamental 
que cause la relation -fondamentalement symbolique- à la présence et à l'absence.
Rien d'étonnant à ce que ce soit dans le sommeil que persiste le désir sur le plan symbolique.
Le désir, y compris celui de l'enfant, n'est jamais lié à la seule satisfaction naturelle.
Pensez au rêve infantile de la petite Anna Freud qui dit en rêve framboise, flan ..
Si tous ces objets sont pour elle des objets transcendants c'est qu'ils sont entrés
dans l'ordre symbolique, l'ordre des objets qui peuvent être absents. Anna ce soir-là
n'est pas inassouvie, au contraire (indigestion). Avec la transposition dans l'ordre symbolique
Ces objets qui lui furent interdits sont maintenus dans le rêve comme désir,
le désir portant sur ce qui est impossible.
Notez, quant au rôle essentiel de la parole, que si Anna n'avait pas parlé dans son sommeil,
c'est à dire articulé son désir en paroles, nous n'en aurions jamais rien su.

Reprenons notre dialectique de la frustration :

Quand la satisfaction du besoin se substitue à la satisfaction symbolique il y a une transformation.
L'objet réel "devient signe" dans le cadre de l'exigence d'amour, dans la requête symbolique.
Mais ce n'est pas l'objet réel qui, par tour de passe passe, devient symbole,
ce qui prend valeur symbolique c'est l'activité, le mode d'appréhension 
qui met l'enfant en possession de l'objet.
C'est ainsi que l'oralité devient ce qu'elle est :
modèle instinctuel de la faim, elle est porteuse d'une libido conservatrice du corps propre.
Là Freud s'interroge : stricte libido de la conservation ou libido sexuelle ?
D'un coté elle vise la conservation de l'individu (c'est même ce qui implique la destrudo),
 mais d'un autre coté,
elle entre dans cette dialectique de substitution de la satisfaction à l'exigence d'amour,
et devient une activité érotisée.  Elle est donc libido au sens propre, et libido sexuelle.

Des gens pas très fins, par ex. Ch. Blondel dans Etudes philosophiques consacré au centenaire
de Freud, font ce genre d'objections au sujet de l'érotisation du sein : je veux bien tout entendre 
mais que font-ils du cas où l'enfant n'est pas nourri au sein de sa mère mais au biberon ?
Dès qu'il entre dans la dialectique de la frustration, l'objet réel (qui n'est pas indifférent non plus)
n'a pas besoin d'être spécifique. Même si ce n'est pas le sein de la mère, il ne perd pas la valeur
de sa place dans la dialectique sexuelle entraînant l'érotisation de la zone orale.
Le rôle essentiel, là, c'est que
l'activité a pris 1 fonction érotisée sur le plan du désir qui s'ordonne dans l'ordre symbolique.
(le désir ne porte pas sur les objets du besoin, le désir porte sur les objets que l'ordre symbolique, qui organise son monde, lui présente)
Comme il s'agit de ce qui donne lieu à une satisfaction substitutive de la saturation symbolique,
il est possible, même, que "pas du tout d'objet réel" joue le même rôle !
Cela seul peut expliquer la véritable fonction d'un symptôme comme l'anorexie mentale, qui est
non pas un ne pas manger, mais un ne rien manger, qui veut dire manger rien
"Rien" c'est qqchose qui existe au plan symbolique : pas un nich essen, mais un nichts essen. 
L'enfant mange "rien", c'est autre chose qu'une négation de l'activité, c'est une absence,
savourée comme telle, dont l'enfant use vis-à-vis de ce qu'il a en face de lui, la mère dont il dépend.
Grâce à ce rien, il la fait dépendre de lui.
Si on ne saisit pas cela, on ne peut rien comprendre à la phénoménologie de l'anorexie mentale,
ni à d'autres symptômes, et on peut faire les plus grandes fautes.

J'ai situé le moment de renversement 
qui nous introduit dans la dialectique symbolique de l'activité orale. A sa suite, d'autres activités seront saisies de même dans la dialectique libidinale. Mais autre chose se produit aussi :
dans ce moment où s'introduit dans le réel le renversement symbolique de l'activité substitutive,
la mère, jusqu'alors le sujet de l'exigence symbolique, simple lieu où pouvait se manifester
la présence ou l'absence (et cela pose la question de l'irréalité de la relation primitive à la mère),
devient un être réel. Un être réel peut refuser indéfiniment, peut littéralement tout.
Et c'est à son niveau (et pas de je ne sais quelle hypothèse d'une sorte de mégalomanie
qui projetterait sur l'enfant ce qui n'est que dans l'esprit de l'analyste) qu'apparaît pour la 1ère fois
la dimension de la toute-puissance, la Wirklichkeit (en allemand notion d'efficacité et réalité)
=> l'efficace essentiel se présente d'abord comme
la toute-puissance de l'être réel dont dépend absolument, sans recours, don ou non-don.
Je veux dire que primordialement, la mère est "toute-puissante"(tous les guillemets sont de moi)
Il ne s'agit pas de la notion kleinienne qu"elle contient tout" (tous les objets fantasmatiques),
dans l"immense" "contenant" de son corps. M. Klein n'a pas expliqué qu'il s'agit de projection,
et de projection rétro-active, des objets imaginaires au sein du corps maternel.
Car si la mère constitue ce champ virtuel dont les objets tireront leur valeur symbolique,
champ virtuel de la néantisation par le symbolique, alors on peut dire que les objets y sont.
D'ailleurs on ne s'étonne pas que l'enfant de deux ans y trouve les objets projetés rétroactivement.
Et que dans un certain sens, puisqu'ils étaient prêts à y venir un jour, ils y "étaient" déjà.

C'est dans ce sens que l'enfant se trouve en présence de la toute-puissance maternelle.

Selon M Klein après la "position paranoïde" s'ébauche une "position dépressive".
Cette "position dépressive" n'est pas sans rapport avec ma "relation de toute-puissance" :
le contraire de la mégalomanie : une espèce d'anéantissement, de micromanie.
Mais attention :
ce n'est pas parce que la mère qui apparaît comme toute-puissante est réelle :
pour que vienne le passage dépressif
l'enfant doit être capable de réfléchir sur lui même et sur le contraste de son impuissance.
Freud, l'expérience clinique, Lacan avec le stade du miroir situent ce point autour du sixième mois.

Vous m'objecterez ce que j'ai enseigné :
quand dans cette réflexion spéculaire le sujet saisit la totalité de son corps propre,
qu'il s'achève, en quelque sorte, dans cet autre total, qu'il se présente à lui-même,
ce qu'il éprouve est plutôt un sentiment de triomphe. Cette reconstruction est confirmée
par l'expérience, et le caractère jubilatoire de cette rencontre n'est pas douteux.
Mais il convient ici de ne pas confondre deux choses :
- d'une part, l'expérience de la maîtrise qui donnera à la relation de l'enfant à son propre moi
un élément essentiel : le splitting (division, détachement d'avec soi-même) qui demeurera toujours.
C'est parce que cette maîtrise lui est donnée sous la forme d'une d'une totalité étroitement liée à lui,
 à lui-même aliénée mais dépendante de lui, il y a de sa part de la jubilation.
- d'autre part la réalité du maître qu'il rencontre du fait que la structure réfléchie (spéculaire) du stade
du miroir est entrée en jeu, la totalité de la forme lui étant par là donnée. Quand il constate que
le corps maternel, cette autre totaliténe lui obéit pas, il considère cette toute-puissance,
maternelle en l'occurrence, dans un sentiment d'impuissance et en position dépressive.
  Par ces deux éléments, le moment de triomphe est aussi truchement de défaite.

Là peut s'insérer le phénomène de l'anorexie mentale.
En allant vite, disons que le seul pouvoir du sujet contre la toute-puissance c'est de
dire non au niveau de l'action, et qu'ici peut s'introduire le négativisme.  Néanmoins
l'expérience montre que la résistance à la toute-puissance dans la relation de dépendance
ne s'élabore pas au niveau de l'action et sous forme de négativisme,
mais s'élabore au niveau de l'objet, qui est apparu sous le signe du rien.
C'est là que le sujet renverse sa relation de dépendance et se fait maître de la toute-puissance :
Du fait que cette toute-puissance est avide du désir de le faire vivre, lui qui dépend d'elle,
par ce désir c'est elle qui dépend, elle qui est à sa merci, à la merci de son caprice,
elle dépend de sa toute-puissance à lui.

Il est important de soutenir que l'ordre symbolique est "le lit" nécessaire à l'instauration
de la 1ère relation imaginaire sur quoi se fait le jeu de la projection et de son contraire.
Pour l'illustrer en termes psychologiques -dégradation par rapport au 1er exposé-,
l'intentionnalité de l'amour constitue, très précocement, avant-tout, et au-delà de l'objet,
une structuration fondamentalement symbolique concevable si on pose que l'ordre symbolique
est déjà institué et présent. L'expérience le montre. Et comme Mme Isaac le fait remarquer,
dès un âge très précoce un enfant distingue une punition d'un sévice de hasard.
Avant même la parole, il ne réagit pas de la même façon à un heurt et à une gifle.
A ceux qui objectent que l'animal aussi, je dis que cela prouve que l'animal peut arriver à une
ébauche d'au-delà qui le met dans des rapports d'identification particuliers à son maître. Mais que,
à la différence de l'homme  il n'est pas inséré par tout son être dans un ordre de langage, 
cela ne donne rien de plus si ce n'est qu'il est un bon petit chien. C'est vrai qu'il arrive à
quelque chose d'aussi élaboré que distinguer quand on lui fait une tape dans le dos d'une correction.

Puisqu'on en est à éclairer les contours, il y a cet International journal of psycho-analysis :
certains se disent qu'il y a tout de même quelque chose d'intéressant dans le langage,
M Loeweinstein, avec une prudente distance non dépourvue d'habileté, cite quelques personnages
latéraux de Hamlet puis évoque M. de Saussure enseignant qu'il y a signifiant et signifié.
Bref, on montre qu'on est un peu au courant,  mais cela reste absolument inarticulé à notre expérience,
si ce n'est pour souligner qu'il faut songer à ce qu'on dit. Au niveau d'élaboration où cela se traîne,
je pardonne à l'auteur de ne pas citer mon enseignement -nous en sommes beaucoup plus loin.
Ou un certain Ch. Rycroft qui, au titre des Londonniens, essaye de faire .. ce que nous faisons,
la théorie analytique des instances intra-psychiques et de leur articulation. Et de nous rappeler
que la théorie de la communication existe, et que quand un enfant crie c'est une situation totale
 qui comprend le cri, la mère, l'enfant. C'est en plein la théorie de la communication :
l'enfant crie, la mère reçoit le cri comme signal du besoin.

Il ne s'agit absolument pas de cela dans ce que je suis en train de vous enseigner, qui est
ce que Freud souligne dans cette manifestation : un cri appelant réponse, dans un milieu
où le langage est déjà institué, dans quoi baigne l'enfant, qui en saisit et articule les 1ères bribes
au titre de couple d'alternance. Nous retrouvons le Fort-Da, car le cri en question ds la frustration
s'insère dans une synchronie de cris déjà virtuellement organisés en un système symbolique.
Le sujet humain ne connaît pas du cri que ce qui signale un objet, et il est vicieux, fallacieux,
erroné, de poser la question du signe alors qu'il s'agit du système symbolique.
Dès l'origine le cri est fait pour qu'on en prenne acte, voir même qu'on ait à en rendre compte
à un autre : il n'y a qu'à voir le besoin essentiel qu'a l'enfant de recevoir ces cris modulés,
et articulés, appelés paroles, et l'intérêt qu'il prend au système de langage pour lui-même.
Si le don-type est justement le don de la parole, c'est que là le don est égal en son principe.

Dès l'origine l'enfant se nourrit autant de paroles que de pain (C'est l'Evangile qui dit que
"..l'homme ne périt pas seulement par ce qui entre dans sa bouche, mais aussi par ce qui en sort..")
Le terme de régression s'applique à ce qui se passe quand l'objet réel, et du même coup
l'activité déployée pour le saisir vient se substituer à l'exigence symbolique.
L'enfant écrasant sa déception dans l'assouvissement -au contact du sein ou d'un autre objet-
entre dans le mécanisme qui fait de la frustration une porte ouverte à la régression.

Nous n'allons pas simplement remarquer que l'entrée dans l'imaginaire par la relation spéculaire
ayant fait ouverture au signifiant, tout va tout seul : relations au corps propre, appartenances du corps
se contentant d'entrer en jeu, et d'être transformées par cet avènement dans le signifiant. Ou être
surpris que les excréments soient pendant un temps l'objet électif du don,
puisque c'est dans ce matériel qui s'offre à lui, venant de son propre corps, 
que l'enfant trouve l'élément réel qui va nourrir le symbolique
(ndmm : il n'y a qu'à voir tous les termes et expressions autour de la rétention, du lâchage etc)
permettant de ce fait que la rétention puisse devenir refus. Bref, nous n'allons pas
nous étonner de la richesse et du raffinement des phénomènes au niveau du symbolisme anal
découverts par l'expérience analytique.

Par contre nous allons faire un jump qui va nous permettre de voir comment, 
dans la dialectique de la frustration, s'introduit le phallusLà encore attention à la genèse
naturelle déduisant de la constitution des organes génitaux le rôle prévalent du phallus dans le
symbolisme génital => mêmes contorsions que Jones essayant de commenter la phase phallique
affirmée par Freud et le fait que le phallus -qu'elle n'a pas-a tant d'importance pour la femme.
Car la question n'est pas là, la question est qu'il s'agit d'un fait : c'est dans tous les phénomènes
qui s'offrent à nous, et dans toute la dialectique imaginaire, que nous découvrons la prévalence,
du phallus et qu'elle préside à toutes les aventures, tous les avatars du développement génital.
Beaucoup s'exténuent à faire valoir que l'enfant féminin a ses sensations propres, que
son expérience est distincte de celle du garçon. Cela va de soi. Mais ce n'est pas la question :
La fille a plus de mal que le garçon a faire entrer la réalité de ce qui se passe, coté utérus ou vagin,
dans la dialectique du désir parce que imaginairement elle doit passer par quelque chose, vis à vis
de quoi elle a un rapport différent de l'homme, et dont elle manque : le phallus.
C'est le versant non physiologique de la question, pour le comprendre partons de l'existence d'un
phallus imaginaire.
Toutes une série de faits dont il est le pivot pousse à poser ce postulat, et à étudier de labyrinthe
où le sujet peut se perdre, où même il peut être dévoré.
Le fil pour en sortir est de considérer que la mère manque de phallus : de ce fait elle le désire,
et elle peut être satisfaite si quelque chose le lui donne. Partons de cela, qui est quand même
littéralement stupéfiant : le manque comme désir majeur ! Mais la 1ère vertu de la connaissance
est d'être capable d'affronter ce qui ne va pas de soi. De plus nous, qui admettons que le manque
est la caractéristique de l'ordre symbolique, nous sommes un peu préparés à l'admettre.
En d'autres termes,
c'est parce que le phallus imaginaire a un rôle signifiant majeur 
que la situation se présente ainsi. Le signifiant, ce n'est pas chaque sujet qui l'invente,
au gré de son sexe, ou ses dispositions, ou sa folâtrerie à la naissance.
Le signifiant existe. 
Ainsi que le rôle du phallus comme signifiant sous-jacent, que l'analyse a découvert.

Lacan à ce moment évoque les Structures élémentaires de la parenté où Levy-Strauss pose qu'il y a échange
des femmes à travers les lignées et entre les générations : un homme prend une femme à une autre lignée, il doit
une femme à la génération suivante ou à une autre lignée ..  Dans les mariages préférentiels entre cousins croisés
les choses circulent très régulièrement dans un cercle qui ne se referme ni ne se brise. Mais avec les cousins
parallèles au bout d'un certain temps l'échange tend à converger, et il y a des brisures. Lacan lui demande
si on pourrait renverser les choses, et dire que ce sont les lignées féminines qui produisent et s'échangent 
des hommes ? Car ce manque chez la femme, dont nous parlons, le phallus, qui n'est pas un manque réel
 (car elles peuvent en avoir, et même les produire car elles font des garçons, des phallophores).
Et imaginer un matriarcat dont la loi serait  j'ai donné un garçon je veux recevoir l'homme ?
Réponse de Levy-Strauss : du point de vue formel on peut décrire un système fondé sur les femmes mais cela
 rendrait un tas de choses inexplicables. En particulier le fait que dans tous les cas, y compris dans les sociétés
matriarcales, le pouvoir est androcentrique, représenté par des hommes et des lignées masculines.
Des anomalies très bizarres dans les échanges (modifications, exceptions, paradoxes) qui apparaissent 
dans les lois de l'échange au niveau des structures de la parenté, ne s'expliquent que par la référence à 
quelque chose qui est hors-jeu de la parenté, qui tient au contexte politique, à l'ordre du pouvoir,
et très précisément à l'ordre du signifiant, où sceptre et phallus se confondent.

Pour des raisons inscrites dans l'ordre symbolique qui transcende le développement individuel,
avoir, ou non, le phallus imaginaire, et symbolisé, s'explique au niveau de l'œdipe,
et donne son importance au complexe de castration.
 De là viennent les fameux fantasmes de la mère phallique sortis sur l'horizon analytique.
Nous verrons comment
la dialectique du phallus s'articule, s'achève, puis se résout, au niveau de l'œdipe.

Mais avant je vais vous montrer que je peux moi aussi parler des étages préœdipiens.
Sauf que mon fil conducteur est le rôle fondamental de la relation symbolique.
Elle seule explique le rôle du phallus dans sa fonction imaginaire (et dans la prétendue exigence
de la mère phallique) car elle permet de poser la notion essentielle de manque d'objet.

Dans un article admirable sur le complexe de castration chez les femmes, K Abraham évoque
une petite fille de 2 ans qui, après le déjeuner, va dans l'armoire à cigares :
le premier cigare pour papa, le second pour maman et .. elle coince le troisième entre ses jambes.
Maman ramasse la panoplie et remet tout dans la boite, mais la petite fille retourne et recommence.
Abraham indique seulement que son geste manifeste que cet objet symbolique lui manque.
Mais il faut y voir aussi d'autres choses : c'est aussi à ce titre qu'elle le donne d'abord à papa,
à qui il ne manque pas, marquant par là ce en quoi elle peut le désirer à ce moment-là.
Et aussi, ce que l'expérience le prouve, qu'elle veut satisfaire à qui il manque : 
il s'agit surtout de le donner à sa mère, ou un équivalent, comme si elle était un petit garçon.

Ainsi on peut dire : rien n'est concevable de la phénoménologie des perversions si on ne part
pas de l'idée qu'il s'agit du phallus. (c'est plus simple que les identifications/réidentifications,
labyrinthe où on se perd) et de comment l'enfant réalise que sa mère "toute-puissante"
manque fondamentalement de quelque chose. 
Dés lors à cette étape sa question c'est : comment lui donner cet objet dont elle manque ?
Et ... dont il manque toujours lui-même, sachant que le phallus du petit garçon
n'est pas beaucoup plus vaillant que celui de la petite fille, ce que les bons auteurs ont bien vu.
Ce caractère "déficient" du phallus du petit garçon, voire la honte ou l'insuffisance profonde
où il peut se sentir, a été pointé, non pour établir des différences, mais les éclairer l'un par l'autre.
Nous savons tous l'importance de cette découverte du petit garçon sur lui-même, et pouvons ainsi
comprendre la valeur de ses tentatives de séduction vis à vis de la mère, dont on parle toujours.
Elles sont profondément marquées du conflit narcissique, des premières blessures narcissiques,
elles-même préludes des effets ultérieurs de la castration symbolique.
Et plutôt que parler de simple pulsion ou agression sexuelle, il s'agit du fait que le garçon
veut se faire croire un mâle ou un porteur de phallus, alors qu'il ne l'est encore qu'à moitié.

Ainsi, dans toute la période pré-œdipienne où s'originent les perversions, il s'agit d'un "jeu",
un "jeu de furet" (de bonneteau, de pair/impair ..) où le phallus est fondamental :
d'une part en tant que signifiant,  et d'autre part dans cet imaginaire de la mère qu'il s'agit,
pour l'enfant, de rejoindre, car le moi de l'enfant repose sur la "toute-puissance" de la mère.
Ce phallus, il s'agit de voir où il est et où il n'est pas.
Et de fait : jamais vraiment là où il est, jamais tout à fait absent là où il n'est pas.
C'est là-dessus qu'il faut se fonder pour la classification des perversions futures.
Quelles que soient l'importance des apports sur les identifications (à la mère, à l'objet, etc..)
l'essentiel c'est le rapport au phallus.
Prenons le cas du transvestisme qui n'est pas simplement une homosexualité plus ou moins transposée,
ou une affaire de fétichisme avec sa particularité, mais c'est une affaire où le sujet met en cause son phallus.
 Fénichel le montre : sous les habits féminins c'est une femme car le sujet s'identifie à une femme, mais une femme
qui a un phallus, cachéLe rôle du phallus est de toujours participer à ce qui le voile (importance des habits,
du voile, car par eux l'objet se "matérialise". 
L'objet réel est là mais on peut penser qu'il peut ne pas y être, ou qu'il est là précisément où il n'est pas.
ou prenons le cas de l'homosexualité masculine, il s'agit encore du phallus, mais dans ce cas de celui du sujet,
 qui va le chercher chez un autre. (ndmm, voir sém.Valas). Toutes les "perversions" jouent par certain côté
avec cet objet signifiant en tant que signifiantqu'on ne peut pas prendre pour sa valeur faciale.
Quand on met la main dessus, qu'on le trouve, qu'on s'y fixe définitivement, comme dans le fétichisme,
cette perversion des perversions (car elle montre où il est, et ce qu'il est) l'objet est "rien" :
vieil habit usé, défroque, petit soulier usé .. quand il apparaît, qu'il se dévoile réellement, c'est le fétiche.

L'étape cruciale se situe juste avant l'œdipe,
entre la relation 1 ère -d'où je suis parti aujourd'hui- de la frustration primitive, et l'œdipe.
C'est l'étape où l'enfant s'engage dans la dialectique intersubjective du leurre. Pour satisfaire
ce qui ne peut pas être satisfait, le désir de sa mère étant fondamentalement inassouvissable,
l'enfant va se faire lui-même objet trompeur pour tromper ce désir inassouvissable.
C'est en montrant à sa mère .. ce qu'il n'est pas que se construit tout un cheminement
autour duquel son moi prend sa stabilité.

Toutes ces étapes caractéristiques, comme Freud l'a montré dans son article sur le splitting,
sont marquées de l'ambiguïté foncière du sujet et de l'objet. C'est en se faisant objet,
objet pour tromper que l'enfant s'engage avec l'autre dans la relation intersubjective constituée. 
Car (au contraire du leurre immédiat du monde animal où celui paré des couleurs se "produit"*)
 le sujet enfant, lui, suppose qu'il y a un désir -au second degré- dans l'autre, qui est à satisfaire,
et ce désir ne pouvant être satisfait, on ne peut que le tromper.
[*l'exhibitionnisme humain n'est pas celui du rouge-gorge. L'exhibitionniste humain (adulte) à un moment donné
ouvre/referme un pantalon : sans pantalon, il manque une dimension à l'exhibitionnisme.]

























mardi 27 novembre 2012

13. Je m'en retourne.




   Par la magie de l'informatique, d'internet et de Google j'ai pu écrire et m"adresser", 
sinon de fait, du moins imaginairement, et symboliquement, pendant plus d'un an.

    Il a suffi d'un geste infime, d'une très légère pression du doigt sur une minuscule surface,
pour que la scène intime soit livrée à la pâture publique, et que je ne sois plus qu'un personnage 
parmi d'autres sur la grande scène du web.   Acte ? acting-out ? passage à l'acte ?

Le versant technique de cette affaire 
(je suis dans mon fauteuil, bien à l'abri en un minuscule point du globe, pendant que des robots, 
"activés" -quand même- dispersent ma pensée, et que d'autres la captent par balayage intéressé)
révèle les effets possiblement in-maîtrisables de cette décision.

      La relecture des premiers messages prenant en compte ce fait, que je ne suis plus seule,
j'ai le désir d'en ré-écrire certains, vers lesquels je vais m'en retourner.
Je reviendrai.

                  


                                                                           

               

               


 Pour le lexique à venir : adresse, imaginaire, symbolique, acte, acting-out, passage à l'acte, intention.

lundi 19 novembre 2012

12. L'inconscient, on n'y a pas accès.



En cherchant dans le séminaire "La relation d'objet", pourtant déjà lu et relu, 
quelque chose ayant à voir avec un travail en cours, 
je lis ceci, qui me paraît convenir à la visée du blog :

" Le fantasme porte en lui le témoignage encore visible
 des éléments signifiants de la parole 
articulée au niveau de ce trans-objet, si l'on peut dire, qu'est le grand Autre, 
ce lieu où s'articule la parole inconsciente, 
et le sujet en tant qu'il est parole, histoire, mémoire, structure articulée ".

C'est mon but, et c'est ce qui motive la forme du blog, 
pas facilement saisissable j'en conviens,
que d'essayer de montrer comment, depuis Freud, la parole dans toutes ses acceptions
est, au-delà de ce qui s'articule dans la conversation,
le lieu d'un retour.

Et bien entendu avec cette citation pas forcément compréhensible,
je ne fais que poser quelque chose,
sur quoi je reviendrai.
....................

Un jour après ....

Du fait de la rencontre avec un texte j'ai dévié de la conduite choisie
(tenter d'être simple en appliquant la psychanalyse à partir du quotidien)
et je me suis vautrée dans les gros mots :
fantasme, signifiant, objet (et trans, qui plus est), Autre, inconscient ....

Comment NE PAS expliquer ?
Disons que :

- le fantasme, et l'objet, ont à voir avec "gargoulette",

- "signifiant" est le terme technique caché sous celui, plus général, que j'utilise ici : le MOT,

- que dans le message "Il n'y a que nous deux, ici", se cache l'Autre,

- et que ce qui a fleuri dans le discours de Rachida Dati,
 c'est en fait un mot arabe, un son arabe, la langue qui structure son inconscient, à elle.
Que je ne connais pas, d'ailleurs, puisque personne n'a accès à son propre inconscient,
et encore moins à celui des autres.
Mais on a accès aux formations de l'inconscient, qui, elles, sont visibles, ou audibles.
Quant à être interprétables, c'est une autre paire de manches.

Ce qui nous promet pas mal de jouissance : des siècles et des siècles.
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__________











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samedi 17 novembre 2012

De l'analyse finit, de l'analyse reste infinie.


                                    
                    Freud a évoqué tout au long de son oeuvre la question de la fin de l'analyse, avant tout dans les termes d'un objectif thérapeutique, ne l'abordant vraiment qu'à la fin de sa vie. Gérard Pommier, qui tente de dégager ce qui peut logiquement se dénouer de ce qui restera indéfini, nous permet de délimiter ce qu'on peut attendre de l'invention freudienne.

                      Dans un style excessivement dense, il présente son élaboration en cinq parties :
-      Introduction (positions du problème, le fini et l'infini, l'inconscient et le ça)
- I.   Analyse infinie (lecture littérale du savoir inconscient, effet thérapeutique de l'acte)
- II.  Analyse finie (positions et constructions du fantasme, interprétation)
- III. Moment de conclure et incidences (éthique et fin d'analyse, désir de l'analyste, écueil de l'inhibition)
- IV. Fin de l'analyse, sublimation (sublimation et acte créatif, éthique/esthétique, psychose)


                                                      I N T R O D U C T I O N

                                                         Positions du problème

               La psychanalyse tire sa vigueur moins des institutions et des hommes qui la représentent que de l'inconscient lui-même, incontournable dès lors qu'il est reconnu.
               Cependant certains des problèmes qu'elle pose, ses objectifs, ses résultats, restent partiellement obscurs. Ses officiants expliquent son effet selon des schémas qui différent. Elle reste inclassable, suspecte, les écoles de psychanalystes se sont pour certaines repliées sur des citations dogmatiques, d'autres érigent un fonctionnement hiérarchique qui s'apparente à celui d'une secte, dans un champ que contradictions et incohérences continuent de traverser : le tenant de l'affect et du corps méprise les allumés du mathème qui se gaussent du maniaque du signifiant ignoré du détective es traumatisme précoce ....
                Les comptes rendus cliniques, le succès thérapeutique, les paroles de patients ne peuvent faire preuve car l'analyste ne peut pas être exhaustif, il doit choisir parmi les phrases entendues. De plus l'expérience ne peut jamais être répétée deux fois de façon semblable pour le même analysant, et elle diffère toujours d'un cas à l'autre, ce qui rend les démonstrations invérifiables.
                 Pourtant à travers ce qui se répète dans l'expérience une structure peut se formaliser.
                 Mais chaque analyste l'utilisera à sa manière, selon des critères qui pour une part lui
échappent car sa logique, aussi loin qu'il aille, est au service d'une position subjective qui la détermine :
ainsi ce qu'il ne sait pas aussi détermine l'usage à faire du savoir.
                  La place de ce non-savoir est importante, et son efficacité réglée a pu faire douter de la validité de l'effort théorique : en effet cette efficience d'un "non-savoir", les effets thérapeutiques dont on ignore le ressort, ça paraît scandaleux. C'était vrai pour Freud, et c'est toujours vrai pour chaque analyste. Leur savoir "retarde", en ce sens qu'il y a un temps de retard avant qu'il reconnaisse ce qu'il a fait, et d'autre part ce qu'il sait va progresser dans l'après-coup de son acte.
                 La longue expérience n'est pas l'essentiel pour entendre chaque nouvel analysant. Elle peut compter dans l'effet de contraste entre la nouveauté de chaque parole par rapport à l'expérience passée, mais dans la mesure où ce qui se vérifie à chaque fois est l'inutilité de l'expérience puisqu'elle s'auto-détruit dans l'acte qu'elle prépare. Un analysant ne peut faire entendre ce qui lui est propre que si son symptôme, ce qui cloche dans sa parole, échappe à tout schéma préétabli.
                 Mais de même que cette notion que le savoir, (expérienciel ou livresque) a comme résultat immanquable de rendre sourd à toute nouveauté, appelle des précisions,
                        le "non-savoir" nécessaire à l'efficacité de la cure dont il est question ici appelle aussi des précisions : il ne s'agit pas d'ignorance. Il ne s'agit pas non plus de la méconnaissance du névrosé à l'égard de lui-même et de ses symptômes, que l'analyse lui permettra de situer.L'analyste lui est prévenu des identifications imaginaires auxquelles s'est accroché son "moi". Il ne se reconnaitra pas dans le père débonnaire ..
                       C'est un "non-su" sur le moment extrême où l'analysant cesse de s'identifier aux images chéries de son passé qui le tirent en arrière et le rendent malade. Donc la fin de l'analyse, moins prescription sans retour des identifications imaginaires que coup sans remède porté aux idéaux qu'elles campent.

                               ...........................  à suivre







mardi 13 novembre 2012

Qu'est-ce qu'on se passe ...



Impossible d'agrandir cette image, elle en devient trop floue. Dommage.
C'est un dessin 
Heath Robinson Inventions, Duckworth, Great Britain, 1973,
où on voit des personnages, surtout masculins, s'agiter de part et d'autre d'un filet :
tous une raquette à la main, ils tentent de recevoir une balle ou d'en frapper une,
mais comme ils sont nombreux les balles volent dans tous les sens, roulent à terre,
les personnages se contorsionnent, se percutent, chutent.

Les associations Psychanalyse actuelle et Cartels constituants de l'analyse freudienne
ont choisi cette image pour illustrer la parution des Actes d'un colloque de 1992
 Histoires de passes aujourd'hui. (érès) (lien)
Les témoignages sont très intéressants, et ils ont ceci de particulier qu'ils traitent de la passe
 instaurée par Jacques Lacan d'une manière pas exempte, par moments, de brutalité verbale,
dans des renvois d'arguments qui sont autant de balles qui atteignent, ou pas, leur but.
Si on a besoin de preuves que la passe remue le Réel, il n'y a qu'à voir comment la seule
évocation de la passe en général, et des passes personnelles affecte certains.
Dont le premier orateur, Eric Didier, qui passe .. un savon à certains, à défaut d'autre objet.
d'où mon titre "Qu'est-ce qu'on se passe ......"

Je fais une lecture personnelle de ce qui fait la particularité des témoignages
et des sentiments des intervenants dont certains sont poignants de souffrance contenue,
d'autres empreints de ce qu'il faut bien appeler une certaine méchanceté, 
et de ce qui se décline autour de cette procédure inventée par Lacan et aménagée depuis.

Lors de son séminaire de Mars 2013, Patrick Valas évoque le sujet,
ainsi que Claude Lecoq, qui en fait un article passionnant.


Eric Didier ouvre le bal avec INSTITUTIONNALISATION DE LA CHIENNERIE.

Le Réel, cet opérateur à penser la cure,
 a une autre dimension dans la passe, publique : il peut faire déraper passant et jury dans
la tentation de faire se tenir tranquille ce qui fait effraction. Un rapporteur extérieur peut
repérer cela : les dérapages à dimension de canaillerie, les postures de scrutateur du parcours
du passant, les méfaits de l'écoute sélective, la passe devenue collectif de pouvoir,
machine à dupliquer la théorie, machine à rêver/cauchemarder pour ceux qui ne s'y prêtent pas.
A contrario
la passe peut être un temps pour s'inscrire dans un collectif analytique, pour dire comment se
noue son propre malaise singulier à la détresse collective, pour se démarquer des symptômes
de son analyste voire ses positions inacceptables (je pense à l'éventuelle aliénation à 1 symbolique
qui l'empêcherait d'authentifier une détresse collective en la rabattant sur l'imaginaire ou en en
faisant une abstraction. (ex des feuilles de maladie -"la société me doit.."- trop souvent refusées)
Quelques passes, qui font résonner
une signature du sujet et sa prise dans le malaise collectif, interrogent le fondement même
de la pratique analytique : l'altérité radicale du fantasme inconscient, altérité
qui exclut le nouage grammaire-inconsciente/histoire-collective quand le Réel s'y est déchaîné
au point d'entamer le symbolique et l'imaginaire.
Le nazisme
 qui a dénoué et forclos corps/espace/temps, qui n'a pas fini de produire des effets, a affecté
la pratique analytique. Des analystes disent en être indemnes, et leur pratique peu affectée : c'est
décréter que l'ordre nazi, qui a fait lien social sur le traitement de l'humain comme matière première
serait sans conséquence d'après-coup. C'est éviter d'avoir affaire aux affaires d'héritage, dette,
transmission, réduites à fariboles en confondant Histoire et histoire de leurs liens transférentiels et
pérégrinations institutionnelles.
Un passant
disait son immense angoisse de mort à l'aller, vers ses séances, jamais présent au retour. Il avait
mentionné un grand père juif. Or l'interprétation fut : identification à Freud phobique des trains.
Sic sic resic, coup de balai sur l'énigmatique, l'équivoque, avec le nom de Freud barrant une
éventuelle ouverture sur les trains, les transferts, etc.. Devons-nous rester sourds à cette canaillerie
"ordinaire", autre que disjonctage particulier (dont rien ne dit qu'ils n'ont pas leur pareil dans le
secret des cures), que la passe révèle grâce à l'espace public, permettant travail d'enseignement ?
Que devient la psychanalyse quand
des analystes adhèrent sans broncher à une association dont les 4 fondateurs sont membres à vie ?
Qd d'autres se réjouissant de n'avoir pas connu Lacan fondent une association "pour les jeunes"
c'est à dire à partir d'un temps zéro ? Qd d'autres interdisent toute passe qui se tiendrait sans eux
attestant le désarrimage de la transmission, outre le simple refus de transmettre ? Qd l'hommage
à Claude Conté s'égare dans l'éloge de la meute (les chiens en meute du défunt reconnaîtraient
ses vrais amis en s'apaisant devant eux ..) et que personne n'y trouve rien à redire ?
Combien de signes faut-il pour prendre acte que ces positions publiques
adressées, faites pour être entendues, nous lient, s'il n'y est pas répondu ? Ne rien trouver 
à y redire institutionnalise la chiennerie qu'elles proposent. S'il y a connivence des institutions
pour taire cette chiennerie, c'est qu'elle a été peu interrogée par elles au fil des cures, et au pire
s'y est insinuée et institutionnalisée. N'est-ce pas un des ressorts qui poussent à refuser la mise
en pratique dans les associations d'une procédure qui rendrait public un tel scandale ?


Patrick Valas : REMARQUES SUR L'EXPERIENCE DE LA PASSE .

Serai-je intéressé par la passe causée par le désir de Lacan et sa demande insistante,
autant que par la psychanalyse causée par le désir de Freud ?
La passe existe, c'est un Réel que personne ne conteste, et la nécessité d'un dispositif,
hors cure, pour la saisir, dans le respect de sa structure passant/passeur/jury.
Quels sont les bouts de savoir recueillis sur ce qui distingue passe et fin de cure ?
L'expérience a été reprise à l'Ecole de la Cause Freudienne sans aucun éclaircissement sur
la question de la désignation des passeurs : insistante, elle est à mon sens une des principales
raisons de l'échec de l'expérience.
Car il y a paradoxe : si l'analyste n'est pas le mieux placé pour jauger la passe de son analysant
qui sort de l'épure du transfert dans le tracé de l'acte, sur quoi se fonde-t-il pour désigner le passeur
(censé "être la passe") ? Sur ce point c'est le brouillard, voire le brouillage. L'ECF remettant aux
AME (corps constitué, titre relevant d'une concession faite au groupe) la désignation des passeurs
la désignation des passeurs éjecte la question. Produire une école comme structure (non comme
symptôme de ce qu'ils ne parviennent pas à se dire) remettrait en cause le groupe.
Un cartel (membres renouvelables, travail d'élaboration, mission d'enseignement) remplace le jury.
J'ai participé de 1983 à 1985 à un cartel de passe.
La procédure ne réactualise pas la passe qui s'effectue dans la cure,
elle permet au passant de transmettre via ses passeurs la relecture qu'il fait de sa réécriture.
1. la question des passeurs : le cartel apprécie la qualité du passeur qui sait se laisser traverser par
le dire du passant, pour le transmettre sans comprendre comment il y est pris lui-même. Au moins
deux passeurs sont nécessaires pour transmettre la structure de la division subjective et parer au
défaut éventuel de la désignation (un passeur convient à un passant et pas à tel autre). L'analyste
devrait pouvoir mettre à l'épreuve sa désignation du passeur plutôt, qu'en laisser la charge au seul
analysant, qui peut se récuser mais pas demander à être passeur.
2. la réponse au passant : à celui qui élabore ce qui du privé fait irruption dans le public (et pas le
 contraire), au joint de l'articulation entre désir singulier et institutionnel, la réponse a à reprendre ce
désir mis en jeu dans la demande de passe, pas se réduire au trognon surmoïque d'un oui ou non.
3. la nomination suit la réponse, la dépasse dans sa visée, peu importent les effets de groupe ou
supposés bénéfices narcissiques. Elle vise ce point où le sujet ne peut se nommer lui-même
 tout en s'autorisant de l'acte. Mise en jeu d'un lien social à deux avec le psychanalyste comme
produit de l'acte analytique, la psychanalyse ne se pratique pas dans le désert : d'autres relèvent
ses coordonnées et le nomment. C'est le sens de l'aphorisme à double détente de Lacan selon
lequel "le psychanalyste ne s'autorise que de lui-même et de quelques autres, puisqu'il est
loin d'être seul à décider. Les psychanalystes, qui sont ainsi chacun "un", font série. Là se pose
la question d'un vrai athéisme dans la croyance aux noms-du-père et leur usage qui ne forclôt pas
l'institutionnel. Créance qui constitue un des aspects de la dette de l'analyste à la psychanalyse.
Nous avons procédé à deux nominations :
1. un passant a su nous convaincre de sa certitude subjective d'avoir fait émerger dans le Réel
le retour d'un savoir en lambeaux : un savoir chu de son propre (nom ?). La nomination s'est
logée à la place d'un nom propre qui lui avait été caché dans son enfance. Cette brèche ouverte,
il a poursuivi sa tentative d'établir une logique de la certitude, celle qui nous
au niveau du sujet vérité et savoir, distincte de la conviction délirante et de la croyance.
2. une passante a déplié des moments cruciaux de sa cure par où elle s'est arrachée au regard,
à la jouissance de l'Autre, pour, d"un reste de voix", relever le gant du S/s/s. Faire le pari du dire
pour soutenir le désir du psychanalyste "qu'on dise". Le reste de voix n'est pas ce à quoi se
réduirait le psychanalyste en fin de partie, il se creuse pour le passant dans la procédure, dans
l'écart entre ses dits et la voix qui le cause ds son désir. Elle travailla ensuite le rapport acte/écrit.
Le bilan de cette expérience :
un collège de la passe, et de nombreux travaux. Mais l'expérience fut en position d'exclusion
interne dès la parution des textes -dont la rigueur théorique fut saluée- rassemblés dans
Les racines de l'expérience, qui ont déplu aux "autorités". Effet d'écrit ?
A défaut de régler les difficultés posées par la désignation des passeurs l'affaire a tourné au
règlement de comptes sur le mode arlequinade stalinienne. "An nom de Lacan" les faussaires ont
"démocratiquement imposé" la passe à l'entrée à l'Ecole de la Cause Freudienne.
Pour des raisons de pouvoir en fait, il fallait vérifier si le sujet était sous transfert. Nous avons refusé
ce détournement de l'enseignement de Lacan et un par un nous avonx quitté l'ECF dès 1991.
Des personnes venant d'un peu partout ont créé Dimensions Freudiennes en décembre, association
qui aura son école et dont la clef de voûte sera la passe, parce qu'il faut donner une consistance
à une clinique interrogeant le désir de l'analyste, aucun enseignement ne pouvant garantir
la transmission et la formation du psychanalyste.


Anne-Marie Houdebine : LES GROUPES DE QUESTIONS CLINIQUES

A partir de la Proposition sur la passe, en 67, de l'acuité de cette question, et malgré (à cause ?)
de son échec, des analystes ont mis en place d'autres dispositifs. Le dispositif (ou protocole de
travail Formation/Transmission s'adresse à un analyste redevenant analyste :
1er temps.
Question d'un-e analyste à d'autres analystes, "sa question" clinique ou théorique, repérée
explicitement ou non, son envie de travailler quelque chose d'une cure, en cours ou non et pas
avec un contrôleur, même si celui-ci existe dans le tableau. Ni seconde tranche ni contrôle,
mais : lien social entre analystes. Une butée de la cure, une envie d'en témoigner à d'autres,
ou arrêter quelque chose d'impensable, immaîtrisable, nécessité d'instaurer du tiers autre,
venu/venant du "social", dans le lien de l'histoire biographique à l'Histoire. Aucune garantie
que ce soit avancée ou évitement. Sans doute les deux, comme l'intrication des processus
primaires et secondaires ou le travail des pulsions. Ce qui se pose c'est la question du désir
ou de la demande de l'analyste posant "sa" question : venant de l'analysant-e ? de l'analyste ?
de l'analyste de l'analyste ? D'où équivoque du "sa". L'expérience du  GQC à PA montre
qu'un analyste peut arriver avec une question, ou pas, déposer quelque chose d'une butée en lui,
 sans trop savoir quelle est "sa" question, ou venir avec une question d'ordre clinique ou théorique,
sans compter qu'ils peuvent s'entendre en formuler une autre.
2e temps.
Travail en cartel du groupe qui a écouté, sur ce qu'il a reçu. Les psychanal. ne sont pas nommés,
ce sont des membres qui désirent participer à un GQC dont les noms sont tirés au hasard pour
constituer le GQC valant pour 1 travail. Le groupe est dissout après le 3e temps de transmission
au public. E. Didier et A. Escogido sont responsables des modalités de ce fontcionnement
pour éviter que reviennent les mêmes noms. L'objectif du groupe ayant entendu quelque chose
de la question de l'analysant consiste à transmettre "sa" question, de chacun du groupe.
L'énonciation supposée de l'analyste sera reconstruite par les écoutants, l'énoncé de chacun
du groupe étant supposé le sien, tel que chacu l'a entendu, et son dire travaillé par la question du 1er.
Le risque si on veut réentendre = vouloir comprendre, maîtriser, s'instaurer en contrôle, risque de rationnalisation communautaire effaçant chaque singularité, ce qui advient constamment.
Difficile question du rapport singularité/communauté dans la parole oeuvrante se tissant
dans le groupe. Ecouter 1 seule fois favorise la reprise de l'écoute de chacun, davantage travaillée
sur le fil de chaque singularité, donc est plus subjectivante quand on constate à quel point
on a entendu la même chose.
3e temps
de déliaison-retransmission à un public d'analystes en présence de l'analyste silencieux,
dépossédé de ce qu'il a transmis. Temps supposé de transmission, de passage à un public,
où est aussi tenté quelque chose d'une dessaisie du cartel face à ce public.


                                       










lundi 12 novembre 2012

Indispensables mythes.

                                                                               

             Il y a beaucoup d'éditions de ce travail de Bruno Bettelheim sur les contes de fées, moi j'avais acheté celle-ci pour savoir ce qu'il en était de quelque chose que je croyais, mal renseignée que j'étais, inintéressant. Le livre est resté de côté plusieurs années, pendant lesquelles j'ai quand même progressé dans mon apprentissage de la construction du psychisme.
             Quelle découverte quand j'ai commencé à lire ! Quel style ! Quelles trouvailles ! et à quel point ce travail coïncide avec mes propres intuitions, les conforte, les canalise, les enrichit, et m'enseigne encore !
           
                                                             Sommaire
Introduction

                                                           Première partie 
                                         DE L'UTILITE DE L'IMAGINATION 
La vie devinée de l'intérieur  Le conte de fées et la fable "Le Pêcheur et le Génie"
Le conte de fées et le mythe  Optimisme contre pessimisme                                                            
"Les trois petits cochons"  Principe de plaisir et principe de réalité
Le besoin de magie chez l'enfant
Satisfaction indirecte contre récognition consciente
Importance de l'extériorisation  Personnages et évènements fantastiques
Métamorphoses  Le fantasme de la méchante marâtre
Du chaos à l'ordre
"La reine des abeilles"  ou comment intégrer le "çà"
"Frérot et soeurette" ou comment unifier sa personnalité
"Sindbad le marin et Sindbad le portefaix"  L'imaginaire et la réalité
Le thème conducteur des "Mille et Une Nuits"
Le thème des "Deux Frères"
"Les trois Langages"  ou comment réaliser l'intégration
"Les Trois Plumes"  "Simplet", le benjamin de la famille
Conflits oedipiens et leur solution  Le chevalier en armure étincelante et la demoiselle en détresse
La peur de l'imaginaire  pourquoi les contes de fées sont-ils mal vus ?
Transcender l'enfance à l'aide de l'imagination
"La Gardeuse d'Oies" ou comment conquérir l'autonomie
Imagination, guérison, délivrance et réconfort
De l'art de raconter les contes de fées

                                                          Deuxième partie
                                                AU ROYAUME DES FEES

"Jeannot et Margot" (Hansel et Gretel)
"Le petit Chaperon rouge"
"Jack et la tige de haricot"
La reine jalouse de Blanche-Neige et le mythe d'Oedipe
"Blanche-Neige"
"Boucles d'Or et les Trois Ours"
"La Belle au Bois Dormant"
"Cendrillon"
Le cycle du fiancé-animal dans les contes de fées ou la lutte pour la maturité

Notes, Bibliographie, Critiques et Commentaires, Index des noms cités, des contes et mythes.
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Introduction.
               Lutter pour donner un sens à la vie. Vouloir être conscient de notre existence plutôt que vivre au jour le jour, c'est lui donner un sens. Cela ne s'acquiert pas automatiquement à tel âge d'enfance ou maturité. Au contraire la maturité psychologique nécessite d'appendre le sens de la vie en une longue évolution : à tout âge nous cherchons, et nous devons pouvoir trouver un minimum de signification suivant le niveau de développement de notre intelligence.
           Contrairement au mythe, la sagesse ne jaillit pas d'elle-même et tout faite (Athéna de la tête de Zeus) elle s'élabore petit à petit après des débuts irrationnels. L'expérience ne donne compréhension du monde et de soi qu'à l'âge adulte. Malheureusement trop de parents voudraient ou croient, que l'esprit de leur enfant fonctionne comme le leur.
           L'aider à donner un sens à sa vie est la tâche la plus importante et la plus difficile. Il y parvient à travers de nombreuses crises de croissance, qui l'aident à se comprendre, à comprendre les autres, et établir des relations réciproquement satisfaisantes.
           On découvre le sens de la vie en étant capable de dépasser les limites étroites de l'égocentrisme, et de croire qu'on peut être satisfait de soi et de ce qu'on fait. En appui sur ces sentiments positifs et la confiance en l'avenir, l'imagination, l'intellect, et les sentiments, vont s'enrichir mutuellement, développer de la rationalité et du soutien contre les adversités que nous rencontrons forcément.
           L'essentiel de mon travail d'éducateur et thérapeute d'enfants gravement perturbés consistait à donner un sens à leur existence, en cherchant dans leurs expériences de vie ce qui était le plus propre à découvrir leurs raisons de vivre, de donner le maximum de sens à leur vie. Rien n'est plus important que l'influence des parents, des éducateurs, de l'héritage culturel, dans quoi sont compris les livres.
           Une grande partie de la littérature destinée à former l'esprit et la personnalité de l'enfant est incapable d'alimenter les ressources intérieures indispensables pour affronter ses difficiles problèmes. Outre les abécédaires, la "littérature enfantine" vise à l'amuser, à l'informer, mais la substance des écrits est si pauvre qu'elle est pour lui sans signification profonde. Or l'acquisition des techniques -y compris de lecture- perd de sa valeur si ce que l'enfant a appris n'ajoute rien d'important à sa vie.
          Nous avons tendance à évaluer les mérites futurs d'une activité sur ce qu'elle offre sur le moment, surtout avec l'enfant qui vit plus dans le présent. Bien qu'angoissé par l'avenir il n'a que de vagues notions de ce qu'il peut être, de ce qui sera exigé de lui. Ses lectures ne peuvent enrichir sa vie future si les histoires y sont dénuées de sens. Cela trompe l'enfant sur le fait que la littérature peut apporter la connaissance du plus profond de la vie, et ce qui est significatif pour lui à son niveau de développement.
          Une histoire accroche l'attention de l'enfant et enrichit sa vie si elle divertit et éveille sa curiosité. Alors elle stimule son imagination, l'aide à développer son intelligence, à voir plus clair dans ses émotions. Accordée à ses angoisses et ses aspirations, et lui fait prendre conscience de ses difficultés et suggère des solutions aux problèmes qui le troublent.
          Bref, en un seul et même temps se mettre en accord avec tous les aspects de sa personnalité sans amoindrir, mais au contraire en reconnaissant pleinement l'importance de sa situation, ce qui lui donne confiance en lui et en son avenir.
          Sur tous ces points et beaucoup d'autres rien n'est plus enrichissant et satisfaisant, dans la littérature enfantine (sauf très rares exceptions) que les contes de fées puisés dans le folklore. Créés bien avant la société de masse que nous connaissons, ils nous apprennent infiniment plus de choses sur les problèmes intérieurs des êtres humains et sur leurs solutions, que tout autre type d'histoires à la portée de l'enfant. Appelé à tout moment à être exposé dans la société, il apprendra à s'y adapter aux pourvu que ses ressources intérieures le lui permettent.
          La vie semble déroutante à l'enfant, et le monde complexe. Pour l'aider à mettre un peu de cohérence dans le tumulte de ses sentiments, lui donner les idées qui lui permettront de mettre de l'ordre dans sa maison intérieure et, sur cette base, pouvoir le faire dans sa vie, il a besoin d'une éducation qui, de manière subtile, lui fasse voir les avantages d'un comportement conforme à la morale. Non pas au moyen de préceptes éthiques abstraits, mais par le spectacle des aspects tangibles du bien et du mal qui prendront toute leur signification.
          L'enfant peut le faire grâce aux contes de fées. Comme beaucoup de notions psychologiques modernes, cela a depuis longtemps été pressenti par les poètes. Schiller, par exemple, trouvait "plus de sens profond dans les contes de fées qu'on lui racontait dans son enfance que dans les vérités enseignées par la vie".
           Répétés depuis des millénaires, les contes se sont chargés de significations apparentes ou cachées adressées à tous les niveaux de la personnalité humaine, et qui touchent aussi bien l'esprit encore inculte de l'enfant que celui plus perfectionné de l'adulte. Utilisant sans le savoir le modèle psychanalytique de la personnalité humaine ils adressent d'importants messages à l'esprit conscient, préconscient et  inconscient, car ils abordent les problèmes humains universels, en particulier ceux des enfants.
         S'adressant à leur moi en herbe ils favorisent son développement, tout en desserrant les pressions inconscientes, les pressions du çaau fur et à mesure que le conte évolue : elles prennent corps et se précisent, cela permet à l'enfant de voir comment les soulager tout en respectant les exigences du surmoi.
    
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Dans sa 1 ère théorie de l'appareil psychique Freud y délimitait inconscient/préconscient/conscient.
Dans 2 ème il délimite toujours trois instances, mais les termes ça/moi/surmoi en rendent mieux compte.
Le ça, qui est inconscient, englobe l'expression psychique des pulsions, et est pour partie héréditaire, inné, refoulé, acquis). C'est un réservoir d'énergie psychique, en conflit dynamique avec le moi et le surmoi.
Le moi est une instance dépendante autant des revendications du ça que des impératifs du surmoi et de la réalité. Il est le pôle défensif de la personnalité car il met en jeu les mécanismes de défense contre la perception d'un affect déplaisant et angoissant. Il lie l'énergie pulsionnelle et les processus psychique de la raison, mais dans la défense il reste influencé par les processus primaires et la défense prend une allure combative, répétitive, déréelle.
Le surmoi agit comme une sorte de juge à l'égard du moi, une conscience morale, une formation d'idéaux. Dit "héritier" du complexe d'oedipe il se constitue par l'intériorisation des exigences et interdits parentaux.
L'idéal du moi est une formation indépendante qui résulte de la convergence du narcissisme (idéalisation du moi) et des identifications (aux parents, aux autres, aux idéaux collectifs)  ce qui en fait une sorte de modèle à quoi le sujet aspire à se conformer.
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          Mon intérêt pour les contes de fées ne vient pas de ces considérations techniques, mais de ce que je me suis demandé pourquoi les enfants les trouvent plus satisfaisants que d'autres histoires, pourquoi ils enrichissent tant leur vie intérieure. J'ai constaté qu'ils débutent toujours à un moment où se trouve l'enfant dans son être psychologique et affectif, et lui parlent de ses graves pressions intérieures d'une manière telle qu'il enregistre inconsciemment, lui montrent qu'il existe des solutions -momentanées ou permanentes- aux difficultés psychologiques les plus pressantes.
          La fondation Spencer m'a permis d'étudier la contribution que peut apporter la psychanalyse à l'éducation des enfants. Constatant que la lecture (que l'enfant lise ou qu'on lui raconte une histoire) y joue un rôle essentiel, j'ai saisi l'occasion d'explorer l'apport inestimable des contes de fées folkloriques. J'espère aider parents et éducateurs à mieux comprendre leurs mérites uniques et la place qu'ils ont tenue pendant des siècles et des siècles dans la vie des humains.

           Les contes de fées et la situation existentielle.  Pour pouvoir régler les probl. psychologiques de la croissance, c'est à dire surmonter les déceptions narcissiques, les dilemmes oedipiens, les rivalités fraternelles, être capable de renoncer aux dépendances de l'enfance, affirmer sa personnalité, prendre conscience de sa propre valeur et de ses obligations morales, l'enfant a besoin de comprendre ce qui se passe dans son être conscient. Grâce à cela il pourra également faire face à ce qui se passe dans son inconscient. Cette compréhension qui l'aidera à lutter contre les difficultés, ne vient pas en apprenant rationnellement le contenu et la nature de l'inconscient, mais en se familiarisant avec lui. En brodant des rêves éveillés, en élaborant et en ruminant des fantasmes issus d'éléments du conte il transformera en fantasmes imaginaires le contenu de son inconscient, lui permettant de mieux y faire face. C'est la valeur inégalée du conte de fées : il ouvre de nouvelles dimensions à l'imagination de l'enfant qui ne peut les découvrir seul. Plus important : la structure du conte de fées offre des images pour les rêveries qui aident à orienter la vie.
            L'inconscient est un puissant déterminant du comportement. Refoulé, ses dérivatifs émergent ds le conscient, évitant au sujet d'exercer un contrôle trop rigoureux qui pourrait handicaper sa personnalité. Du matériel inconscient peut ainsi accéder au conscient et se livrer à l'imagination, cela réduit sa nocivité potentielle, et une partie de sa force peut être mise au service d'objectifs positifs. Beaucoup de parents croient que l'enfant doit être mis à l'abri de ce qui le trouble (angoisses informes, fantasmes chaotiques, colériques ou violents), et que seules des images rassurantes et le côté ensoleillé des choses doivent lui être présentées. Mais la vie réelle n'est pas que soleil.
          On tente de cacher à l'enfant que ce qui va mal dans la vie vient aussi de la nature humaine, du penchant à agir agressivement, asocialement, égoïstement, de lui faire croire que l'homme serait foncièrement bon. Mais les enfants savent qu'ils ne le sont pas toujours, que souvent même ils n'ont pas envie de l'être. Cela contredit ce que racontent les parents, l'enfant pense alors que lui-même est un monstre.
          La culture dominante veut faire comme si le côté sombre de l'homme n'existait pas. Même à la psychanalyse il est demandé de rendre la vie facile alors qu'elle a été créee pour rendre l'homme capable de voir la nature problématique de la vie pour ne pas se laisser abattre par elle, et sans recourir à des faux-fuyants. Pour Freud l'homme parvient à donner un sens à son existence s'il lutte courageusement contre ce qui lui paraît être des inégalités écrasantes.
          C'est le message des contes de fées : la lutte contre les difficultés de la vie fait partie de l'existence humaine, et si on affronte les épreuves inattendues ou injustes sans se dérober, on surmonte les obstacles.
           Les histoires modernes évitent d'aborder ces problèmes d'importance cruciale, la mort, le vieillissement, l'espoir d'une vie éternelle, alors que l'enfant a besoin de recevoir, sous forme symbolique, des suggestions sur la manière de les traiter pour s'acheminer en toute sécurité vers la maturité. Le conte de fées le lui permet en le mettant en présence des difficultés fondamentales de l'homme.
           De nombreux contes débutent par la mort d'un père ou d'une mère, et s'ensuivent des problèmes angoissants (qui sont ce qu'on appréhende ou ce qui se passe dans la vie réelle). Ou évoquent père ou mère vieillissants qui décident de passer le relais à la nouvelle génération, après que le successeur ait prouvé qu'il était capable et digne de prendre la relève. Les trois plumes, de Grimm, commence par "Il était une fois un roi qui avait trois fils ..... sentant ses forces décliner et sa mort prochaine il ne savait à quel fils laisser le royaume....". Il va donc confier à chaque fils une tâche difficile, et voir qui la réussira le mieux.
           Ainsi le conte de fées pose, en termes brefs et précis, des problèmes existentiels. L'enfant peut affronter ces problèmes dans leur forme essentielle, non compliqués par une forme élaborée : la situation est simplifiée, les personnages nettement dessinés, correspondant à un type et sans détails superflus.
           Le mal y est aussi répandu que la vertu, comme dans les penchants de tout homme.
           C'est ce dualisme qui est posé comme problème moral, que l'homme résoudra en luttant.
           Dans ces contes le mal est présenté avec des attraits (symbolisés dans un géant tout-puissant, un dragon, ou les pouvoirs d'une sorcière) et souvent il triomphe .. momentanément. L'usurpateur réussit pendant quelques temps à prendre la place du héros ou de l'héroïne.
            C'est à dire que la portée morale des contes ne vient pas seulement de ce qu'il est puni à la fin (dans les contes comme dans la vie la menace du châtiment a peu d'effet contre le crime), ce n'est pas seulement de dire le triomphe final de la vertu qui assure la moralité, c'est la conviction que le crime ne paie pas parce que l'enfant, séduit par le héros, s'est identifié à lui à travers toutes les épreuves : en s'imaginant partager ses souffrances et en triomphant avec lui quand la vertu l'emporte sur le mal. C'est l'enfant lui-même qui accomplit cette identification, et les luttes intérieures et extérieures du héros impriment en lui le sens moral.
           Dans les contes les personnages ne sont pas ambivalents, bons et méchants à la fois comme nous le sommes tous dans la réalité. La polarisation qui existe dans l'esprit de l'enfant, avec bons et méchants bien séparés, est posée dans le conte, ou chaque personnage est tout bon ou tout méchant. Souvent deux frères un bon/un idiot, deux soeurs une vertueuse et active, une infâme et indolente, une belle une laide, un parent tout bon l'autre tout méchant etc. Les personnages fictifs ne sont pas juxtaposés pour dire le meilleur comportement, comme dans les contes de mise en garde, mais pour que l'enfant voie tout de suite la différence, ce qu'il ne peut pas peut faire dans la vie où gens existent avec toute leur complexité. Il ne peut le faire avant d'avoir solidement établi sa propre personnalité à partir d'identifications positives. Alors il verra que les gens sont très différents, qu'il doit lui-même décider de ce qu'il sera : fondamentale décision, sur laquelle se bâtira sa personnalité, processus facilité par la polarisation des contes de fées.
           L'enfant ne peut se fonder comme l'adulte sur le bien opposé au mal, ou sur le personnage censé éveiller la sympathie par rapport à celui décrit comme antipathique. S'il s'identifie au personnage bon et simple et rejette le méchant, c'est parce que la situation du héros trouve en lui un écho profond. Il ne se demande pas s'il désire être bon ou à qui il veut ressembler, il va se projeter dans le personnage : si celui-ci est bon, l'enfant veut être bon lui aussi.
          Les contes amoraux n'ont pas d'intention morale : il n'y a pas un bon opposé à un méchant. Le Chat botté qui triche pour aider le héros à triompher, Jack (conte anglais) qui vole le trésor du géant ne proposent pas un choix entre bien et mal. Ces contes ont un autre but : ils aident l'enfant à penser que les les plus faibles peuvent réussir dans la vie, et au problème majeur de savoir s'il vaut mieux aborder la vie avec la conviction qu'on peut venir à bout des difficultés, ou se penser vaincu d'avance.
          Les livres modernes ignorant les conflits intérieurs profonds, les pulsions primitives et l'existence d'émotions violentes, n'aident pas l'enfant à les affronter. L'enfant, sujet à des accès désespérés de solitude, d'abandon et d'angoisse mortelle, incapable de les exprimer par des mots, le fait de façon détournée : peur de l'obscurité, d'un animal quelconque, angoisse quant à son corps etc.
          Les parents peuvent négliger ces émotions ou les amoindrir croyant rassurer l'enfant. A l'inverse le conte de fées les prend très au sérieux et les aborde directement (besoin d'être aimé, amour de la vie, peur de la mort, peur de passer pour un bon à rien) avec des solutions adaptées à sa compréhension.
Le conte qui pose le désir de vie éternelle et se conclut par " Et s'ils ne sont pas morts, ils vivent encore à l'heure qu'il est", ou " ils vécurent toujours heureux" ne font pas croire que la vie peut durer éternellement, mais qu'il y a une façon de moins souffrir en établissant un lien satisfaisant avec l'autre, que la sécurité affective existe, et cela peut dissiper la peur de la mort.
         Les gens mal informés qui voient là une manière irréaliste d'aider l'enfant ne voient pas l'important : le message délivré par le conte : qu'il peut échapper à l'angoisse de séparation qui le hante, qu'il n'y a pas de risque à quitter les jupes de sa mère. Qu'essayer d'éloigner l'angoisse de séparation et de mort en restant désespérement accroché à ses parents entraîne le sort de Jeannot et Margot, Hansel et Gretel.
         Le héros du conte de fées, l'enfant, se trouvera en explorant le monde extérieur, et ce faisant il découvrira aussi "l'autre", avec qui on peut vivre sans angoisse de séparation. Le conte de fées, en étant orienté vers l'avenir, aide l'enfant à la renonciation aux désirs infantiles de dépendance pour un existence indépendante plus satisfaisante, dans des termes appropriés à saisir son conscient et son inconscient.
          Aux enfant d'aujourd'hui qui vivent moins dans des communautés intégrées il est important de procurer des images de héros qui doivent s'aventurer seuls dans le monde, sans savoir comment leurs aventures finiront, et finissent par découvrir des endroits où ils se sentent en sécurité.Comme l'enfant moderne qui se sent souvent isolé, le héros du conte, qui suit sa route dans la solitude, est aidé par les choses primitives qui l'entourent (arbre, animal, nature) dont il se sent proche. Comme le héros il peut se sentir abandonné, hors-la-loi du monde, tâtonner dans l'obscurité, mais comme lui aussi il sera guidé et recevra de l'aide. C'est important qu'il soit rassuré par l'image d'un être qui, malgré l'isolement, établira des relations significatives, riches en récompenses, avec le monde qui l'entoure.

          Le conte de fées, forme d'art unique qui divertit l'enfant, l'éclaire sur lui-même, et favorise le développement de sa personnalité. Il a tant de significations à des niveaux différents, et enrichit tellement la vie de l'enfant et contribue à sa croissance intérieure qu'aucun autre livre ne peut égaler.
          En représentant sous une forme imaginaire la saine évolution de l'homme ils réussissent à la rendre séduisante pour que l'enfant n'hésite pas à s'y engager. Ce processus va de la résistance aux parents, à la peur de grandir, à l'indépendance psychologique, la maturité morale, la capacité de ne plus voir dans l'autre sexe rien de menaçant et pouvoir établir des relations positives.